La JAK Medlemsbank (1) est une sorte de coopérative virtuelle qui permet à ses 21 000 membres d'obtenir des prêts sans intérêts. Pour cela, la banque a proposé à ses adhérents d'y déposer gratuitement leur argent et a créé un système de « points d'épargne » qui permet d'équilibrer les prêts et les dépôts.
Ces points d'épargne sont obtenus en créditant les comptes. Ils sont calculés en multipliant la somme d'argent épargnée par le nombre de mois d'épargne et un facteur d'épargne qui dépend du type de compte dans lequel la somme est déposée. Un compte à vue, par exemple, bénéficie d'un facteur d'épargne de 0.7. Si 100 dollars sont déposés pendant 6 mois dans un tel compte, 420 points d'épargne (100x6x0.7) sont générés. Chaque point permet à son tour d'emprunter 1$ pendant un mois. 420 points d'épargne permettent ainsi d'emprunter 420$ pendant un mois ou 210$ pendant deux mois ou 140$ pendant trois mois, etc. Chaque adhérent peut décider la valeur de la somme qu'il désire emprunter et la durée du prêt.
Les membres de la JAK peuvent aussi demander un prêt additionnel. Pour cela, les points déjà obtenus vont être multipliés par un facteur qui va déterminer un volume total de points d'épargne qui sera utilisé. Les 420 points de l'exemple précédent se transformeront en 5 880 points si un facteur de 14 est utilisé. Le détenteur du compte pourra donc emprunter 1 960$ pendant trois mois au lieu de 140$.
Les traites de ces prêts sont structurées d'une façon telle que l'emprunteur accumule les points d'épargne qu'il a utilisés en surcroît lorsqu'il paye son emprunt. Les paiements comprennent également une tranche de dépôt qui permet à l'emprunteur de disposer d'un compte créditeur à la fin de la période de remboursement. La JAK permet ainsi à ses membres de contracter des emprunts sur la base de leur capacité réelle à épargner. Ce système est tellement efficace que la JAK a la réputation d'être la banque la plus sûre de Suède.
Reste le pourquoi de l'affaire. Ces prêts sont le seul service qu'offre la JAK. Il est donc nécessaire d'avoir un compte dans une banque traditionnelle pour bénéficier des services bancaires usuels. Alors pourquoi recourir à ce système compliqué alors qu'il est beaucoup plus simple de signer quelques papiers et de pouvoir disposer librement de pratiquement n'importe quelle somme ? Pour les membres de la JAK ,leur banque est plus qu'un instrument d'intermédiation. À leurs yeux, elle constitue un vecteur de changement économique. À preuve : la banque a créé des comptes spéciaux qui permettent aux membres d'accumuler des points d'épargne au profit d'entreprises locales. Bien sûr, les personnes qui contribuent à ces comptes ne sont pas rétribuées directement par de l'intérêt, mais elles bénéficient quand même d'un retour sur investissement qui les satisfait. Elles affirment ainsi que les projets qu'elles subventionnent permettent d'améliorer la situation économique et sociale des régions où elles résident et qu'elles profitent très concrètement de ce changement. Ce discours et l'expérience de la JAK tendent à prouver que la responsabilité sociale n'est pas uniquement un concept abstrait.
*Spécialiste en stratégie et théorie des organisations - Centre de recherche, d'études et de développement (CRED) de l'ESA.
(1) Ce papier se fonde sur l'article « How interest-free banking works - The case of JAK » qu'Ana Carie a publié dans le second numéro du Festa Review.
En coopération avec : l'ESA