« Le fait que tout cela se mettra en place avant le 1er septembre n'est pas une coïncidence du côté libyen », estime Molly Tarhuni, experte au centre de réflexion Chatham House, à Londres. « Être capable de se tourner vers le monde après quarante ans et de dire : "Je suis toujours là", c'est certain que cela va revêtir une très grande importance pour lui et le régime », ajoute-t-elle à l'AFP. Le chef libyen Kadhafi pourrait ainsi arriver tout auréolé de gloire en septembre à New York pour l'Assemblée générale des Nations unies, une présence non encore confirmée mais récemment évoquée par l'intéressé.
La prochaine remise en liberté de Megrahi, toujours pas confirmée de source officielle, représenterait également un tournant historique dans les relations Londres-Tripoli. Suspendues en 1984, elles avaient repris en 1999 après la remise par la Libye de Megrahi. Les relations s'étaient davantage réchauffées quand Tripoli avait renoncé aux armes de destruction massive en 2003 et accepté de payer 270 millions de dollars d'indemnités aux familles des victimes de l'attentat de Lockerbie, ouvrant la voie à la levée de l'embargo international sur la Libye.
Ce réchauffement est motivé par des questions de sécurité, la Libye pouvant servir d'allié dans la « guerre contre le terrorisme », mais également par les importantes réserves d'or noir et de gaz qu'elle possède. BP a signé un accord en 2007 avec Tripoli pour l'exploration de gaz, mais a « des difficultés à faire venir des équipements lourds dans le pays », explique Bassam Fattouh, expert à l'Oxford Institute for Energy Studies. Si Megrahi est libéré, « BP pourra s'attendre à obtenir le feu vert », ajoute M. Fattouh au quotidien The Times de samedi.
« Des rumeurs suggèrent que, parmi les pressions libyennes (en vue de la libération de Megrahi), figuraient des menaces d'ingérence dans des intérêts commerciaux, dont ceux de BP », ajoute Oliver Miles, ancien ambassadeur du Royaume-Uni en Libye, cité la semaine dernière dans le Guardian. Selon une source libyenne proche du dossier, qui a requis l'anonymat, « la Libye n'a pas la mémoire courte, et elle ne pardonnera jamais à la Grande-Bretagne si Megrahi n'est pas libéré. Cela aurait des répercussions immédiates, notamment sur les relations économiques ».
Megrahi est considéré par les autorités et le peuple libyen comme « un héros qui s'est sacrifié pour lever l'embargo imposé à son pays ». « Lui permettre de passer le reste de ses jours dans son pays est la moindre des choses que la Libye peut offrir à cet homme qui a été la victime d'une injustice internationale », souligne-t-on de source officielle libyenne.