Le gouverneur de la Banque du Liban (BDL), Riad Salamé, a parrainé hier le lancement, à partir de Beyrouth, du rapport biannuel du Fonds monétaire international (FMI) sur les perspectives économiques au Moyen-Orient et en Asie centrale (Regional Economic Outlook : Middle East and Central Asia), en présence du représentant du Fonds au Liban, Éric Mottu.Le choix du Liban, loin d'être anodin, vient confirmer la confiance du Fonds dans le système financier libanais et vise à mettre l'accent sur l'unicité de son modèle économique, le pays ayant non seulement échappé à la crise internationale mais affiché (paradoxalement) une croissance exceptionnelle en dépit de la récession mondiale.
M. Salamé a loué, à cette occasion, le rôle joué par le FMI, notamment au lendemain de la crise financière internationale, pour soutenir l'économie mondiale et empêcher les effondrements, rappelant le franc succès réalisé à ce niveau en Europe centrale ainsi que l'implication récente du Fonds dans la crise grecque et le soutien apporté aux pays de la zone euro pour tenter d'enrayer la chute aux enfers de leur monnaie unique. « Cet engagement plus prononcé du FMI dans les affaires économiques internationales a été amorcé au lendemain de la réunion du G20 l'an dernier à Londres, au cours de laquelle il avait été décidé d'augmenter les moyens » de l'institution, a rappelé en outre le gouverneur de la BDL.
« Quant au Liban, sa relation avec le FMI a de tout temps été bonne », a-t-il ajouté, rappelant la participation du Fonds aux conférences Paris II et Paris III ainsi que l'aide d'urgence apportée au pays à travers le programme EPCA (Emergency Post-Conflict Assistance) au lendemain de la guerre de juillet 2006.
Le gouverneur de la BDL a, par ailleurs, souligné le changement récent de direction au niveau de la politique économique de plusieurs pays d'Europe, soulignant le passage brusque d'une politique budgétaire expansionniste il y a un an (visant à contrer les effets de la récession) à une politique plus conservatrice, provoquée par la crise grecque, dont l'objectif primordial est de réduire le déficit et d'assainir les finances publiques. Il a prévu à cet égard une généralisation de cette tendance à l'échelle mondiale.
La forte croissance devrait se poursuivre en 2010, selon Salamé
Le gouverneur de la BDL a, par la suite, brossé un tableau de la situation actuelle au Liban, se félicitant encore une fois des taux de croissance élevés enregistrés au cours des trois dernières années (7,6 % en 2007, 9,3 % en 2008 et 9 % en 2009) et de la résilience dont a fait preuve le Liban face à la débâcle mondiale. Cet essor a été rendu possible grâce à la stabilité politique dont bénéficie le pays depuis les accords de Doha en mai 2008, a-t-il indiqué, ainsi qu'à l'afflux exceptionnel des capitaux étrangers, y compris les transferts d'émigrés, dont le montant s'est élevé à 7 milliards de dollars en 2009. « À l'heure où plusieurs grandes banques du monde s'effondraient et que les taux de chômage atteignaient des pics historiques dans plusieurs pays du monde, les principaux indicateurs au Liban connaissaient une amélioration singulière », a-t-il ajouté, insistant sur l'impact positif de cette croissance sur le marché de l'emploi. « Même si nous ne disposons pas de chiffres officiels sur le taux de chômage, il ne fait aucun doute que l'effervescence observée depuis 2007 a permis de créer de nouveaux emplois », a-t-il ainsi estimé.
M. Salamé s'est félicité, en parallèle, de la solidité de la livre et du recul du taux de dollarisation des dépôts, qui a chuté à 63 %, mettant, en parallèle, l'accent sur l'important surplus enregistré au niveau de la balance des paiements. L'excédent cumulé a en effet atteint 1,4 milliard de dollars au cours des premiers mois de l'année en cours, après avoir culminé à 7,9 milliards de dollars en 2009. Cela devra contribuer à une croissance tout aussi importante en 2010, a ainsi affirmé M. Salamé, estimant entre 7 et 8 % la hausse du produit intérieur brut (PIB) cette année.
Pour contrer toutefois les effets inflationnistes de l'excès de liquidités, découlant du flux exceptionnel de capitaux, la Banque centrale s'est fixé comme objectif primaire de « contrôler de près l'usage de ces liquidités afin de barrer la voie à la spéculation », a indiqué le gouverneur de la BDL.
Enfin, M. Salamé a estimé que la baisse progressive des taux d'intérêt sur le marché local, qui ont chuté en moyenne de 3 % au cours des douze derniers mois, devra contribuer à la réduction du service de la dette au Liban, qui représente toujours près du tiers des dépenses publiques.
Rapport du FMI : la faiblesse du crédit continue de peser sur la reprise régionale
De son côté, le représentant du FMI au Liban, Eric Mottu, s'est livré à un exposé portant sur l'évolution des principaux indicateurs économiques dans la région du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord, se basant pour cela sur le rapport régional élaboré par le Fonds. Selon ce rapport, les perspectives économiques des pays de la région se sont progressivement améliorées grâce au rebond des flux de capitaux et à la montée des cours de brut (qui a notamment profité aux pays exportateurs de pétrole). Ces derniers devront en effet bénéficier d'un excédent de 140 milliards de dollars au niveau des transactions courantes, contre 53 milliards de dollars en 2009 et 362 milliards de dollars en 2008. La croissance du PIB pétrolier devra ainsi s'élever à 4,3 % tandis que l'activité hors pétrole, accompagnée par une relance budgétaire soutenue dans certains pays, devrait également afficher un taux de croissance de 4,1 %.
Les pays importateurs de pétrole de la région devront, quant à eux, bénéficier d'une croissance moins importante, souligne le rapport, en raison de la structure de leurs revenus et de leurs échanges avec le monde extérieur, mais aussi de l'afflux restreint des capitaux comparativement aux pays exportateurs de pétrole.
La faiblesse persistante de la demande en Europe devra en outre continuer de pénaliser les exportations de certains de ces pays, notamment des pays de l'Afrique du Nord, ajoute le FMI.
Exportateurs de pétrole ou pas, la majorité des pays de la région pâtissent toujours de la langueur du crédit et des tensions persistantes dans les secteurs financier et bancaire, conclut le rapport.
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