«Nous avons reconstitué plus de 90% des pièces provenant du musée de Tell Halaf», déclare fièrement à l'AFP Lutz Martin, 56 ans, archéologue et responsable du projet au musée berlinois de Pergame. « Sur les 27000 fragments, il n'en reste qu'à peu près 2000» en vrac, ajoute-t-il. Ce travail a été réalisé par une petite équipe d'archéologues, de scientifiques et de restaurateurs financés par la famille de Max von Oppenheim, fils de banquier et inventeur du trésor archéologique découvert à la veille de la Première Guerre mondiale sur le tracé du chemin de fer Berlin-Bagdad dans une région aujourd'hui située au nord de la Syrie, à la frontière turque. À l'issue de deux campagnes de fouilles sur le site de Tell Halaf (1911-1913 et 1927-1929), Oppenheim avait rapporté une grande partie du trésor, dont des statues monumentales de dieux et d'animaux sacrés, qu'il avait exposées dans son propre musée. Ce dernier a été détruit lors d'un bombardement allié en novembre 1943 et toutes les pièces en bois ou en albâtre ont brûlé. Seules les pierres ont survécu aux flammes, mais elles se sont fendues en mille morceaux et ont été recouvertes de goudron liquéfié provenant du toit.
«Dans le musée, la température est montée à plus de 1000 degrés et lorsque l'eau des lances à incendie l'a fait brutalement baisser, les pierres ont été soumises à de fortes tensions et ont tout simplement explosé», explique Kirsten Drüppel, du département de minéralogie de l'Université technique de Berlin, associée au projet.
La reconstitution de ce puzzle géant, en trois dimensions, s'est révélée un travail de titan. «Au départ, nous pensions juste reconstituer une ou deux des principales figures», notamment des lions qui gardaient l'entrée du palais araméen, raconte M. Martin. «On ne savait pas ce qu'il était possible de faire parce qu'au départ on ignorait quelle proportion des matériaux d'origine avait été récupérée du musée détruit», explique Stefan Geismeier, 45 ans, responsable du travail de restauration.
L'équipe a songé un moment à informatiser toutes les données, mais le coût de l'opération était trop important et les bailleurs de fonds voulaient rapidement voir des résultats concrets. «Dans un premier temps, il s'agissait juste de reconstituer l'extérieur des objets et de les remplir avec du ciment», selon M. Martin. Mais les archéologues se sont peu à peu convaincus qu'ils parviendraient à reconstruire les objets au complet.
«Contrairement à un puzzle où, lorsque vous arrivez à la fin tout devient plus facile, les choses se sont compliquées au fur et à mesure que nous avancions, les fragments ayant des formes de moins en moins précises», ajoute-t-il. Les fragments les plus petits avaient la taille d'un ongle, les plus grands pesaient 1,5 tonne. «Nous avons réussi à déterminer l'origine de nombre des fragments intérieurs en analysant leur contenu minéralogique, leurs propriétés et leurs couleurs», selon Mme Drüppel. «Chaque objet a dû être reconstruit en une seule opération» afin de s'assurer que toutes les pièces «jointaient» correctement, selon M. Geismeier.
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