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Liban

Au-delà du blocage local, les tiraillements syro-saoudiens…

À en croire les différentes parties libanaises, il n'y aurait pas vraiment de gros obstacles face à la formation du gouvernement. Certes, la majorité continue à accuser Michel Aoun de poser des conditions presque rédhibitoires avec sa volonté de compter le ministre des Télécommunications actuel Gebran Bassil dans sa part de ministrables et son exigence d'obtenir un portefeuille régalien, alors que l'opposition considère que c'est l'appétit des différents partenaires au sein de l'alliance du 14 Mars qui retarde encore la formation du gouvernement. Mais au fond, nul n'est vraiment convaincu que ces revendications sont de nature à entraver la naissance de la nouvelle équipe. Dans ce cas, la double question qui se pose est la suivante : pourquoi ce retard et où se situe réellement le blocage ? La dimension purement libanaise a beau être invoquée, elle n'explique pas les interventions répétées du ministre saoudien de l'Information, Abdel Aziz Khoja, aussi positives soient-elles.
Au Liban, de plus en plus de parties sont ainsi convaincues qu'une partie du problème est sans doute ailleurs et que la clé du problème pourrait bien être entre Damas et Riyad. Selon une personnalité proche de Damas, en dépit du rapprochement entre les deux capitales et entre les dirigeants des deux pays, entamé au sommet du Koweït, la relation entre Damas et Riyad n'est pas encore totalement saine. On se souvient que le fils du roi, l'émir Abdel Aziz, avait effectué deux visites à Damas, dont une en compagnie du ministre Khoja et qu'en principe, selon la version officieuse, Damas attendait des réponses saoudiennes et une visite du roi. Ce qui aurait facilité la naissance du gouvernement d'union au Liban. Puis plus rien, ou plutôt des contacts de routine, qui ne sont pas suffisamment importants pour régler les problèmes en suspens. La personnalité proche de Damas confie que les rapports syro-saoudiens sont très complexes, surtout au sujet du dossier libanais. Pendant de nombreuses années, la Syrie s'est considérée comme le pays le plus influent au Liban, au détriment de l'Arabie avec laquelle elle avait pourtant parrainé l'accord de Taëf. Avec le retrait forcé des troupes syriennes en avril 2005 et le revirement de la communauté internationale à l'égard de la Syrie, celle-ci a perdu tout poids au Liban au profit de Riyad, dont l'influence n'a cessé de grandir au cours des quatre dernières années.
Mais pendant tout ce temps aussi, la Syrie a discrètement œuvré pour renforcer son pouvoir au Liban par le biais de ses alliés et en recommençant à rassembler les cartes, dont celles de la lutte contre le terrorisme islamiste et la coopération sécuritaire. Damas a même été remercié par la communauté internationale et plus particulièrement par la France pour avoir « facilité » l'élection d'un président d'entente, Michel Sleiman. Aujourd'hui, poursuit la même personnalité, elle est sollicitée de toutes parts pour intervenir auprès de l'opposition libanaise et les demandeurs de rendez-vous auprès des responsables syriens se comptent par dizaines. Mais la Syrie attend son heure et s'en tient à son attitude initiale, en affirmant qu'elle peut donner des conseils, mais ne peut pas décider à la place de l'opposition. La personnalité proche de Damas affirme qu'en réalité, la Syrie considère que l'Arabie saoudite continue de traiter avec elle le dossier libanais, comme si elle était la partie la plus influente et que Damas n'avait qu'un rôle secondaire. Riyad ne semble pas avoir compris que l'équation aussi bien internationale que libanaise a changé en faveur de la Syrie et se comporte comme s'il avait réellement conforté son influence à travers les dernières élections législatives libanaises au détriment des alliés de Damas. D'ailleurs, au lendemain des élections, un quotidien saoudien avait titré en manchette : « Nous avons gagné, ils ont perdu ». Ce qui, aux yeux des responsables syriens, toujours selon la personnalité proche de Damas, n'est pas conforme à la réalité. D'ailleurs, les développements politiques qui ont suivi les élections législatives ont annulé objectivement les résultats de celles-ci. Si on sollicite donc son aide, poursuit cette personnalité, il faut reconnaître l'importance de son rôle et partager les bénéfices, au Liban et ailleurs, mais il n'est pas question pour la Syrie de peser de tout son poids sans contrepartie, d'autant qu'elle considère que le temps joue en sa faveur et que non seulement au Liban, mais aussi en Irak et en Palestine, aucune solution n'est possible sans elle. De leur côté, les dirigeants saoudiens préfèrent aussi prendre leur temps pour laisser la nouvelle administration américaine dévoiler ses véritables intentions dans la région, notamment au sujet du dossier iranien. Il sera donc toujours temps de faire les concessions réclamées, alors pourquoi brûler les étapes et aller trop vite ?
Si l'on suit ce raisonnement, il devient clair qu'au fond, ni Damas ni Riyad ne seraient réellement pressés d'aider le Liban à se doter d'un gouvernement. Il serait d'ailleurs intéressant de se demander si les Libanais eux-mêmes le sont : pour les citoyens, la vie continue bon gré mal gré, alors qu'une grande partie de la classe politique guette les signaux venus de l'extérieur... et l'évolution de la position de Walid Joumblatt. Aux dernières nouvelles, Damas aurait posé trois conditions pour l'accueillir : il devrait d'abord rencontrer l'ambassadeur de Syrie au Liban, pour donner un caractère officiel à la visite, présenter ensuite sous une forme ou une autre des excuses au président et au peuple syriens et, enfin, adopter une position claire en faveur des armes du Hezbollah. Le leader du PSP n'y verrait pas d'inconvénient, surtout qu'au bout du chemin, il devrait être reçu par Bachar el-Assad, consacrant ainsi son retour dans le camp « nationaliste », sans toutefois remettre en cause son alliance avec le Courant du futur.
Au jeu de l'équilibrisme, il reste le plus fort...
À en croire les différentes parties libanaises, il n'y aurait pas vraiment de gros obstacles face à la formation du gouvernement. Certes, la majorité continue à accuser Michel Aoun de poser des conditions presque rédhibitoires avec sa volonté de compter le ministre des Télécommunications actuel Gebran Bassil dans sa part de...
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