C'est clair : pour le parti de Dieu, le clash sanglant qui s'est étendu à nombre de quartiers de Beyrouth-Ouest est le produit d'une machination. Le même complot que le Hezb voit dans le TSL ? Ce n'est pas encore précisé. Mais des cadres du 8 Mars proches de la formation intégriste indiquent que ses responsables ont été surpris de la réaction excessive des Ahbache à un incident individuel, relatif au stationnement d'une voiture près de leur mosquée. Ils ne comprennent pas que les gardes de l'édifice aient tiré tout de suite sur un cadre sectoriel du Hezb pour l'abattre, et que, de plus, les Ahbache se soient immédiatement répandus en armes dans la région.
Les versions sur les faits sont multiples. L'une des plus courantes veut que le feu couvait sous la cendre, car une altercation s'était produite trois jours auparavant. Un iftar de réconciliation avait été alors organisé. Mais sans effet, manifestement, les éléments des deux parties restant sur les dents.
Il reste que l'explosion de violence est sans aucun doute disproportionnée par rapport à ses causes directes. Et d'autant plus inadmissible qu'elle induit le plus grave des périls, une guerre intestine pour des raisons confessionnelles, dans une zone à très haute tension de la capitale. Ce qui est d'autant plus marquant que les troubles sont venus contrarier le mot d'ordre de calme initié par le sommet libano-syro-saoudien de Baabda, conforté par le soutien consécutif de l'émir de Qatar, parrain de Doha. On signale d'ailleurs que ce prince a tout de suite pris contact mardi avec le président Michel Sleiman pour s'informer et pour rappeler que, réunis chez lui, les Libanais s'étaient engagés à ne plus jamais recourir à la violence comme cela était arrivé le 7 mai.
Faisant écho aux cadres du Hezbollah, d'autres éléments de la minorité pensent que ce qui s'est passé à Bourj Abi Haïdar n'était pas du tout fortuit, mais planifié. Avec des objectifs qu'il s'agit de déterminer avec précision. Pour eux, il est fort possible que l'on tente d'entraîner le Hezbollah dans des accrochages à l'intérieur afin de remettre sur le tapis l'exigence de son désarmement. À l'heure où, selon ces sources, le TSL affûte ses armes contre le Hezb.
Le président Saad Hariri a effectué hier une tournée des quartiers, avant de diriger une réunion du bureau politique du Courant du futur. En Conseil des ministres, il avait répété qu'il faut distinguer clairement entre l'armement de la Résistance et l'armement déployé à Beyrouth. Ajoutant qu'il faut une solution définitive urgente à cette crise, pour libérer Beyrouth de la pression et de la crainte des armes, dont elle est devenue un vaste dépôt.
Le chef du gouvernement a été, évidemment, relancé par nombre de délégations populaires, venant surtout des quartiers où les affrontements se sont produits, et de notables qui demandent à savoir quelles dispositions l'État va prendre pour protéger les citoyens, et sécuriser la capitale. Qui n'est même plus protégée par les valeurs religieuses et le sens du sacré, puisque le sang y coule en plein ramadan, mois du repentir, du pardon et de la concorde. Certains pôles ont été jusqu'à évoquer, comme moyen de pression sur les responsables officiels pour qu'ils agissent enfin, un mot d'ordre d'insubordination civile. Accompagné d'une grève générale suivie jusqu'à ce qu'il y ait application de la décision d'éradiquer tout armement milicien dans Beyrouth. Une personnalité représentative déclare : « Nous refusons que Beyrouth continue à servir de dépôt d'armes lourdes et moyennes. Nous ne voulons plus en voir et nous sommes prêts à tous les sacrifices pour y parvenir. Nous allons démarcher expressément les partis et les organisations pour qu'ils cessent effectivement de couvrir les fauteurs de troubles, et qu'ils dégagent l'armement hors de murs de la ville. » En réponse, le président Hariri a groupé les ministres de la Défense et de l'Intérieur en un comité placé sous son égide, promettant une immunisation progressive de Beyrouth. Il soutient qu'aucune partie n'irait contre les décisions qu'annoncerait ce comité.
Mais, comme le Liban ne le sait que trop, une sécurité à l'amiable, cela n'existe tout simplement pas. Si l'État de droit ne l'impose pas, s'il s'affiche toujours aux abonnés absents, la cause est perdue d'avance. Comment espérer quand trois jours après les morts, les blessés et les dévastations de mardi, il n'y a eu aucune arrestation, et pas même une seule inculpation.