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Liban - Réconciliation

La rencontre Aoun-Joumblatt, ultime étape de la réconciliation dans la Montagne

Choueifate dimanche, Rabieh lundi. Depuis son grand « retournement » du 2 août 2009, le chef du PSP et du bloc parlementaire de la Rencontre démocratique, Walid Joumblatt, n'en finit plus de faire l'actualité, s'impliquant chaque fois davantage dans ce qu'il appelle le processus de dialogue et de détente interne.

Échange d’amabilités entre Michel Aoun et Walid Joumblatt, hier à Rabieh. Charbel Nakhoul/AFP

Au cours des quatre derniers mois, Joumblatt a multiplié les initiatives en direction du camp dit du 8 Mars, et, chacun à son tour, les piliers de ce camp ont saisi la balle au bond, soucieux de transformer la nouvelle orientation de Joumblatt en action concrète. C'est un peu dans cet état d'esprit que le général Michel Aoun attendait hier son visiteur de marque à Rabieh. Le communiqué annonçant la visite, publié samedi par le bureau de presse du chef du CPL, était destiné à donner un caractère officiel à cette visite, caractère qui s'est très vite dissipé, tant, selon les présents, l'atmosphère était détendue.
À onze heures pile, le convoi de Joumblatt est arrivé à Rabieh. Il comprenait, outre le chef du PSP, les ministres Waël Bou Faour et Akram Chehayeb, les députés Marwan Hamadé, Nehmé Tohmé, Élie Aoun, Alaeddine Terro ainsi que les cadres du PSP Charif Fayad, Nasser Zeïdan, Doreid Yaghi et Rami Rayès. Comme prévu, les députés Fouad el-Saad et Henri Hélou ne faisaient pas partie de la délégation, mais selon le député membre du CPL, Hikmat Dib, « ce n'est pas le général Aoun qui les a exclus, puisque ce n'est pas l'hôte qui décide l'identité de ceux qui accompagnent son invité, mais ils ont sans doute décidé eux-mêmes de ne pas venir à Rabieh, évoquant des veto qui n'existent pas pour justifier leur absence ».
Le général Aoun s'était de son côté entouré des députés Alain Aoun, Farid el-Khazen, Hikmat Dib, Naji Gharios, Abbas Hachem, Ibrahim Kanaan, Simon Abi Ramia, Walid Khoury, Michel Hélou, Ziad Assouad, Edgar Maalouf et Nabil Nicolas, ainsi que de l'ancien ministre Mario Aoun et le responsable des relations publiques du CPL Nassif Azzi. Étaient donc absents le ministre Gebran Bassil qui se trouve en Turquie et le député Fadi Awar qui s'est excusé en raison du décès de sa cousine.
D'entrée de jeu, Walid Joumblatt donne le ton en offrant au général Michel Aoun un livre écrit par un ancien communiste portugais José Saramago (détenteur du prix Nobel de littérature), intitulé L'Évangile selon Jésus-Christ. C'est une attention délicate à l'égard de Aoun, qui montre d'abord que Joumblatt connaît son goût pour la lecture et ensuite qu'il lui offre un ouvrage qui s'inscrit dans sa réflexion sur le christianisme. La rencontre que Joumblatt refuse de qualifier de réconciliation, car celle-ci a déjà eu lieu, préférant le terme de discussion franche, prend alors un tour historique.
Le chef du CPL se lance dans un long exposé sur l'histoire commune entre les druzes et les chrétiens dans la Montagne, rappelant qu'au cours des huit derniers siècles, il n'y a eu, entre ces deux communautés, que deux grandes crises, celle de 1860 et celle des années 82, 83 et 84. En d'autres termes, la cohabitation, plus même, le vivre en commun, est la règle et les conflits l'exception. Ce qui, comparativement aux populations européennes, qui ont connu bien plus de guerres, est bien plus concluant en matière d'entente... C'est donc sur la tradition de coexistence qu'il faut bâtir et qui doit servir de référence, plutôt que les remous et les secousses souvent aiguisés par des parties étrangères.
Walid Joumblatt a également abondé dans ce sens, s'étendant à son tour sur les quatre dernières années et sur les erreurs de la politique américaine dans la région. Il a ensuite parlé de la cérémonie de Choueifate, la veille, expliquant qu'il n'y a pas pour lui de retour en arrière et que, désormais, la seule voie possible est celle du dialogue. Il a aussi précisé que le dialogue ne signifie pas l'accord total, mais il s'agit d'une dynamique qui doit être entretenue. Les deux hommes ont ensuite évoqué la situation des réfugiés palestiniens et la nécessité de leur donner des droits humains pour éviter l'injustice, la frustration et l'extrémisme.

Les déplacés
Les grands principes définis, les deux hommes sont ensuite entrés dans les détails des sujets concrets, étudiant les travaux des commissions formées après la rencontre de Baabda et chargées d'examiner le dossier des déplacés de la Montagne. À ce sujet, Aoun n'a pas pu s'empêcher de lancer une remarque sur les sommes dépensées, selon lui, un peu à tort et à travers dans ce dossier et parfois hors contexte et à qui n'y a pas droit, suscitant une approbation amusée de la part du chef du PSP qui avait déjà reconnu que les sommes allouées aux déplacés n'avaient pas toujours été dépensées de façon équitable...
Le dossier du retour des déplacés a occupé une grande partie de la discussion, dans ses deux volets : celui du retour des déplacés dans les derniers villages qui n'ont pas encore fait l'objet de réconciliations (il y en a encore pratiquement quatre), et celui de la consolidation du retour des déplacés grâce à la construction d'écoles, d'universités et d'hôpitaux dans la Montagne, de nature à permettre aux habitants des localités de rester dans leur maison tout au long de l'année. Selon Hikmat Dib, les discussions sont entrées dans les détails de chaque village et ont accordé une place importante aux projets de développement dans la Montagne. Tout comme il a été convenu d'étudier le dossier des réconciliations au cas par cas et famille par famille, pour éviter des frustrations latentes qui pourraient un jour se traduire par des conflits ouverts. Enfin, les deux leaders ont aussi évoqué le respect de la liberté dans la Montagne et la possibilité pour chaque partie de pouvoir s'y exprimer librement. Tout comme il a été convenu de présenter le dossier des déplacés au Conseil des ministres comme un sujet prioritaire.
Les sources du CPL confient avoir perçu chez Joumblatt une volonté réelle de se tourner vers l'avenir et de tourner la page du passé. Il aurait d'ailleurs insisté à plusieurs reprises sur la nécessité de profiter de l'atmosphère de détente régionale pour consolider l'entente interne et établir des bases solides pour l'avenir. Les mêmes sources précisent que, tout au long de la rencontre qui a duré près de deux heures, il n'a pas été question d'une visite de Aoun à Moukhtara dans le cadre d'une tournée du général dans la Montagne, ajoutant que celle-ci aura forcément lieu, mais qu'il ne faut pas brûler les étapes. Les questions de politique interne n'ont pas été évoquées, comme les nominations administratives, les élections municipales ou autres sujets d'actualité, les deux parties préférant donner à cette rencontre une dimension qui dépasse celle des retrouvailles politiques traditionnelles.
D'ailleurs, en s'adressant aux journalistes à la fin de la réunion, Michel Aoun et Walid Joumblatt ont refusé de se laisser glisser vers les questions politiques conflictuelles, préférant parler d'ouverture d'une nouvelle page. Aoun a ainsi précisé que le retour des déplacés ne suffit pas, il faut aussi que ceux-ci soient rassurés sur leur sort et qu'ils puissent rester et vivre dans leurs villages par le biais de projets de développement. Joumblatt a rappelé, de son côté, que le processus de réconciliation a commencé dans la Montagne en 2001 par la visite du patriarche Sfeir au Chouf et à Aley, et qu'il connaît enfin un de ses derniers épisodes.
En réponse à une question, Joumblatt a précisé que cette rencontre n'est pas dirigée contre une tierce partie, ajoutant que les grands sujets politiques sont laissés à la table de dialogue qui devrait être convoquée prochainement, insistant sur le fait que toutes les parties sont désormais représentées au sein du gouvernement...
Au bout d'un peu plus de deux heures, Joumblatt et la délégation qui l'accompagnait ont quitté Rabieh, mais les échos de cette visite retentiront pendant longtemps, notamment dans les villages de la Montagne, qui attendent encore le retour de leurs habitants pour recommencer à vivre et renouer avec la tradition d'entente et de fraternité qui a été la leur.
Au cours des quatre derniers mois, Joumblatt a multiplié les initiatives en direction du camp dit du 8 Mars, et, chacun à son tour, les piliers de ce camp ont saisi la balle au bond, soucieux de transformer la nouvelle orientation de Joumblatt en action concrète. C'est un peu dans cet état d'esprit que le général Michel Aoun attendait hier son visiteur de...

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