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Lifestyle - Rencontre

Jamil Mahuad, médiateur sans frontières

Il a été le président de l'Équateur pendant deux courtes années, avant d'emprunter des sentiers diplomatiques et personnels qui l'ont mené à Harvard où il enseigne l'art de la négociation.
À chacun de ses passages au Liban, Jamil Mahuad retrouve également les traces de ses grands-parents.

En 1999, à l’ambassade d’Équateur à Washington, en compagnie de Mahmoud Abbas et de Yasser Arafat.

« Les choses arrivent toujours pour une raison précise », aime à rappeler et se rappeler Jamil Mahuad. Chez nous, ça se prononce Moawad. Chez lui aussi, puisque le pays du Cèdre est également celui de ses ancêtres. Et qu'il se sent tellement dans son élément quand il entend le mot « sahtein » qui le fait sourire, ou qu'on lui rappelle la signification de son prénom. Ce qui le ferait presque rougir, avoue-t-il, en rougissant légèrement...
Véritable mélange de cultures et de sensibilités qui lui vont bien, avec ce croisement européen, il est allemand du côté de sa mère, latin et oriental, Jamil Mahuad Witt est un homme sage, calme et charmant. Certes, il excelle dans la diplomatie et l'art de la négociation, il a été le principal architecte du traité de paix entre son pays et le Pérou. Mais cet art, chez lui presque naturel, lui permet de réussir ses relations humaines et embarquer un grand nombre de personnes dans ses rêves et ses projets.
Avec des mots pesés mais qui semblent sincères, une simplicité qui efface le portrait du président pour céder la place à l'homme, Jamil Muahad s'adresse aux inconnus en installant une proximité qui repose. Sa première visite au Liban remonte à 1993, « j'y ai trouvé un étrange sentiment d'intimité ».

Une riche carrière politique
« Je n'ai jamais prémédité ma carrière, souligne-t-il. C'est la succession de décisions qui constituent un parcours. » Et de paraphraser Antonio Machado, un auteur qui lui est cher : « Vous tracez votre chemin en marchant. Et lorsque vous vous arrêtez pour regarder derrière vous, vous apercevez ce parcours que vous ne verrez plus jamais... »
Vingt ans dans la vie politique de son pays auront permis à Jamil Muhuad d'être tour à tour ministre du Travail, président du Parti démocratique chrétien, représentant du Congrès national, maire de Quito, puis d'accéder à la présidence d'août 1998 à janvier 2000. Restent en mémoire les moments heureux et surtout la signature d'une paix longtemps espérée entre l'Équateur et le Pérou, qui lui a valu une nomination au prix Nobel. « La paix est une addition d'occasions à saisir et un travail qui se construit sur de nombreuses années. Il fallait trouver la bonne formule au bon moment. » Bill Clinton lui dira à ce sujet : « Vous avez réussi à mettre fin au plus vieux conflit armé de l'hémisphère ouest. » Des bonheurs qui ont presque fait oublier le plus dur : un mandat écourté durant lequel il aura le temps de faire des changements drastiques, obligatoires, dit-il, mais controversés, sans avoir le temps d'en jouir, sans avoir le recul nécessaire pour justifier les décisions qui ont mené à sa chute à la suite d'un coup d'État. « Malheureusement, mon mandat a coïncidé avec la plus grande crise économique équatorienne du XXe siècle. Le prix du pétrole au plus bas, le pire courant d'el Niňo et ses lourdes conséquences. La seule possibilité de s'en sortir alors était la dollarisation de la monnaie locale, un gel bancaire et des mesures économiques sévères. Les gens étaient tellement désespérés qu'ils voulaient des solutions immédiates. » Depuis, aucun regret et aucun remords. Le président est reparti suivre un autre chemin, plus libre et plus académique.

De nouvelles options
C'est à l'Université de Harvard, où Jamil Mahuad a cofondé avec William Ury le International Negotiation Program de l'école de droit, que Abraham's Path (Masar Ibrahim) est né. « Il a fallu cinq années de recherches pour mettre sur pied cette ONG, puis le projet. Le Moyen-Orient a toujours été un défi. Abraham est une figure mythique qui appartient aux trois religions : chrétienne, musulmane et juive. Le chemin d'Abraham, initié par Ury, est à la fois un parcours touristique, culturel et spirituel qui démarre en Turquie, poursuit celui que l'on nomme Harvard Boy, pour finir en Arabie saoudite. L'objectif est de revenir sur ce chemin, qui est la mémoire de la région, de le parcourir à pied, de connecter les gens, faire découvrir les villages et leurs traditions à des personnes de croyances et de nationalités différentes. Ce chemin interculturel, qui est unique dans l'histoire, passe par le Liban, bien évidemment. » L'initiative a démarré ici avec Fadi Nahas, lors du sommet Lebanon 2020 auquel j'ai eu la chance de participer. Elle s'inspire de l'esprit du sentier de saint Jacques de Compostelle et regroupe Maxime Chaya, May et Fayçal el-Khalil et Annette Khoury, en attendant que le groupe de travail grandisse pour faire de ce projet une réalité locale. Si chacun de ces pays pouvait dynamiser le Masar, tracer son parcours, impliquer les locaux, peut-être qu'un jour réussirons-nous à abolir les appréhensions, les inimitiés et les frontières et les connecter entre eux.
Le chemin d'Abraham, un chemin de paix, peut-être. À suivre, sûrement...
« Les choses arrivent toujours pour une raison précise », aime à rappeler et se rappeler Jamil Mahuad. Chez nous, ça se prononce Moawad. Chez lui aussi, puisque le pays du Cèdre est également celui de ses ancêtres. Et qu'il se sent tellement dans son élément quand il entend le mot « sahtein » qui le...

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