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Culture - Lecture d’été

Des mirages de la politique, de l’âme d’une ville et de l’errance humaine

Kaléidoscope d'images pour parler de la vie et de ses remous. Du rififi en diplomatie, de l'âme d'une ville, en l'occurrence Beyrouth, à travers ses cafés et de l'errance humaine à travers un narrateur déraciné vivant sa névrose dans les neiges du Canada.

Voilà le lot de pages que les écrivains offrent aux lecteurs se réfugiant des grandes chaleurs entre « climatisateurs » qui ronronnent en harmonie dérangeante avec des groupes électrogènes polluants et bruyants, ou un vieux chêne aux feuilles qui ne bougent même pas sur les grandes hauteurs, dans la moiteur collante d'un été étouffant... Trois écrivains, d'origines différentes et à l'usage de langues différentes : Jean-Christophe Rufin, Zahi Wehbé et Rawi Hage.

« Katiba » de Jean-Christophe Rufin
Élu à l'Académie française au fauteuil d'Henri Troyat, prix Goncourt en 2001 pour son Rouge Brésil, acteur engagé de la vie internationale, entre ambassadeur de France au Sénégal et organisations humanitaires, Jean-Christophe Rufin a toujours signé une littérature qui touche de près les préoccupations humaines contemporaines.
Aujourd'hui, avec Katiba (Flammarion, 392 pages), le dernier opus de l'auteur de Un léopard sur le garrot, Jean-Christophe Rufin s'attaque au fondamentalisme religieux et à ses ravages. Dans cette fiction (sans nul doute à clefs), avec ce titre de « scribe » féminin, il y a bien sûr, dans l'œil du cyclone, Jasmine... Une jeune fonctionnaire du Quai d'Orsay, apparemment sans histoire, mais vite se tissent autour d'elle toutes les pièces maîtresses d'une opération où, de Washington aux Émirats, d'Alger à Paris, se dévoilent des réseaux complexes et des zones d'influences après l'assassinat de quatre touristes occidentaux dans le Sahara.
Victime, complice ou agent double, ce personnage est pris dans les vents contraires, entre fascination et répulsion, du fondamentalisme ?
Talent de conteur et maîtrise d'homme de lettres rompu au métier pour ce roman relativement touffu et habité par un évident besoin de dénonciation et d'explication à un phénomène dont l'ampleur inquiète.
Dans une langue française limpide, souple et élégante, JCR, médecin, écrivain et diplomate français, brosse un brillant et pertinent portrait des dévoiements des allées du pouvoir.

« Kahwé saouda » de Zahi Wehbé
Les cafés comme source d'inspiration ? Pas tout à fait, mais sans nul doute un lieu propice et sécurisant à l'écriture. Et un coin d'ombre, une sorte de halte pour être à l'affût des battements d'une ville et de ses reflets. Pour en capter les vibrations, les couleurs, les rires ou les larmes.
Présentateur et animateur de plusieurs séries télévisées à caractère de talk-show (entre autres Khallik bil beit), mais aussi poète et auteur de plusieurs ouvrages (notamment sur le théâtre libanais et arabe), Zahi Wehbé publie un ouvrage entre impression et témoignage.
Son Kahwé saouda (al-Dar al-arabié lil ouloum nacheroun, 155 pages) est un condensé de textes qui donne la priorité aux cafés. Surtout de Beyrouth, où l'auteur de Yaarefouki maykel angelo raconte sa passion pour ces lieux vivants et bruyants entre tasses de café qui tintent et garçons qui prennent les commandes. Lieux aussi où il mène ses interviews, rencontre ses amis, refait le monde, disserte sur la ville et ses miroirs, recueille les dernières nouvelles, noircit des pages. Parfois il rêve en grillant une cigarette dans un silence brusquement miraculeux, car il s'installe après des vacarmes épouvantables...Bain de foule et invitation à la vie, à la convivialité, à la chaleur humaine, à l'ouverture d'esprit, à la tolérance de l'autre et de sa différence.
Dans une langue arabe simple et claire, saupoudrée de poésie, entre réflexion et méditation, sans vouloir jeter un aperçu historique ou dresser un réquisitoire quelconque, Zahi Wehbé cerne au plus près cet endroit si proche à son cœur, le café.
Non pas celui des nocifs narguilés ou du stérile trictrac, mais celui, de loin plus enrichissant et édifiant, des échanges culturels et des rencontres amicales naissantes ou confirmées...

« Le cafard » de Rawi Hage
Son premier roman en 2008 a fait un tabac et a été traduit en quinze langues. Il s'agit du Niro's Game de Rawi Hage. Canadien d'origine libanaise, Rawi Hage, né en 1964 à Beyrouth, a quitté le pays du Cèdre après les luttes fratricides en 1992. Installé à Montréal, il écrit en anglais et partage sa vie entre arts visuels et
écriture.
Aujourd'hui, il publie un nouveau roman, presque « kafkaien » (rien que par son titre), Le cafard (chez Denoel et d'Ailleurs, 356 pages, dans une traduction de l'anglais par Sophie Voillot). Mais au côté sombre de cette introspection tout en tonalités noires où se succèdent suicide, émigration, paysages de neige et de froid, passé douloureux, manque d'argent et de profession, passion folle pour une Iranienne torturée par les « mollahs », il y a parfois, bizarrement, des étincelles d'humour... Humour certes noir, mais avec un cynisme vengeur et une ironie mordante.
Dans un style narratif brillant, Hage va au plus profond du désarroi et de la détresse humaine. Avec une imagination qui jongle entre fiction et réalité, et des obsessions compulsives, implacables. Notamment celles de vouloir séduire toute la gent féminine. Et cela ne semble pas suffisant.
Être « cafard », se faufiler partout, pour mieux voir les nantis et... les femmes ! Drôle de métamorphose pour un écrivain doté d'un lyrisme fabuleux et ardent. Illustration de cette prose nerveuse et emballée, une phrase piquée au vol dans ce livre vertigineux : « Oui, je suis pauvre, une vermine, un insecte, complètement en bas de l'échelle. Mais ça ne m'empêche pas d'exister. Je regarde la société en face et je lui dis : je suis là. J'existe. »
Avec doigté et une audace folle d'une mise à nue des sociétés dites d'opulence, voilà le récit, insolent et impudique, d'un être mal dans sa peau et dans sa vie. Un récit aux confins du fantastique pour une réalité purulente.


Ouvrages en vente à la Librairie Orientale.
Voilà le lot de pages que les écrivains offrent aux lecteurs se réfugiant des grandes chaleurs entre « climatisateurs » qui ronronnent en harmonie dérangeante avec des groupes électrogènes polluants et bruyants, ou un vieux chêne aux feuilles qui ne bougent même pas sur les grandes hauteurs, dans la moiteur collante d'un été étouffant... Trois écrivains, d'origines différentes et à l'usage de langues différentes : Jean-Christophe Rufin, Zahi Wehbé et Rawi Hage.« Katiba » de Jean-Christophe RufinÉlu à l'Académie française au fauteuil d'Henri Troyat, prix Goncourt en 2001 pour son Rouge Brésil, acteur engagé de la vie internationale, entre...
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