Aline Gemayel. Photo Michel Sayegh
Dans son parcours s'inscrivent quatre années d'une belle collaboration avec l'association Mira Europe avec, à la clé, le financement de la construction de la première école en Europe d'éducation et de remise de chiens-guides à des enfants aveugles. Mais «titillée» par ses premières amours, la culture et l'identité, et curieuse de tout, Gemayel continue à correspondre avec son journal, auquel elle reste fidèle, sous forme de chroniques et de comptes-rendus sur les activités théâtrales à Avignon. Tout cela avant de passer à une autre forme de création. Un projet qui serait en quelque sorte la somme de ces années de rencontres et de sensibilités accumulées.
«À Avignon, dit-elle, il y a d'abord le festival In, cette manifestation officielle qui transforme la prestigieuse cité des papes en un grand théâtre. Et, en parallèle, le festival Off qui s'est créé en 1968, où tous les arts vivants investissent la ville, animent les rues et occupent les lieux les plus improbables (garage, sous-sol, gradins....). Chacun peut y faire son propre théâtre.» «On a dénombré cette année, dit-elle, plus de 1 100 pièces par jour.»
« Comme je vis dans cette ville qui respire le théâtre, poursuit-elle, et qui par ailleurs est la troisième ville d'émigration de France, je me suis soudain sentie investie d'une charge (sans aucune prétention, dit-elle, en rigolant) de faire le lien entre la culture théâtrale française et la mixité méditerranéenne à laquelle je me suis nourrie.» «Être entre deux cultures, précise-t-elle, quoi de plus gratifiant. Alors pourquoi ne pas en profiter et apporter une certaine action de paix sociale.»
Il était essentiel pour Aline Gemayel, à l'heure où l'identité nationale est débattue dans l'Hexagone, que les Français (d'origine) comprennent mieux la culture des émigrés, que ces derniers pour leur part n'aient pas honte de ce riche métissage qu'ils ont en bagage.
«Parler de tout ce qui se fait dans le monde arabe et, par extenso, dans le bassin méditerranéen; créer cette interaction entre les côtes sud et nord de la Méditerranée; promouvoir tous les arts scéniques, les expressions artistiques contemporaines ancrées dans les pays du monde arabe et du pourtour de la Méditerranée, et offrir aux artistes en provenance de ces pays un espace d'expression au sein duquel ils puissent créer librement et échanger pour affirmer un ancrage culturel spécifique ; réussir des croisements au niveau de la culture et cela à travers l'organisation de manifestations ou la création et la gestion de lieux dédiés à ces arts en Avignon: tels étaient les objectifs premiers de cette association sans but lucratif», explique Aline Gemayel.
«Après les avoir définis, il fallait s'attaquer à d'autres volets, poursuit-elle. Comme trouver des fonds et axer sur des thématiques intéressantes. Je suis au Liban pour prospecter et faire les contacts nécessaires», dit-elle. En France, Tamam a déjà établi un partenariat avec une association du nom de Système Friche (Marseille), qui travaille énormément sur le monde arabe et la Méditerranée. Elle sera par ailleurs cooptée par une couveuse d'entreprise qui lui évitera les aléas de parcours et lui assurera la pérennité en l'aidant à bien cibler, à la fois, la recherche de moyens et l'organisation. Au Liban, c'est avec l'association Shams que les contacts se sont le plus précisés. Une base de données que Roger Assaf se promet de donner à Aline Gemayel afin que ses recherches soient facilitées. «Je suis une coordinatrice entre le monde de l'émigration et le monde des arts», aime-t-elle à rappeler.
Les premiers pas...
C'est donc dans le cadre du festival Off d'Avignon que Tamam s'est engagée dès 2010 dans un premier événement inaugural «ticket unique». Cette soirée, qui portera sur une pièce libanaise contemporaine, s'articulera autour de trois modules de 40 à 45 minutes chacun et se terminera par une grande fête gustative «car la nourriture est toujours un lien entre les gens», souligne-t-elle avec son sourire malicieux et gourmand.
Cet événement sera organisé dans un théâtre avignonnais, en partenariat avec «Les rencontres d'Averroès» et le programme «Théâtre arabe en région PACA» porté par l'association «Système Friche Théâtre (Marseille)» et la région PACA sur l'accueil de pièces de théâtre venues du monde arabe.
Pour la programmation officielle, qui commencera en juillet 2011, ce sera un événement de trois jours par trimestre, autour d'une thématique: «Le théâtre contemporain arabe», «La tradition orale ou le conte en épopées», «Théâtre arabo-méditerranéen pour enfants»...
Pendant ces trois jours et sur une jauge comprenant 140 personnes, Tamam présentera deux spectacles différents, une table ronde sur la thématique choisie et toujours cette fête gustative pour clore en beauté.
Autant de projets qui se bousculent dans la tête d'Aline Gemayel. Autant d'idées qui se génèrent et régénèrent d'autres pour cette jeune femme ambitieuse et créatrice.
Grâce aux fonds français, notamment auprès des fondations d'entreprises, des programmes institutionnels (région, département) et des programmes européens (appels d'offres), et par ailleurs grâce à des recherches de fonds à l'étranger, notamment auprès d'institutions des pays arabes (Émirats arabes unis, Liban, Jordanie ) et des fondations privées (YATF, AFAC...). Mais aussi grâce aux banques et aux chaînes de télévision qui seraient intéressées de tenter l'aventure avec Tamam, dit Gemayel, ce projet sera vite amené à se développer et à porter en lui les différents plis d'une culture panachée.
En retrouvant tous ces artistes dispersés dans le monde arabe, en allant à leur rencontre, en explorant ce riche potentiel demeuré jusque-là en jachère et en le confrontant avec d'autres bagages culturels, Tamam aura balisé le terrain pour donner une belle vitrine de cette identité méditerranéenne et arabe, riche et diversifiée.