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Législatives : juin 2009 - Pour aller plus loin

Pour un cabinet restreint

Pour comprendre la crise gouvernementale au Liban, il faut, hélas, comprendre le Moyen-Orient tout entier. Dans un discours prononcé le 26 août dernier devant la conférence des ambassadeurs, le président français Nicolas Sarkozy a contesté l'idée que le conflit du Proche-Orient soit « un conflit régional ». « Ce conflit concerne le monde entier », a-t-il affirmé. «Israël n'est pas seul, a-t-il encore dit. Nous n'accepterons pas que sa sécurité soit mise en cause, mais nous avons aussi le droit de dire que c'est une erreur de penser qu'on peut continuer un processus de colonisation et espérer la paix. »
Enfin, le président français a estimé que l'Iran aspire à être une puissance nucléaire militaire et qu'il est difficile de croire ses dirigeants quand ils affirment le contraire.
Si l'on ajoute à ces données celle de la rivalité entre l'Arabie saoudite et la Syrie, la lutte sourde entre les sunnites et les chiites, la montée du terrorisme, en particulier en Palestine et en Irak, nous aurons énuméré, en quelques lignes, certains des paramètres de la crise libanaise. Certains, mais non pas tous.
Ce qui est clair, c'est que le Liban est aujourd'hui l'otage d'une crise internationale et que les Libanais devront s'y résoudre. Le Premier ministre désigné, Saad Hariri, a été à nouveau choisi, jeudi, par 73 voix sur 128 pour former un gouvernement, mais à l'évidence, il ne peut agir en dehors d'un consensus interne reflétant un équilibre de forces régional, voire international, dont chacune des forces politiques libanaises est un prolongement.
Le grand défi auquel fait face M. Hariri est celui de la division interne, qui peut dégénérer en troubles civils. Sur un plan purement politique, et même institutionnel, M. Hariri fait face au défi de la représentation chiite au sein du gouvernement. Normalement, ce défi ne devrait pas exister, du moins sur un plan institutionnel, l'appartenance communautaire ne pouvant être confondue avec une ligne politique déterminée. Toutefois, cette anomalie s'est imposée en raison de la loi du nombre. En effet, la communauté chiite est représentée exclusivement, en ce moment, au plan populaire par deux partis, le Hezbollah et le mouvement Amal. Une troisième force est en cours de formation, mais elle manque encore de crédibilité et serait désavouée par la majorité de la communauté qui ne l'estimerait pas représentative, ne serait-ce qu'au titre de la récente consultation électorale.
Tenu de former un cabinet d'union, ou d'entente, nationale, le Premier ministre désigné est donc forcé de tenir compte des orientations politiques de ces partis stratégiquement complémentaires, qui sont totalement opposées aux siennes pour des raisons à la fois politiques et communautaires, et dont les pôles se trouvent, respectivement, à Damas et Téhéran.
À supposer même que Saad Hariri puisse sortir de ce consensus interne - il tente de le faire par pure bravade -, le président Michel Sleiman, lui, dont l'accord est indispensable à la promulgation du décret de formation du gouvernement, ne le pourra pas, ayant été élu sur la base d'un équilibre régional (Doha 2008) travesti en accord consensuel. Un équilibre qui, par ailleurs, a modifié les règles du jeu politique et éloigné le Liban des règles de l'alternance démocratique.
La recherche d'un consensus interne qui déboucherait sur un gouvernement d'unité ou d'entente ne donnera donc pas de résultats dans l'immédiat, pensent les observateurs, et le Liban continuera d'être privé d'un gouvernement en bonne et due forme, en attendant certaines échéances régionales. Parmi ces échéances figurent les entretiens que Téhéran doit engager avec les pays du G6 (les cinq membres permanents du Conseil de sécurité plus l'Allemagne) sur son programme nucléaire. Le gouvernement iranien a inscrit en outre l'Afghanistan, l'Iran, la Palestine et le Liban à l'ordre du jour des discussions. Autant le dire, le Liban est une « carte » aux mains de Téhéran, et le gouvernement peut attendre. Certains pensent que la situation actuelle peut encore traîner pendant des semaines, voire des mois.
Si, au moins, l'on pouvait espérer une éclaircie du côté de la Palestine. Mais là aussi, les nuages s'amoncellent. En tournée régionale, George Mitchell, l'émissaire du président Barack Obama, n'a rien pu arracher au Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu en termes de gel des colonies de peuplement.
Le président américain, qui doit dévoiler le 23 septembre à l'ONU les grandes lignes de son initiative de paix pour la région, est donc privé de tout argument de poids pour demander aux Arabes de consentir à faire des « sacrifices » pour la paix.
Pour beaucoup, le président américain n'a d'autre choix que de travailler pour l'après-Netanyahu... Et pour citer à nouveau Sarkozy, s'adressant aux ambassadeurs : « Le temps n'est pas notre allié. Il est notre juge et nous sommes déjà en sursis. »
Existe-t-il des paramètres uniquement locaux à la formation du gouvernement ? On pourrait le penser à première vue. Ainsi, serait « locale » la volonté du général Michel Aoun de vouloir que son gendre, Gebran Bassil, qui a échoué aux élections, soit quand même nommé ministre. Mais même les paramètres internes sont piégés. Ainsi, le ministère des Télécoms, que Michel Aoun souhaite voir attribué à Gebran Bassil, n'est plus un simple « service public », mais revêt aux yeux du Hezbollah et de l'opposition une importance sécuritaire. Le téléphone est plus qu'un instrument de communication, c'est aussi un instrument d'écoute et d'espionnage que l'opposition redoute et qu'elle voudrait contrôler. Il en va de même du ministère de l'Intérieur, que l'opposition voudrait voir attribué à l'un de ses ministres.
On a là un exemple des chicanes auxquelles fait face Saad Hariri et qu'il est peu probable qu'il parvienne à franchir sans encombre à moins d'un miracle. Ce miracle consisterait à former, au nom de l'intérêt supérieur de l'État, un cabinet restreint de personnalités apparentées aux forces politiques locales, mais capables, pour celles qui seraient choisies au compte de l'opposition, de résister aux pressions qui seraient inévitablement exercées sur elles pour les amener à refuser les charges qui leur seront proposées.
Enfin, le président français a estimé que l'Iran aspire à être une puissance nucléaire militaire et qu'il est difficile de croire ses dirigeants quand ils affirment le contraire.Si l'on ajoute à ces données celle de la rivalité entre l'Arabie saoudite et la Syrie, la lutte sourde entre les sunnites et les chiites, la montée du...