L'économie russe, qui pouvait se targuer ces dernières années de taux de croissance éloquents et de caisses bien remplies, a été touchée de plein fouet par la crise financière mondiale et la chute des cours des hydrocarbures.
Suivant le mouvement, le budget a brutalement basculé cette annnée tandis que le pays s'enfonce dans la récession. Le déficit budgétaire pourrait ainsi atteindre 9,2 %-9,3 % du produit intérieur brut (PIB), a indiqué hier le ministre des Finances Alexeï Koudrine.
En 2010, il devrait rester soutenu à 7,5 % du PIB, avant de décroître progressivement à 4,3 % en 2011 et à 3 % en 2012, selon les grandes orientations budgétaires pour la période 2010-2012 adoptées hier par le gouvernement.
Dans ce contexte, les autorités russes doivent trouver rapidement des moyens de colmater les brèches.
Elles prévoient en premier lieu de puiser dans le Fonds de réserve du pays, alimenté par les recettes fiscales prélevées sur les exportations d'hydrocarbures, et le Fonds de prospérité nationale, conçu pour soutenir le système de retraites du pays.
Le gouvernement envisage par ailleurs d'émettre des euro-obligations, ce qu'il n'avait plus fait depuis 1998. Selon le projet du ministère des Finances, il pourrait placer 17,8 milliards de dollars en 2010, puis 20,7 milliards de dollars en 2011 et 20 milliards en 2012.
Hier, M. Koudrine a laissé entendre qu'une émission pourrait être possible dès 2009. « Nous suivons ce processus, si nous voyons que la situation est favorable, alors peut-être que nous ne nous retiendrons pas », a-t-il dit, cité par les agences russes.
Le moment est « idéal pour les nouveaux placements » sur le marché obligataire, souligne Sergueï Kolesnikov, analyste de la banque d'investissement russe Metropol. Récemment, le géant gazier Gazprom a ainsi vu ses offres sursouscrites, relève-t-il.
« Les responsables russes comprennent que (...) c'est le bon moment pour le faire », ajoute-t-il.
Un avis qui n'est pas partagé par tout le monde. Alexeï Moïsseïev, directeur de la stratégie chez Renaissance Capital, juge que le gouvernement russe manque de « discipline budgétaire ».
« Il y a beaucoup d'incertitudes. Est-ce que les investisseurs étrangers vont vouloir acheter et à quel rendement ? », s'interroge de son côté Anton Stroutchenevski, de Troïka Dialog.
L'économiste redoute par ailleurs que la dette ne s'alourdisse et que les investisseurs cessent au bout d'un certain temps d'acheter des obligations. « Alors quelque chose de semblable à 1998 peut arriver », prévient-il.
Dans les années 1990, la Russie, qui avait accumulé un important déficit budgétaire, a émis de manière significative des titres et s'était retrouvée progressivement entraînée dans une spirale infernale d'emprunts, jusqu'à ce qu'elle se déclare en défaut de paiement.
L'éventualité d'un défaut sur la dette à court terme est impossible, mais on ne peut l'exclure à long terme, juge Alexeï Goriaev, économiste à l'École russe d'économie, remarquant que tout dépend du prix du pétrole.
« Si celui-ci se rétablit, alors on dira que le gouvernement aura adopté la bonne stratégie, en laissant le déficit se creuser et en lançant des émissions obligataires. Mais si ce n'est pas le cas, cela peut effectivement mener à un nouveau défaut », conclut-il.