Finance islamique, « jamiyat », monnaie locale, monnaie sociale, troc, avance en espèces : les exemples de méthodes alternatives de finance sont multiples. Celles-ci apparaissent de prime abord comme des systèmes qui permettent à certaines personnes de bénéficier des avantages du système financier tout en respectant des valeurs particulières ou en tenant compte de circonstances particulières. Il s'agirait donc de solutions à des problèmes ponctuels.
En seconde lecture, il semble cependant que la multiplication de ces systèmes particuliers de financement s'apparente beaucoup plus à un symptôme qu'à une solution à une situation donnée. La finance est souvent associée dans les revues spécialisées à la notion de paradigme (1). Les auteurs veulent dire par là que la finance constitue un tout intégré. Si la finance constitue effectivement un paradigme, il est alors intéressant d'analyser la dynamique de ces systèmes. Celle-ci est assez particulière : un nouveau paradigme apparait lorsque celui qui est utilisé couramment crée plus de problèmes qu'il n'en résout.
Un tel phénomène est apparu par exemple en Europe au XVIe siècle lorsque le géocentrisme, cette théorie qui affirmait que la Terre est au centre de l'univers, a perdu sa prééminence au profit de la vision copernicienne de l'univers. Ce changement s'est avéré nécessaire pour expliquer les variations astronomiques que les nouveaux instruments d'observation détectaient et que le géocentrisme ne permettait pas d'expliquer.
Ce type de changement ne se déroule pas de façon instantanée. Il est généralement annoncé par la prolifération de problèmes et de solutions qui les règlent de façon ponctuelle. C'est ainsi que la multiplication des pratiques de finance alternative témoignerait du fait que le système actuel a atteint ses limites. Il est inutile d'utiliser les paradigmes pour arriver à cette conclusion. Tout le monde se doute qu'il y a problème, et la mission que se sont assignée les grands argentiers de la planète est justement de colmater les brèches du système.
Un bref retour aux paradigmes et à l'exemple de l'astronomie laisse deviner que cette tâche peut être bien plus complexe que prévu. Ce qui était en jeu lors du passage du géocentrisme à l'héliocentrisme n'était pas tant la question de la position physique de la Terre et du Soleil que la signification qu'avait cette modification pour la vision du monde de l'époque. Le procès et le texte de l'abjuration de Galilée en témoignent : l'héliocentrisme remettait en question l'interprétation qu'avait l'Église de l'époque des textes sacrés et par là même la doctrine qu'elle professait.
Ce qui était vrai hier le reste aujourd'hui : un paradigme est toujours couplé à une vision du monde et il ne peut pas y avoir de changement de paradigme sans une modification de cette vision du monde et de la philosophie qui l'accompagne. C'est ainsi que pour sortir le monde de l'ornière dans laquelle il s'est enfoncé, il faudrait modifier la vision de la mission de la finance et des agents économiques pour poser les bases d'un nouveau paradigme adapté au siècle.
*Spécialiste en stratégie et théorie des organisations - Centre de recherche, d'études et de développement (CRED) de l'ESA.
(1) Pour les paradigmes, lire le livre de Thomas Kuhn : « La structure des révolutions scientifiques ».
En coopération avec : l'ESA
En seconde lecture, il semble cependant que la multiplication de ces systèmes particuliers de financement s'apparente beaucoup plus à un symptôme qu'à une solution à une situation donnée. La finance est souvent associée dans les revues spécialisées à la notion de paradigme (1). Les auteurs veulent dire par là que la finance constitue un tout intégré. Si la finance constitue effectivement un paradigme, il est alors intéressant d'analyser la dynamique de ces systèmes. Celle-ci est assez particulière : un nouveau paradigme apparait lorsque celui qui est utilisé couramment crée plus de problèmes qu'il n'en résout.
Un tel phénomène est apparu par exemple en Europe au XVIe siècle lorsque le géocentrisme, cette théorie qui affirmait que la Terre est au centre de l'univers, a perdu sa prééminence au profit de la vision copernicienne de l'univers. Ce changement s'est avéré nécessaire pour expliquer les variations astronomiques que les nouveaux instruments d'observation détectaient et que le géocentrisme ne permettait pas d'expliquer.
Ce type de changement ne se déroule pas de façon instantanée. Il est généralement annoncé par la prolifération de problèmes et de solutions qui les règlent de façon ponctuelle. C'est ainsi que la multiplication des pratiques de finance alternative témoignerait du fait que le système actuel a atteint ses limites. Il est inutile d'utiliser les paradigmes pour arriver à cette conclusion. Tout le monde se doute qu'il y a problème, et la mission que se sont assignée les grands argentiers de la planète est justement de colmater les brèches du système.
Un bref retour aux paradigmes et à l'exemple de l'astronomie laisse deviner que cette tâche peut être bien plus complexe que prévu. Ce qui était en jeu lors du passage du géocentrisme à l'héliocentrisme n'était pas tant la question de la position physique de la Terre et du Soleil que la signification qu'avait cette modification pour la vision du monde de l'époque. Le procès et le texte de l'abjuration de Galilée en témoignent : l'héliocentrisme remettait en question l'interprétation qu'avait l'Église de l'époque des textes sacrés et par là même la doctrine qu'elle professait.
Ce qui était vrai hier le reste aujourd'hui : un paradigme est toujours couplé à une vision du monde et il ne peut pas y avoir de changement de paradigme sans une modification de cette vision du monde et de la philosophie qui l'accompagne. C'est ainsi que pour sortir le monde de l'ornière dans laquelle il s'est enfoncé, il faudrait modifier la vision de la mission de la finance et des agents économiques pour poser les bases d'un nouveau paradigme adapté au siècle.
*Spécialiste en stratégie et théorie des organisations - Centre de recherche, d'études et de développement (CRED) de l'ESA.
(1) Pour les paradigmes, lire le livre de Thomas Kuhn : « La structure des révolutions scientifiques ».
En coopération avec : l'ESA
Finance islamique, « jamiyat », monnaie locale, monnaie sociale, troc, avance en espèces : les exemples de méthodes alternatives de finance sont multiples. Celles-ci apparaissent de prime abord comme des systèmes qui permettent à certaines personnes de bénéficier des avantages du système financier tout en respectant des valeurs particulières ou en tenant compte de circonstances particulières. Il s'agirait donc de solutions à des problèmes ponctuels.En seconde lecture, il semble cependant que la multiplication de ces systèmes particuliers de financement s'apparente beaucoup plus à un symptôme qu'à une solution à une situation donnée. La finance est souvent associée dans les revues...