Début juillet, un communiqué de l'archevêché de La Havane annonçait la libération progressive de 52 opposants cubains considérés comme des « prisonniers de conscience » par Amnesty International : 52 détenus faisant partie d'un groupe de 75 personnes condamnées, en 2003, pour des activités anticastristes. Aujourd'hui, 27 prisonniers ont été élargis et sont partis en exil avec leur famille sur une base volontaire.
La décision de libérer ces 52 détenus a été prise à la suite d'une médiation du cardinal Jaime Ortega et du chef de la diplomatie espagnole Miguel Angel Moratinos auprès du président cubain Raul Castro.
Dans cette affaire, la présence du cardinal Ortega n'est pas anodine. « Historiquement, l'Église n'est pas populaire à Cuba, les religions afro-cubaines étant majoritaires sur l'île », explique Jean Ortiz, maître de conférence à l'Université de Pau. Pour la population, elle est perçue comme coloniale, franquiste (la plupart des prêtres étaient espagnols). Après la révolution de 1959, La Havane devient officiellement athée.
En 1998, le pape Jean-Paul II effectue néanmoins une visite historique sur l'île. Visite rendue possible par le travail du cardinal Ortega et au cours de laquelle le souverain pontife convainc Fidel Castro de relâcher une centaine de détenus politiques. « Lors de sa visite, le pape condamne le blocus imposé par les États-Unis. À partir de ce moment-là, les relations ont changé, l'Église a gagné un nouvel espace d'expression, il y a eu une sorte de regain de spiritualité, souligne le spécialiste de l'Amérique latine. Une relation de confiance s'est installée entre l'Église et le gouvernement. L'Église ne joue pas un rôle d'opposition mais de médiation, et cela, le cardinal Ortega l'a compris. »
« La balle est dans le camp d'Obama »
Pour certains opposants cubains, la décision de libérer 52 détenus politiques sur une période de quatre mois est une conséquence des problèmes socio-économiques auxquels le régime cubain doit faire face actuellement. Sous pression, le pouvoir devait lâcher du lest face à l'Union européenne et aux États-Unis. Ces derniers imposent, depuis 1962, un embargo économique de l'île.
La décision de libérer ces détenus a d'ailleurs été saluée par Miguel Angel Moratinos, comme l'ouverture d'une « nouvelle étape » dont l'Europe et les États-Unis devront « prendre note ». « C'est un signe d'ouverture, de bonne volonté de la part du dirigeant cubain, estime Jean Ortiz. Les pourparlers entre Castro, Ortega et Moratinos ont eu lieu dans un climat de respect et de non-ingérence, un dialogue d'égal à égal. La balle est maintenant dans le camp du président américain, Barack Obama. »
Selon un diplomate occidental à Cuba interrogé par l'AFP, « il n'est pas innocent que l'annonce de libération soit survenue pendant la visite de M. Moratinos qui, en octobre 2009, était venu à Cuba avec un message verbal de Barack Obama » demandant des réformes démocratiques considérées comme essentielles pour envisager la levée de l'embargo américain contre l'île. Lorsqu'Obama a été élu, la normalisation des relations avec l'île communiste faisait partie de son programme. Le président américain a d'ailleurs décidé de petits changements, il a notamment « permis aux familles cubaines de pouvoir voyager librement. Il a aussi autorisé l'envoi de "remesas" à Cuba (les Cubains installés aux États-Unis peuvent envoyer de l'argent librement à leurs familles, NDLR). Mais pour ce qui est du blocus, il n'y a pas de changement, avec un chantage à la clé sur un changement profond à Cuba », explique M. Ortiz. « À mon avis, Obama est Obama, et l'empire est l'empire. Obama doit saisir la main que lui tend Cuba. Mais dans les coulisses, il y a la CIA, le Pentagone... qui ne lui laissent pas une grande marge de manœuvre », assure le spécialiste. « À mon avis, ce qui peut aider à normaliser les liens avec La Havane, c'est la pression de l'opinion publique américaine, surtout que l'ouverture représenterait un bénéfice pour les deux pays, notamment au niveau du tourisme et des échanges universitaires et culturels. Aujourd'hui, il n'y a plus de prétexte pour attendre de lever l'embargo. »
La position commune européenne
Du côté du Vieux Continent, pour donner une chance à la médiation de l'Église, l'Union européenne avait repoussé, de juin à septembre, l'examen d'un éventuel assouplissement de la « position commune » européenne qui conditionne depuis 1996 le dialogue entre l'Union et Cuba au respect des droits de l'homme et aux progrès de la démocratie sur l'île. L'Espagne, qui exerçait la présidence semestrielle de l'UE jusqu'à fin juin, veut renforcer le dialogue avec La Havane et modifier cette « position commune » que Cuba considère comme un « obstacle insurmontable » à la normalisation des relations avec Bruxelles.
« L'Espagne joue un rôle important et veut en finir avec la "position commune" , mais l'Union européenne exige le rétablissement du capitalisme à Cuba. Pour Bruxelles, la liberté est synonyme d'économie de marché, il faut que La Havane liquide le régime socialiste à la cubaine », estime Jean Ortiz, qui voit dans la position européenne une attitude d'ingérence et de néocolonialisme. « Bien sûr, il faut être lucide, il y a des changements urgents à faire sur l'île, il faut qu'il y ait des réformes, notamment une facilité pour des initiatives privées comme les petits commerces ou artisanats, insiste le spécialiste. Les réformes sont nécessaires, mais c'est au peuple cubain d'en décider ». En 2008, Bruxelles avait levé des sanctions adoptées cinq ans plus tôt, au moment de la vague de répression cubaine contre les opposants. Mais Cuba avait de nouveau été critiquée avec la mort, en février dernier, d'un prisonnier politique en grève de la faim. L'annonce de la libération des 52 détenus politiques a été saluée par la chef de la diplomatie européenne, Catherine Ashton, qui a néanmoins appelé à la libération « de tous les prisonniers politiques à Cuba » qui seront encore une centaine à l'issue du processus de libérations annoncées.
Fidel, le retour ?
Parallèlement au geste de Raoul Castro, la scène cubaine a été marquée par le retour de Fidel Castro. Depuis quelques semaines, le Lider Maximo, qui avait dû se mettre en retrait en raison de lourds problèmes de santé, multiplie les apparitions publiques. Pour la première fois depuis quatre ans, l'ancien dirigeant cubain a prononcé un discours, le 7 août dernier, devant le Parlement. Il a évoqué les grands dossiers internationaux, sans aborder la question de la politique interne de Cuba. « Fidel ne s'ingère pas dans la politique interne de Raoul. Il n'y a aucune opposition entre les deux frères, c'est la propagande anticubaine qui laisse croire qu'il y a des tensions. Fidel Castro a compris qu'il doit jouer un rôle de » sage « , comme Nelson Mandela. Il ne tire pas les ficelles du pouvoir, d'ailleurs, Raoul Castro dirige de façon collégiale, il n'est pas seul à prendre les décisions », déclare Jean Ortiz qui estime, par ailleurs, que le grand défi à relever, aujourd'hui, pour le Congrès du parti, est le rajeunissement de ses élites, afin de prendre un nouveau départ.
La décision de libérer ces 52 détenus a été prise à la suite d'une médiation du cardinal Jaime Ortega et du chef de la diplomatie espagnole Miguel Angel Moratinos auprès du président cubain Raul Castro.
Dans cette affaire, la présence du cardinal Ortega n'est pas anodine. « Historiquement, l'Église n'est pas populaire à Cuba, les religions afro-cubaines étant majoritaires sur l'île », explique Jean Ortiz, maître de conférence à l'Université de Pau. Pour la population, elle est perçue comme coloniale, franquiste (la plupart des prêtres étaient espagnols). Après la révolution de 1959, La Havane devient officiellement athée.
En 1998, le pape Jean-Paul II effectue néanmoins une visite historique sur l'île. Visite rendue possible par le travail du cardinal Ortega et au cours de laquelle le souverain pontife convainc Fidel Castro de relâcher une centaine de détenus politiques. « Lors de sa visite, le pape condamne le blocus imposé par les États-Unis. À partir de ce moment-là, les relations ont changé, l'Église a gagné un nouvel espace d'expression, il y a eu une sorte de regain de spiritualité, souligne le spécialiste de l'Amérique latine. Une relation de confiance s'est installée entre l'Église et le gouvernement. L'Église ne joue pas un rôle d'opposition mais de médiation, et cela, le cardinal Ortega l'a compris. »
« La balle est dans le camp d'Obama »
Pour certains opposants cubains, la décision de libérer 52 détenus politiques sur une période de quatre mois est une conséquence des problèmes socio-économiques auxquels le régime cubain doit faire face actuellement. Sous pression, le pouvoir devait lâcher du lest face à l'Union européenne et aux États-Unis. Ces derniers imposent, depuis 1962, un embargo économique de l'île.
La décision de libérer ces détenus a d'ailleurs été saluée par Miguel Angel Moratinos, comme l'ouverture d'une « nouvelle étape » dont l'Europe et les États-Unis devront « prendre note ». « C'est un signe d'ouverture, de bonne volonté de la part du dirigeant cubain, estime Jean Ortiz. Les pourparlers entre Castro, Ortega et Moratinos ont eu lieu dans un climat de respect et de non-ingérence, un dialogue d'égal à égal. La balle est maintenant dans le camp du président américain, Barack Obama. »
Selon un diplomate occidental à Cuba interrogé par l'AFP, « il n'est pas innocent que l'annonce de libération soit survenue pendant la visite de M. Moratinos qui, en octobre 2009, était venu à Cuba avec un message verbal de Barack Obama » demandant des réformes démocratiques considérées comme essentielles pour envisager la levée de l'embargo américain contre l'île. Lorsqu'Obama a été élu, la normalisation des relations avec l'île communiste faisait partie de son programme. Le président américain a d'ailleurs décidé de petits changements, il a notamment « permis aux familles cubaines de pouvoir voyager librement. Il a aussi autorisé l'envoi de "remesas" à Cuba (les Cubains installés aux États-Unis peuvent envoyer de l'argent librement à leurs familles, NDLR). Mais pour ce qui est du blocus, il n'y a pas de changement, avec un chantage à la clé sur un changement profond à Cuba », explique M. Ortiz. « À mon avis, Obama est Obama, et l'empire est l'empire. Obama doit saisir la main que lui tend Cuba. Mais dans les coulisses, il y a la CIA, le Pentagone... qui ne lui laissent pas une grande marge de manœuvre », assure le spécialiste. « À mon avis, ce qui peut aider à normaliser les liens avec La Havane, c'est la pression de l'opinion publique américaine, surtout que l'ouverture représenterait un bénéfice pour les deux pays, notamment au niveau du tourisme et des échanges universitaires et culturels. Aujourd'hui, il n'y a plus de prétexte pour attendre de lever l'embargo. »
La position commune européenne
Du côté du Vieux Continent, pour donner une chance à la médiation de l'Église, l'Union européenne avait repoussé, de juin à septembre, l'examen d'un éventuel assouplissement de la « position commune » européenne qui conditionne depuis 1996 le dialogue entre l'Union et Cuba au respect des droits de l'homme et aux progrès de la démocratie sur l'île. L'Espagne, qui exerçait la présidence semestrielle de l'UE jusqu'à fin juin, veut renforcer le dialogue avec La Havane et modifier cette « position commune » que Cuba considère comme un « obstacle insurmontable » à la normalisation des relations avec Bruxelles.
« L'Espagne joue un rôle important et veut en finir avec la "position commune" , mais l'Union européenne exige le rétablissement du capitalisme à Cuba. Pour Bruxelles, la liberté est synonyme d'économie de marché, il faut que La Havane liquide le régime socialiste à la cubaine », estime Jean Ortiz, qui voit dans la position européenne une attitude d'ingérence et de néocolonialisme. « Bien sûr, il faut être lucide, il y a des changements urgents à faire sur l'île, il faut qu'il y ait des réformes, notamment une facilité pour des initiatives privées comme les petits commerces ou artisanats, insiste le spécialiste. Les réformes sont nécessaires, mais c'est au peuple cubain d'en décider ». En 2008, Bruxelles avait levé des sanctions adoptées cinq ans plus tôt, au moment de la vague de répression cubaine contre les opposants. Mais Cuba avait de nouveau été critiquée avec la mort, en février dernier, d'un prisonnier politique en grève de la faim. L'annonce de la libération des 52 détenus politiques a été saluée par la chef de la diplomatie européenne, Catherine Ashton, qui a néanmoins appelé à la libération « de tous les prisonniers politiques à Cuba » qui seront encore une centaine à l'issue du processus de libérations annoncées.
Fidel, le retour ?
Parallèlement au geste de Raoul Castro, la scène cubaine a été marquée par le retour de Fidel Castro. Depuis quelques semaines, le Lider Maximo, qui avait dû se mettre en retrait en raison de lourds problèmes de santé, multiplie les apparitions publiques. Pour la première fois depuis quatre ans, l'ancien dirigeant cubain a prononcé un discours, le 7 août dernier, devant le Parlement. Il a évoqué les grands dossiers internationaux, sans aborder la question de la politique interne de Cuba. « Fidel ne s'ingère pas dans la politique interne de Raoul. Il n'y a aucune opposition entre les deux frères, c'est la propagande anticubaine qui laisse croire qu'il y a des tensions. Fidel Castro a compris qu'il doit jouer un rôle de » sage « , comme Nelson Mandela. Il ne tire pas les ficelles du pouvoir, d'ailleurs, Raoul Castro dirige de façon collégiale, il n'est pas seul à prendre les décisions », déclare Jean Ortiz qui estime, par ailleurs, que le grand défi à relever, aujourd'hui, pour le Congrès du parti, est le rajeunissement de ses élites, afin de prendre un nouveau départ.
Début juillet, un communiqué de l'archevêché de La Havane annonçait la libération progressive de 52 opposants cubains considérés comme des « prisonniers de conscience » par Amnesty International : 52 détenus faisant partie d'un groupe de 75 personnes condamnées, en 2003, pour des activités...
Les plus commentés
Geagea réclame implicitement la dissolution des Soldats du Seigneur après une rixe meurtrière à Achrafieh
À Nabatiyé, la désillusion face au lourd prix de la « résistance »
Le gouvernement accorde près de 8 millions de dollars au Conseil du Sud pour financer des aides