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Liban

Le crash de l’Ethiopian Airlines : un drame que les Libanais n’oublieront pas de sitôt

MM. Hariri, Aridi, Baroud et Khalifé survolent en hélicoptère le lieu des fouilles. Photo AFP

Il faudra sans doute très longtemps au Liban pour se remettre de la tragédie qui l'a encore frappé dans la nuit de dimanche à lundi lorsqu'un Boeing 737 de l'Ethiopian Airlines, assurant le vol 409, s'est abîmé en mer avec 90 personnes à bord, à huit kilomètres de la côte, à la hauteur de Naameh. L'avion s'est écrasé quelque cinq minutes à peine après son décollage de l'aéroport de Beyrouth pour Addis-Abeba, à la suite d'une forte explosion dont l'origine serait attribuée à la foudre, selon des sources officielles. L'appareil, qui comptait à son bord 54 Libanais - dont trois ont respectivement les nationalités britannique, canadienne et russe - ainsi que l'épouse de l'ambassadeur de France, Marla Sanchez Pietton, un ressortissant britannique, 22 Éthiopiens, un Irakien, un Syrien, un Turc et les onze membres d'équipage, se serait désintégré en quatre morceaux juste après l'explosion, avant de se transformer en « boule de feu », selon des témoins, puis de sombrer dans les flots.
S'il faudra longtemps au Liban pour se remettre de cette tragédie, c'est que, pour un pays dont le territoire est aussi exigu, il ne saurait en être autrement : chaque personne sur l'étendue des 10 452 km2 connaît en effet au moins une des victimes du crash. Toutes nationalités et spécificités confondues, ce sont, pour chacun, des parents, des amis, des collègues qui ont été emportés hier dans une catastrophe jusqu'à présent dramatiquement inexplicable et au final douloureusement absurde. Si bien que le Premier ministre Saad Hariri a immédiatement décrété la journée d'hier journée de deuil national, même si certaines écoles, qui n'ont pas été informées hier à temps, appliqueront aujourd'hui la décision.
Le drame par ailleurs conduit au report par le président Nabih Berry de la séance de la Chambre consacrée à l'examen de l'abaissement du droit de vote à 18 ans.

Les secours
Dès les premières heures de la matinée, au moment où les premières informations sur le drame commençaient à tomber, et où des parents et amis choqués et hébétés s'engageaient sur la route de l'AIB, les contacts officiels entrepris par le président de la République, le Premier ministre, le président de la Chambre et les différents ministres ont mobilisé toute l'aide possible locale et internationale pour initier le processus de recherche d'éventuels survivants, fort pénible, en raison de très mauvaises conditions météorologiques qui ont rendu le lieu du crash difficile d'accès aux plongeurs.
Aucun effort n'a cependant été épargné pour tenter de sauver des vies et de recouvrer les corps des victimes : des directives ont été données aux corps d'élite de l'armée et aux différents services de sécurité pour participer aux recherches. La Défense civile, la Croix-Rouge et différentes associations de la société civile se sont spontanément associées aux opérations, patrouillant sur l'ensemble du littoral sud du pays, où restes humains, bagages, effets personnels des passagers et carlingue de l'appareil commençaient à être rejetés par la mer.
Du côté des officiels, le Premier ministre Saad Hariri, les ministres Ziyad Baroud, Ghazi Aridi et Mohammad Jawad Khalifé, et le commandant en chef de l'armée, Jean Kahwagi, ont survolé le lieu du crash à bord d'un hélicoptère de l'armée pour superviser les opérations.
La communauté internationale s'est elle aussi empressée de dépêcher de l'aide. La France, directement touchée par le drame, a ainsi envoyé un avion de patrouille maritime pour participer aux recherches et deux enquêteurs du Bureau d'enquêtes et d'analyses (BEA) français pour contribuer à l'enquête. La Grande-Bretagne a également participé aux secours avec deux hélicoptères de la RAF envoyés de Chypre, de même que trois navires (dont un bateau de ravitaillement allemand, le Mosel, et un dragueur de mines de la même nationalité, le Laboe) et plusieurs hélicoptères de la Finul, un hélicoptère chypriote et deux experts en sauvetage maritime de nationalités britannique et grecque. Les autorités chypriotes ont d'ailleurs fait appel à une compagnie privée de l'île, la EDT Ship Management, spécialisée dans ce genre de situation - elle avait participé aux opérations de secours lors du crash de l'avion yéménite près des îles Comores il y a trois mois -, qui a dépêché son PDG à Beyrouth pour explorer avec les autorités libanaises la possibilité d'une aide. Même la VIe Flotte américaine, qui, en d'autres temps, aurait provoqué la polémique, est intervenue à l'aide d'un avion P-3 destiné aux patrouilles maritimes Cet appareil possède des détecteurs thermiques spéciaux à même de localiser d'éventuels survivants, mais aussi l'emplacement de la boîte noire de l'appareil.
Il reste que, jusque tard en soirée et malgré les opérations de secours qui ont duré toute la nuit et qui se poursuivront encore durant quarante-huit heures dans l'espoir de sauver encore des vies, vingt-quatre corps seulement avaient été repêchés à l'aide de câbles reliés à une grue - la plupart à cinquante mètres de profondeur sur les lieux mêmes du crash. Aucun survivant n'a été retrouvé.
Mais aussi laborieuse que les opérations de secours risque d'être celle de l'identification des corps, tant les dépouilles sont mutilées. Une seule d'entre elles avait pu été identifiée jusque-là, celle de Hassan Tajeddine, à l'hôpital gouvernemental Rafic Hariri. Les corps des deux seuls enfants présents dans l'avion, Mohammad Hassan Kreik (trois ans) et Julia el-Hage (deux ans), ont également été identifiés, mais seulement par déduction. C'est pourquoi les services concernés se sont rendus aux domiciles des parents concernés pour prélever de l'ADN afin de procéder à des tests d'identification, une opération expliquée en détail par le ministre de la Santé Mohammad Jawad Khalifé dans sa conférence de presse nocturne à l'hôpital.

L'enquête
Par-delà la catastrophe humaine, ce linceul de détresse et de douleur qui a enveloppé hier les proches des victimes et le Liban tout entier, il reste « la » question essentielle, celle que des centaines de milliers de Libanais se sont posée hier : « Pourquoi ? » Pourquoi et comment un appareil aussi neuf et moderne a-t-il pu s'abîmer de cette manière ? Les autorités officielles, notamment par la voix du président de la République tôt dans la matinée, puis du ministre de la Défense, Élias Murr, ont immédiatement privilégié la thèse d'un accident dû aux conditions météorologies très sévères et à la foudre. Cela n'a cependant pas empêché la thèse d'un attentat de circuler durant la journée, notamment dans les milieux des pilotes, thèse fondée sur le fait qu'un accident dû à la météo supposait un cumul d'erreurs, peu probable de la part de la tour de contrôle de l'aéroport et du pilote de l'appareil, qualifié par les sources autorisées à Addis-Abeba de « très expérimenté ». Cependant, le PDG d'Ethiopian Airlines, Shimeles Kemal, qui a dépêché à Beyrouth une équipe de quatorze enquêteurs, a précisé à l'AFP que son entreprise « n'avait reçu aucune menace d'un quelconque groupe terroriste ». D'autres partisans de cette thèse ont appelé à grand renfort une information sur la présence à bord d'un haut responsable influent du Hezbollah, de la famille Tajeddine. Toutefois, aucune information de la part du parti ou des autorités officielles n'est venue confirmer ou infirmer cette information.
En soirée, le président du syndicat des pilotes, et les ministres Ghazi Aridi et Élias Murr devaient intervenir à l'antenne de la LBCI pour révéler de nouveaux éléments, à savoir que le pilote de l'appareil avait reçu une instruction de la tour de contrôle de changer de trajectoire pour éviter la tempête et que ce dernier avait bien capté le message puisqu'il avait immédiatement donné son accord à la tour, mais qu'il s'était ensuite dirigé dans la direction opposée. La question qui se pose reste de savoir pourquoi le pilote n'a pas appliqué la directive de la tour de contrôle : l'appareil ne répondait-il plus ? Était-il toujours sous son contrôle ? S'agit-il d'un incident technique, d'une erreur humaine, d'une combinaison des deux, ce que Ethiopian Airlines rejette en affirmant que ses appareils ont subi un contrôle qui n'a montré aucun problème d'ordre mécanique à Addis-Abeba et à Beyrouth, et qui n'a enregistré dans son histoire aucune erreur de pilotage ou de maintenance ? Faut-il créditer une autre thèse, de nature sécuritaire ? La seule réponse à cette question réside probablement dans la boîte noire du désormais tristement célèbre vol 409, qu'il demeure totalement impératif de retrouver - avec d'éventuels miraculés, bien entendu - au plus vite pour déterminer les responsabilités et calmer les esprits.
Il faudra sans doute très longtemps au Liban pour se remettre de la tragédie qui l'a encore frappé dans la nuit de dimanche à lundi lorsqu'un Boeing 737 de l'Ethiopian Airlines, assurant le vol 409, s'est abîmé en mer avec 90 personnes à bord, à huit kilomètres de la côte, à la hauteur de Naameh. L'avion s'est...

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