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Liban - Société

Le bouddhisme au Liban : dix-neuvième confession, ou non-religion ?

Plutôt que d'accepter les pratiques religieuses du christianisme et de l'islam, qu'ils jugent pesantes, certains Libanais choisissent de se tourner vers des formes allégées du bouddhisme, parfois sans même renoncer à leur identité religieuse d'origine. Appel au secours ou effet de mode, la spiritualité orientale tente en vain de définir sa place dans la collectivité.

Le bouddhisme n’existe pas encore au Liban en tant que religion proprement dite. Photo D.R.

Rami a 23 ans et, comme beaucoup d'autres jeunes Libanais, il ne se reconnaît pas dans la religion de ses parents. « Je suis né dans une famille chrétienne, mais je n'ai pas réussi à m'identifier au christianisme », explique-t-il. Le jeune homme se dit aujourd'hui bouddhiste, un choix spirituel qui lui permet de refuser les étiquettes religieuses. Au Liban, en effet, le bouddhisme est exclu du système : il ne figure pas parmi les 18 confessions officielles, et aucune structure ne permet d'enseigner les théories bouddhistes ou de les pratiquer en groupe. « C'est mieux comme ça, dit Rami. Dans notre pays, le bouddhisme a les avantages d'une religion, sans les défauts. On peut découvrir une spiritualité sans devoir être assimilé à une communauté. »
Aucun chiffre officiel ne permet d'évaluer la population bouddhiste au Liban. Un rapport publié en octobre dernier par le département d'État américain sur la liberté religieuse dans le monde fait état de « très petits nombres de juifs, de bahaïs, de bouddhistes et d'hindous » au Liban, qui « ne bénéficient pas d'une reconnaissance officielle ». Dans un souci de concilier les différents groupes religieux qui vivent sur son territoire, l'État associe chacun de ses citoyens à une communauté particulière. Chrétiens, musulmans ou juifs, les Libanais sont donc répartis entre 18 variantes de ces religions, et tant pis pour ceux qui revendiquent une foi différente : c'est une question d'identité avant d'être un choix spirituel. En revanche, même s'ils ne sont pas officiellement reconnus, les adeptes des religions qui ne figurent pas sur cette liste peuvent généralement pratiquer leurs rites sans être inquiétés par la loi. Il n'y a donc pas d'obstacle officiel à la diffusion du bouddhisme au Liban.
Pourtant, revendiquer le choix d'être bouddhiste n'est pas tâche facile. « La société a peur d'une religion qu'elle ne peut pas mettre dans une case et assimiler à un groupe de gens, relève Rami. On ne respecte pas le bouddhisme comme une vraie religion, mais on considère cela comme une curiosité exotique, dans le genre hippie. » S'affirmer bouddhiste relève presque du coming-out. Quand il en parle autour de lui, Rami amuse, intéresse et parfois inquiète : il y a quelques années, après avoir tenté d'expliquer le bouddhisme à un prêtre enseignant dans son lycée, il s'est vu invité à des séances particulières de catéchisme. On lui parla des païens, des suppôts de Satan et de l'enfer où il risquait de finir s'il ne se consacrait pas au Dieu de la Bible.
« J'ai de la chance d'avoir une famille qui n'est pas du tout religieuse, dit-il. Je peux en parler à mes parents et ça les intéresse. » Deux des amis de Rami, eux aussi bouddhistes, n'essaient pas de discuter du sujet avec leur entourage. Le manque d'éducation au sujet des philosophies orientales en fait aux yeux de beaucoup une religion qui veut faire concurrence au christianisme et à l'islam. « Pour éviter les faux conflits, beaucoup de nouveaux bouddhistes, souvent jeunes comme moi, préfèrent vivre leur spiritualité sans en parler », dit Rami.
Cette tendance à la discrétion rend encore plus réservée une présence bouddhiste déjà très faible au Liban. La nature même du bouddhisme, qui se caractérise par une recherche de l'épanouissement de l'être humain plutôt que par un culte, fait qu'aucune structure de regroupement n'est nécessaire. Il existe à Beyrouth des temples privés, inaccessibles au grand public, simplement parce que trop peu de monde les utiliseraient. Essayez une recherche sur Internet : il est presque impossible de trouver des bouddhistes avec qui communiquer.
Le fossé social qui sépare les Libanais d'une partie de la population immigrée ajoute à cet isolement du bouddhisme. Les ouvriers et les employés domestiques originaires du sud de l'Asie sont souvent bouddhistes, mais il n'y a presque aucune interaction culturelle entre eux et le reste de la population. Pour beaucoup de Libanais, les pratiques bouddhistes en sont d'autant plus reléguées au rang de culture de seconde classe.
Au cours des dernières années, quelques initiatives privées ont tenté de faire découvrir au grand public les spiritualités bouddhistes et hindoues, sans beaucoup de succès. Paul Jahshan, professeur d'université et passionné de culture orientale, a créé en 2006 la Société bouddhiste du Liban et a voulu promouvoir un « bouddhisme progressiste ». Cette version allégée définit clairement le bouddhisme comme une non-religion qui s'adapte « à n'importe quel environnement » et n'est liée à « aucun individu, lieu ou personne ». Un autre groupe, Dharma Beyrouth, s'est constitué autour de l'idée selon laquelle on peut être à la fois bouddhiste et musulman ou chrétien. « Nous pensons que cela n'a pas d'importance, peut-on lire dans le manifeste du groupe. Ce qui compte, c'est que nous nous efforçons tous d'atteindre le potentiel de notre esprit et de développer le Bon Cœur. »
La plupart de ces initiatives ne font pas long feu, perdant leur élan au bout de deux ou trois ans faute d'adeptes. « Il n'y a pas encore de vraie association bouddhiste libanaise, explique Mazen Khaled, un des fondateurs de Dharma Beyrouth. Il y a seulement quelques pratiquants. Les quelques-uns que je connais, pour la plupart d'entre eux, vivent actuellement à l'étranger, comme moi. »
Aucun indice ne permet de croire que le bouddhisme au Liban soit prêt à se développer comme religion. Il ne constitue pour l'instant qu'une voie de sortie pour les individus qui cherchent une pratique spirituelle libre de contraintes sociales. À Beyrouth, de nombreux centres de développement personnel font rapidement référence au bouddhisme et à l'hindouisme en proposant simplement des cours de yoga ou de méditation - souvent à des prix très élevés.
Rami a 23 ans et, comme beaucoup d'autres jeunes Libanais, il ne se reconnaît pas dans la religion de ses parents. « Je suis né dans une famille chrétienne, mais je n'ai pas réussi à m'identifier au christianisme », explique-t-il. Le jeune homme se dit aujourd'hui bouddhiste, un choix spirituel qui lui permet de refuser les étiquettes...

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