Un bateau de Greenpeace menant campagne contre une plate-forme offshore. Photos Greenpeace
« La question qu'il faudrait se poser dans la perspective du forage est celle de savoir ce que ce projet va apporter économiquement au Liban, puisque toute la campagne en sa faveur est menée sur ce point-là, dit-il. Il ne faut pas escompter de bénéfices avant sept ou huit ans. En effet, l'État doit encore signer des contrats avec des compagnies qui risquent d'exiger des pourcentages très importants, il doit aussi installer l'infrastructure... Selon nos études et nos recommandations, le Liban pourrait se lancer dans un projet majeur d'énergies alternatives, qui sera rentable à peu près dans les mêmes délais. »
Mais son argument massue est le suivant : « Une seule catastrophe, surtout en cas d'exploitation offshore, a le potentiel de nous coûter autant, sinon plus, que les bénéfices que nous aurions engendrés de la vente du pétrole. Au Liban, on a souvent mis en évidence l'incapacité de l'État à exercer un véritable contrôle dans l'ensemble des secteurs. Rappelons-nous l'ampleur de la catastrophe de 2006 et notre difficulté à la gérer, alors qu'il ne s'agissait que d'une marée noire résultant du bombardement israélien de deux réservoirs (de la centrale électrique de Jiyeh, au sud de Beyrouth). Qu'adviendrait-il alors dans le cas d'une catastrophe gigantesque ? Depuis avril, dans le monde, il y a eu quatre catastrophes majeures, dont la fuite dans le Golfe du Mexique, aux États-Unis, causée par BP. Si de grands pays comme les États-Unis ou la Chine se trouvent si désemparés devant de telles catastrophes écologiques, que dire du Liban ? »
Danger sur la biodiversité
M. Kazanjian soulève un autre point. « La Méditerranée est une mer presque fermée, dont l'eau se régénère à un rythme très lent, en quelque dix ans, explique-t-il. C'est, de plus, la mer la plus polluée, en raison de la densité démographique et des activités économiques sur ses rives, qui durent depuis des siècles. Nous pensons qu'une politique saine serait de limiter les activités nocives et les exploitations dangereuses, et non le contraire. La Méditerranée a une biodiversité d'une extrême importance, estimée à 6 ou 8% de la biodiversité marine mondiale. En tant qu'organisation, nous appelons à la création de réserves naturelles sur 40 % des côtes méditerranéennes. »
Il rappelle l'impact des nappes flottantes de pétrole sur la biodiversité. « Le pétrole étant plus léger que l'eau, il flotte à la surface et bloque l'arrivée des rayons de soleil sous l'eau, provoquant la disparition des espèces végétales dont dépendent les poissons, explique-t-il. Les poissons qui vivent à la surface sont évidemment affectés, ainsi que leur cycle de reproduction. Les oiseaux marins qui plongent dans l'eau sont retenus prisonniers par le pétrole. Enfin, le pétrole modifie la composition chimique de l'eau, ce qui affecte les créatures à tous les niveaux. Par ailleurs, l'expérience a montré qu'il n'existe pas de technique vraiment efficace pour nettoyer les marées noires. »
Toutefois, une clause sur la nécessité d'effectuer une étude d'impact environnemental avant le début du forage a été introduite dans la loi adoptée récemment. N'est-ce pas une précaution utile ? « Une étude d'impact environnemental ne peut pas nous prémunir contre tous les dangers, estime-t-il. De plus, qui la ferait? L'État? Les compagnies intéressées? Ses conclusions seront-elles neutres ? Il n'y a aucune précaution qui serait suffisante. En effet, ce dont nous avons peur, c'est de l'erreur humaine, qui est inévitable. La dégradation écologique nous coûte déjà 560 millions de dollars par an, selon la Banque mondiale (BM). »
Mais à voir les pays du Golfe, on n'a pas l'impression que les exploitations soient peu rentables ou si risquées. « Ces pays-là ne sont pas toujours transparents, affirme M. Kazanjian. Savons-nous quel est le taux de pollution de leurs mers et quelle est l'ampleur de la dégradation écologique chez eux ? Il est sûr qu'avec le temps, l'affaire est devenue rentable pour eux, mais le prix écologique à payer est très lourd. »
Quels sont les plans de Greenpeace pour les mois à venir ? « Nous allons tenter de travailler sur la sensibilisation de la population au problème, répond-il. Nous pensons que les autorités simplifient cette affaire à l'extrême, comme si la découverte de pétrole n'est qu'une aubaine et que l'argent va affluer bientôt. Or la réalité est bien plus complexe que cela. Nous allons lancer des activités sur le terrain, notamment dans le cadre de notre campagne sur le changement climatique. »
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