Aux termes de l'embargo israélien, appliqué avec le concours de l'Égypte, seuls les biens de première nécessité sont autorisés à entrer dans Gaza. Le reste transite par des tunnels de contrebande creusés sous la frontière égyptienne.
« Il est plus facile de sortir des peintures de Gaza que les artistes qui les ont faites. Les tableaux n'ont pas besoin de passeport », ironise Iyyad Farraj qui, comme beaucoup d'autres artistes, ne s'est pas rendu à l'étranger, ni même en Cisjordanie, depuis la prise du pouvoir du Hamas dans le territoire en 2007. Enseignant à l'université de Gaza, il retrouve chaque après-midi des amis artistes ou d'anciens élèves dans son atelier « pour échanger, parler technique et débattre », comme le font les artistes partout ailleurs dans le monde. « Le plus dur, c'est cette fermeture. C'est une petite mort tous les jours. C'est pire que la guerre, qui ne dure qu'un temps », déplore-t-il. Il y a un an, la bande de Gaza, sous contrôle des islamistes du Hamas, était la cible d'une opération punitive israélienne qui a fait 1 400 morts côté palestinien.
À Gaza, le conflit israélo-palestinien est bien entendu très présent dans la création artistique, mais ce n'est pas le seul sujet. La liberté, qui fait défaut, mais aussi le corps humain ou la sexualité inspirent les artistes, même s'il n'est pas toujours facile de dévoiler de telles œuvres au public. « Le corps est l'une des choses les plus secrètes à Gaza », souligne Iyyad Farraj. « Il est impossible d'en parler ici. Il y a des tabous, même les artistes ne peuvent en parler », dit-il, en montrant quelques sculptures dissimulées aux regards. Il n'y a pas de censure à proprement parler, assure Basel al-Maqosi, un peintre de 39 ans. « Mais le Hamas sépare les œuvres entre ce qui est halal (licite) et haram (illicite) en vertu de critères religieux, notamment en ce qui concerne le corps féminin », précise-t-il. Les expositions dans les salles municipales, dépendant du Hamas, ne sont donc pas jugées sur des critères purement artistiques, mais politiques ou religieux, explique le peintre.
Seul endroit longtemps dédié à l'art à Gaza, la « Cité des arts et des lettres » est aujourd'hui sous la coupe du mouvement islamiste. Pour faire vivre leurs œuvres, les artistes de Gaza s'organisent en créant leurs pages sur Internet ou en louant des salles. « On a créé un cercle, Windows for Gaza (...). On a ouvert une salle d'exposition, mais ça coûte cher. On manque de lieux pour les manifestations culturelles », regrette Basel al-Maqosi. Petite bouffée d'oxygène, le Centre culturel français (CCF), seul centre culturel étranger ouvert à Gaza, s'efforce d'organiser régulièrement des manifestations et tente de faire le lien entre la bande de Gaza, la Cisjordanie et Jérusalem-Est, séparées les unes des autres physiquement et politiquement. « Il est parfois plus facile d'exposer à l'étranger que dans les territoires palestiniens », constate avec amertume Basel al-Maqosi.
Djallal MALTI (AFP)
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