Un thème que certaines parties seraient prêtes à exploiter politiquement, pour affaiblir Saad Hariri ou même pour faire chuter le gouvernement. Le but, retour à la première case, restant principalement de neutraliser le TSL, dont l'acte d'accusation pourrait impliquer des éléments du Hezbollah. Ou d'obtenir à tout le moins que le chef du gouvernement, et son camp, se rangent aux côtés du Hezbollah. Selon des sources de la minorité, si le président du Conseil ne cède à aucune pression, ni de rue ni politique, les ministres du 8 Mars et même ceux de Joumblatt claqueraient la porte. De plus, ajoutent ces cadres, on reprendrait le scénario de blocage institutionnel antérieur, la Chambre cessant de nouveau de fonctionner. L'État libanais n'existerait plus alors que sur le papier.
Pour ce qui est de la proposition Berry, des loyalistes s'étonnent de ce constant acharnement des prosyriens à créer des organismes qui concurrencent les institutions officielles de la République libanaise. Et de cette volonté de vouloir tout traiter hors du cadre de la Constitution comme de l'État. Le TSL, les menaces israéliennes, la crise sociale ? Il y a le Parlement et ses commissions, le gouvernement et ses ministères, les conseils sectoriels (défense, FSI), les offices autonomes pour en traiter. Il y aussi, si on veut parler débats de fond politiques entre protagonistes, le comité national de dialogue. Pour quoi faire un nouveau joujou ?
Cependant, le scepticisme pointe même au sein du 8 Mars. Des cadres de ce camp relèvent que le président Berry cache mal que le seul sujet qui le préoccupe vraiment reste l'acte d'accusation du TSL, et qu'il espère y remédier avec son comité. Ils se demandent comment il peut y songer sérieusement quand le Hezbollah affirme vouloir balancer au panier l'acte d'accusation et le TSL tout entier. Dans ces conditions extrêmes, il n'est guère imaginable que le Hezbollah bénisse l'idée d'un comité dit de salut qui n'aurait d'autre but que de forger un compromis sur le TSL. Les formations de la minorité, ajoutent ces pôles, ne sont pas favorables à l'idée d'un comité que le Hezbollah bouderait certainement.
Pléthore
Rebondissant sur ces indications, des loyalistes soulignent que non seulement les organismes parallèles doublent les institutions légales, ce qui n'est pas constitutionnel, mais que, de plus, ils sont parfaitement inutiles. Sans effet sur la situation du pays, dans aucun domaine. Se refusant courtoisement à user du terme gesticulations, ils qualifient les relances du président Berry de simple tentative de redorer un peu son blason politique propre. Car l'accord de Doha, qui mêle l'eau et le feu au gouvernement, vide de son contenu le pouvoir législatif et gomme fortement le rôle de son chef. D'autant que dans le fonctionnement intérieur de l'Assemblée, sa marge de manœuvre reste sous contrôle étroit de puissants blocs parlementaires.
Et Baabda ? Selon des observateurs éclairés, l'intérêt du régime serait que les choses demeurent confinées dans le cadre constitutionnel des institutions en place. Le président Michel Sleiman, disent-ils, ne considère pas comme une promotion l'obligation de diriger des comités à foison, car il est déjà le président de l'État, à la tête de toutes les institutions en tant que telles. S'il s'agit de ménager une expression politique libérée des contraintes officielles, le comité de dialogue national suffit amplement. Cette instance peut parfaitement aborder tous les sujets que l'on prévoirait pour le comité Berry. Là aussi, on pense que le chef du législatif, et du mouvement Amal, doit se sentir un peu à l'étroit entre le Hezbollah qui domine la minorité, le CPL qui le turlupine et Saad Hariri qui prime en face.
En réalité, la classe politique se préoccupe beaucoup plus des manifestations que du projet Berry. Les loyalistes voient dans ces protestations contre les coupures d'électricité un tison que leurs rivaux pourraient attiser à tout moment, pour réduire le gouvernement à merci concernant le TSL. Le principal intéressé, le ministre CPL de l'Énergie Gebran Bassil, a dénoncé sans ambages le fait que l'agitation se produit dans les régions qui non seulement n'acquittent pas les redevances, mais se montrent aussi championnes inégalées en branchements illicites, en vol du courant. Alors que les chrétiens sont en règle. Les manifestations, les routes coupées avec des pneus brûlés, que les forces de l'ordre doivent traiter, se poursuivent et s'intensifient. Politiquement, le ministre semble en porte-à-faux avec les forces qui tentent d'entamer une campagne contre un Saad Hariri qui ne céderait pas sur le respect de la justice internationale ni sur la nécessité de ne pas s'en mêler. Les accords conclus avec l'ONU étant également ciblés à travers des attaques visant le président Siniora et réclamant l'annulation des décisions que son gouvernement avait prises.
Mais la rue ne bougerait vraiment, confirment des minoritaires, que sur directives du Hezbollah. Sauf qu'ils n'excluent pas que ce parti exige d'Amal qu'il se mette en avant sur le terrain pour lui servir de paravent.