Rechercher
Rechercher

Culture - Portrait d’artiste

Le corps dans tous ses états, selon Alain Platel

Alain Platel, un chorégraphe belge flamand doublé d'un « orthopédagogue ». Cela donne, bien sûr, aux pirouettes de la danse moderne une toute autre tournure... Que ses spectacles offusquent ou agacent, ils peuvent aussi émouvoir ou bouleverser. Lumière sur un parcours contesté, controversé, atypique, intrépide et non dénué d'humanisme.

Alain Platel.

Une quinzaine de productions, toutes acclamées ou huées, singulièrement hors normes et sortant des sentiers battus, précèdent son nom. D'une Stabat Mater de Monteverdi en 1984 à Wolf en 2003 (prix à Berlin), en passant par Out of Context (un hommage à Pina Bausch) et La Tristeza complice, les œuvres de ce chorégraphe provocateur (sans le vouloir, car il est surtout obsédé de nouveautés !), en se penchant sur les handicaps humains, ne laissent pas indifférent.
À cinquante et un ans, Alain Platel, né à Gand, s'est taillé une place au soleil dans le monde de la danse avec sa troupe « Ballets C de la B ». Non ce n'est pas une appellation basée sur un jeu abécédaire ou phonétique, mais tout simplement l'abréviation de « Ballets contemporains de la Belgique ».
Les cheveux sel et poivre ébouriffés comme un personnage échappé aux pièces de Miche de Ghelderode, les yeux vifs et étincelants, le visage taillé comme une sculpture en traits à la serpe, Alain Platel a un regard chargé d'humanisme pour tous les troubles du corps et de l'âme. Pour tout ce qui crée et
déroute.
Pour celui qui confie en toute clarté « Je cherche ce qui lie les gens entre eux, pas ce qui les sépare », le premier intérêt est aux mouvements et expressions du corps. En toute conséquence, le choix des premiers cours suivis, même à onze ans, va à l'art du mime... Et depuis, pour la danse, le chorégraphe autodidacte, à l'écoute des autres et à tendance de guérisseur des bobos du corps et de l'âme, mêle indistinctement dans son art mouvements, théâtre, musique et cirque. En horizon, ritournelles et chapiteau ouverts.
Sa dernière création en 2010 à Avignon, portant le doux et odoriférant titre de Gardenia (avec le metteur en scène Franck Van Laecke), en témoigne. Et le public n'a guère été insensible au charivari de détresse causé par ses travestis cabaretiers en fin de carrière... Une pièce performance saluée unanimement, par le public et la presse, avec respect et chaleur.
À cette expression de tous crins, absolument dans le vent et les névroses de l'actualité, on ajoute aussi la présence de films documentaires sur la danse contemporaine. On cite volontiers, car tout proche de nos préoccupations levantines, Ramallah ! Ramallah ! Ramallah, sans oublier de mentionner Les ballets par-ci par-là et Because I Sing...Films précieux et rares, car la danse est révélée ici dans ses coulisses, sans tutus, gaze, mousseline ou éclats de scène, mais dans ses moments de labeur, de transpiration, d'efforts et de tentatives de dépassement et de sublimation du quotidien.
Si les danseurs ont des timidités ou des maladresses de handicapés, la danse, qu'elle soit gauche, lourde ou parfois même ridicule, n'en porte pas moins le témoignage douloureux des choses et des êtres dont on ignore ou méconnaît souvent le comportement et les attitudes... Ces malades qu'on côtoie et frôle sans voir. Si le public parfois rit à ces pirouettes compassées, maladroites ou rétives, c'est qu'il y a aussi certainement des bavures du côté des danseurs, mais aussi de l'insoutenable d'une réalité trop triste... Et le rire n'est alors que la libre expression d'une nervosité ou d'une gêne contenues.
Et c'est grâce aux propos de Platel lui-même qu'on entre mieux et de plain-pied dans cette œuvre aux confins, non de la provocation, mais plutôt du dérangeant. En substance, le créateur de Pitié et d'Emma confie et explique : « Toutes mes pièces traitent essentiellement de la façon dont les gens "bricolent" dans leur rapport, ce qui fait naître des images bizarres et des dialogues dansants, formant ensemble un récit chaotique. »
Sans jamais s'embarrasser de ses sélections musicales pour la scène, Alain Platel, chorégraphe des extrêmes et champion des douceurs inquiétantes en ce qui concerne les corps qui souffrent (on ne touche pas impunément l'univers des handicapés et des aliénés des hôpitaux psychiatriques), surfe en toute tranquillité et harmonie entre mélodies de Tina Turner, Norah Jones, Charles Aznavour, Khaled, le Boléro de Ravel, une coulée de notes de piano échappée aux doigts de Gould, ou tout bonnement le silence. Ce silence assourdissant quand la rupture avec le monde est comme un fil ténu qui retient l'être devant un gouffre béant.
Sans mode d'emploi, avec tous les égarements du sexe, de la nature et de la société, voilà dans un univers décalé, entre tremblements et convulsions, le corps dans tous ses états selon le lexique d'Alain Platel. Un lexique certes féroce, mais qui, malgré force et énergie décapantes, n'exclut pas les notions de beauté et de bonté.
Une quinzaine de productions, toutes acclamées ou huées, singulièrement hors normes et sortant des sentiers battus, précèdent son nom. D'une Stabat Mater de Monteverdi en 1984 à Wolf en 2003 (prix à Berlin), en passant par Out of Context (un hommage à Pina Bausch) et La Tristeza complice, les œuvres de ce chorégraphe provocateur (sans le vouloir, car il est surtout obsédé de nouveautés !), en se penchant sur les handicaps humains, ne laissent pas indifférent.À cinquante et un ans, Alain Platel, né à Gand, s'est taillé une place au soleil dans le monde de la danse avec sa troupe « Ballets C de la B ». Non ce n'est pas une appellation basée sur un jeu abécédaire ou...
commentaires (0) Commenter

Commentaires (0)

Retour en haut