Tout programme de développement local doit prendre en considération les besoins de la population visée et, pour le rendre durable, impliquer les bénéficiaires dans la mise en œuvre des différents projets. C'est en tout cas dans cet état d'esprit que le programme onusien Art Gold (Appui aux réseaux territoriaux pour la gouvernance locale et le développement) - lancé en 2007 par la Belgique, l'Italie, la principauté de Monaco et l'Espagne - élabore des plans stratégiques de développement dans les régions du nord et du sud du Liban, de la Békaa et dans la banlieue sud de Beyrouth. Son champ d'action est large (gouvernance, développement économique local, bien-être social, environnement et éducation), mais il se distingue clairement des autres programmes lancés par le PNUD au Liban car il a adopté une méthodologie particulière : le développement participatif. Ainsi, les autorités régionales et provinciales, les administrations municipales, les universités, les associations et les ONG sont à l'origine des différents projets et tous les acteurs locaux sont impliqués dans l'élaboration et la mise en œuvre des plans de développement.
Les jeunes et les agriculteurs du Akkar étaient ainsi à l'honneur mardi dernier. En effet, non moins de six projets ont été inaugurés dans différentes villes avec comme objectif commun d'assurer à terme le développement économique local et l'intégration de la population dans un processus de coopération décentralisée. Plus particulièrement, la création de deux centres informatiques à al-Atika et Qobeyate et de deux parcs publics à Halba et Fneidek doivent permettre de lutter contre la marginalisation de la population jeune de la région. Les agriculteurs pourront bénéficier de l'intégration d'un laboratoire d'analyse des sols et sous-sols dans l'actuel Centre libanais de recherche agricole, situé à al-Abdeh.
La cérémonie a eu lieu dans le tout nouveau centre culturel pour la jeunesse de Halba, en présence de tous les partenaires : les responsables des municipalités concernées, les représentants des ambassades européennes qui ont financé les projets, et le directeur exécutif du programme Art Gold, Francesco Bicciato. À cette occasion, Nick Hartmann, représentant adjoint du PNUD au Liban, a souligné que les richesses n'étant pas réparties équitablement sur le territoire, il fallait fournir des efforts particuliers pour certaines régions comme celle du Akkar. Il a ajouté que « le travail fourni dans le cadre de l'élaboration des différents projets est un exemple de ce que doit être la coopération entre le gouvernement national et les autorités locales ». En effet, la méthodologie du programme Art Gold repose sur des modèles de coopération décentralisée. Ainsi, des groupes de travail réunissant les principaux acteurs régionaux et municipaux, dont l'action est coordonnée par des agences locales de développement économique, permettent de faire émerger des priorités au niveau des besoins exprimés par la population. Partant, des objectifs stratégiques à atteindre sont énumérés pour chaque municipalité et les projets sont élaborés avec l'assistance des représentants du PNUD, en phase avec les activités d'Art Gold.
Il apparaît donc tout à fait logique que ce modèle de développement ait été initié par des pays membres de l'Union européenne au sein du PNUD car il fait écho au principe de subsidiarité auquel a recours l'institution : tout ce qui peut être mieux réalisé au plan national et par des acteurs directement concernés ne peut être effectué au plan communautaire. Dans l'esprit d'Art Gold, il s'agit de la même approche. Afin d'atteindre des objectifs soutenables et réaliser des projets ancrés dans les besoins de la population ciblée, c'est aux acteurs municipaux et représentants des communautés locales de s'investir dans l'élaboration de plans stratégiques de développement.
Ainsi, le groupe de travail de la ville de Halba a fait émerger l'idée qu'il était nécessaire d'ouvrir un centre culturel destiné aux jeunes afin de répondre aux besoins d'intégration de ces derniers dans l'ère numérique, en mettant à leur disposition des ordinateurs avec accès à Internet et de développer des activités sociales et culturelles. Pour la communauté de Fneidek, dont 35 % de la population est âgée de moins de 15 ans (contre 21,5 % dans tout le pays), la création d'un parc public apparaît comme prioritaire afin de fournir un lieu propre et sécurisé d'accueil pour les enfants de la ville. Pour autant, les projets élaborés par les bénéficiaires eux-mêmes doivent répondre à des objectifs plus poussés et qui sont soutenus pas le programme Art Gold. En effet, la création de centres informatiques et de parcs publics vise à améliorer l'éducation des élèves et étudiants, même en dehors de l'école, et à améliorer leurs compétences dans les domaines culturels, artistiques et numériques pour favoriser à terme leur entrée sur le marché du travail.
De la même façon, l'ouverture d'un laboratoire de recherche sur la qualité des sols et des sous-sols répond autant à un réel besoin exprimé par les agriculteurs de la région qu'à l'objectif global de développement économique local. Les exploitants manquent généralement de connaissances sur les caractéristiques chimiques et physiques des sols qu'ils possèdent et ont une utilisation excessive des fertilisants, qui s'avère parfois contre-productive. Le nouveau laboratoire d'al-Abdeh va fournir des services innovants et durables pour ces agriculteurs et permettra à terme l'optimisation de l'utilisation des ressources, l'amélioration de la compétitivité des exploitations, une hausse des revenus et la réduction de la pollution des eaux souterraines.
Un modèle de développement original
Pour assurer la réussite des projets et leur suivi, des objectifs chiffrés ont été mis en place par le PNUD, en coordination avec les agences locales de développement économique. Par exemple, le Centre culturel pour la jeunesse de Halba doit améliorer les compétences de deux cents étudiants dans le domaine numérique sur une période d'un an et le design des pages Internet d'une vingtaine d'entrepreneurs locaux. Dans le même esprit, les agriculteurs qui souhaitent faire tester les échantillons de certains sols devront y participer financièrement. Ce service payant doit assurer l'implication des bénéficiaires et la durabilité du projet.
Si la méthodologie employée semble permettre d'instaurer un véritable dialogue social au sein des municipalités et avec les institutions partenaires, il faut espérer que la dynamique locale permettra d'assurer un avenir profitable pour ces différents projets. La volonté d'adapter des programmes de développement aux besoins immédiats des populations est louable et devrait permettre leur accueil favorable par leurs bénéficiaires. Pour autant, la méthode repose sur l'instauration d'une confiance réciproque et le gage d'un véritable engagement des autorités et communautés locales dans des processus de développement longs et parfois fastidieux. Le PNUD, dans le cadre de son programme Art Gold, et grâce au financement de l'Italie, de la Belgique et de l'Espagne, mise sur le développement participatif et la coopération décentralisée. Forme exemplaire de management du développement local ou pari ambitieux et difficilement contrôlable ? Le modèle fonctionne dans dix-huit autres pays. Il faudrait maintenant qu'il s'accommode des particularités libanaises.