Critiquées depuis plusieurs semaines pour leur manque de réactivité, le gouvernement et la Banque centrale ont enfin bougé ces derniers jours, mais leurs annonces n'ont guère changé la donne.
La Banque du Japon (BoJ) a convoqué lundi une réunion extraordinaire de son comité de politique monétaire et décidé d'élargir ses mesures d'assouplissement monétaire via l'octroi exceptionnel de nouveaux prêts de six mois à taux fixe.
L'institut d'émission espère ainsi faire baisser le coût des crédits et fluidifier les circuits financiers.
Mais cette annonce n'a pas calmé les investisseurs, inquiets des perspectives de croissance moroses de l'économie américaine. Résultat : le yen a vite repris son envolée.
Bien que fixé au niveau très bas de 0,1 %, le principal taux directeur de la BoJ reste en effet plus attractif que celui de la Banque centrale américaine, qui oscille entre 0 et 0,25 %, soit, en pratique, une politique de taux zéro.
Valeur refuge, le yen semble en outre faire l'objet d'achats spéculatifs de divers fonds d'investissement.
Avec un dollar à moins de 85 yens et un euro autour de 106 yens, la devise japonaise flirte avec son plus haut niveau en quinze ans face au billet vert et avoisine son record en neuf ans face à la monnaie unique européenne. Le tout affaiblit la compétitivité des entreprises de l'archipel et fait dévisser de jour en jour la Bourse de Tokyo. L'indice Nikkei est tombé ces derniers jours à son plus bas niveau depuis 16 mois.
« Les tendances récentes de hausse du yen et de chute de la Bourse ne changeront pas », affirme Tetsuro Okada, économiste à l'Institut de recherche du Japon, ajoutant que la BoJ disposait de « peu d'options ».
En décembre 2008, au plus fort de la récession économique mondiale, l'institut d'émission a baissé son principal directeur à 0,1 %, un niveau très bas qu'il ne peut désormais plus drastiquement réduire.
Malgré cette politique très accommodante, la demande de crédit reste amorphe et la déflation perdure, décourageant la consommation et l'investissement.
« Les institutions financières sont déjà abreuvées de liquidités et il n'y a aucune preuve que les banques manquent d'argent à prêter », estime Julian Jessop, du centre de recherche Capital Economics, soulignant que la faiblesse du crédit reflète davantage « une pauvre demande des sociétés et des ménages ».
Comme d'autres économistes, M. Jessop juge le Japon démuni face à la cherté de sa devise, dont les causes résident avant tout dans la chute du dollar provoquée par la perte de confiance des marchés dans la vigueur de la première économie du monde.
À ce titre, d'aucuns jugent que seule une remontée des taux aux États-Unis pourrait véritablement enrayer l'ascension du yen.
« La BoJ continue de prendre des mesures symboliques davantage destinées à calmer les politiciens qu'à réellement assouplir sa politique monétaire », critique Richard Jerram, de la banque australienne Macquarie.
M. Jerram en conclut que les responsables nippons « sont impuissants face au risque croissant d'un dérapage de la reprise tirée par les exportations ».
Même une intervention directe des autorités sur le marché des changes serait d'effet limité, bien que le gouvernement y soit invité par les milieux d'affaires afin de donner un signal fort.
Le Premier ministre, Naoto Kan, a promis pour sa part de prendre des dispositions diverses visant à amoindrir les dégâts économiques d'une devise nationale trop forte.