Le postulat duquel nous partons, à savoir la formation d'un gouvernement d'union nationale (GUN), fait l'objet d'un large consensus au sein de la classe politique libanaise. Ni les forces qui composent la coalition du 14 Mars ne veulent exclure les autres factions du futur gouvernement ni les dirigeants de la coalition du 8 Mars ne voulaient gouverner le pays du Cèdre à eux seuls s'ils avaient gagné les élections.
Or face à cette convergence de principe, une divergence fondamentale a lieu au niveau du taux de la représentativité dans le GUN de l'une ou l'autre faction. Si la coalition du 8 Mars avait d'emblée offert dans ses discours de campagne électorale le « tiers rassurant » aux autres factions, il n'en est pas de même de l'autre côté.
En effet, l'ancienne majorité - redevenue la nouvelle majorité - appelait l'opposition à se joindre à elle dans un GUN sans lui procurer « le tiers de blocage », tout en se promettant de se ranger dans le rang de l'opposition, sans rien réclamer au cas où elle perdrait les élections législatives...
Le 7 juin 2009, le scrutin a eu lieu et le peuple a choisi la majorité et l'opposition dans le système démocratique libanais. Sur quel fondement l'ancienne opposition - redevenue la nouvelle opposition - réclame-t-elle le tiers de blocage ? Est-ce que l'accord de Doha consacre une nouvelle pratique dans la vie institutionnelle et constitutionnelle du pays ? Ou bien la conjoncture régionale et les implications stratégiques internationales ayant régné lors de l'accord de Doha sont-elles toujours d'actualité ? Avant de répondre à ces deux questions problématiques, il convient d'examiner en premier lieu en quoi consiste « le tiers rassurant » ou « de blocage » eu égard à la Constitution libanaise.
Les mentions du « plus que le tiers des ministres » dans la Constitution libanaise
Dans la Constitution libanaise, tel que révisée par la loi constitutionnelle du 21 septembre 1990, à la suite de l'accord de Taëf, force est de constater qu'il existe trois fonctions pour le nombre supérieur au tiers du cabinet (appelé « tiers du blocage » ou « tiers rassurant » par l'une ou l'autre des coalitions).
En premier lieu, l'article 65 de la Constitution dispose que le « quorum légal pour ses réunions (le Conseil des ministres) est des deux tiers de ses membres ». A contrario, si plus qu'un tiers des ministres ne sont pas présents à (aux) ladite (dites) réunion(s), cette (ces) dernière(s) ne saurai(en)t avoir lieu. La réunion (jalsat) qui devait avoir lieu deviendrait une rencontre (ijtima') ou une discussion. Par conséquent, aucune décision ne pourrait être prise.
En second lieu, l'article 65 dispose que « les décisions y sont prises par consensus (en Conseil des ministres), ou si cela s'avère impossible, par vote, et les décisions sont alors prises à la majorité des présents. Quant aux questions fondamentales, elles requièrent l'approbation des deux tiers des membres du gouvernement tel que le nombre en a été fixé dans le décret de formation. Les questions suivantes sont considérées comme fondamentales : la révision de la Constitution, la proclamation de l'état d'urgence et sa levée, la guerre et la paix, la mobilisation générale, les accords et traités internationaux, le budget général de l'État, Les programmes de développement globaux et à long terme, la nomination des fonctionnaires de la première catégorie ou équivalent, la révision des circonscriptions administratives, la dissolution de la Chambre des députés, la loi électorale, la loi sur la nationalité, les lois concernant le statut personnel et la révocation des ministres ». Par conséquent, si plus qu'un tiers des ministres s'opposent aux décisions relatives aux « questions fondamentales », aucune décision ne peut être prise par le Conseil des ministres.
En troisième lieu, l'article 69 de la Constitution dispose que « le gouvernement est considéré comme démissionnaire dans les cas suivants : a) Si le chef du gouvernement démissionne. b) S'il perd plus que le tiers du nombre de ses membres tel qu'il a été fixé dans le décret de formation. c) En cas de décès du chef du gouvernement. d) Au début du mandat du président de la République. e) Au début du mandat de la Chambre des députés. f) Lorsque la Chambre des députés lui retire sa confiance de sa propre initiative ou suite à une question de confiance. »
Sur ce point, la doctrine est divisée, puisque la perte de plus que le tiers n'est pas assez précise. S'agit-il d'une démission de cette tranche ? Ou bien du décès ou de l'invalidité de ces ministres ? En effet, si l'Assemblée constituante voulait entendre par perte la démission des ministres, elle aurait pu signaler, à l'instar du premier alinéa de cet article, que cela serait le cas « si plus que le tiers du nombre de ses membres (...) ont démissionné ».
En contrepartie, on imagine mal que l'on perde des ministres, en raison de décès ou d'invalidité physique ou mentale, sans les remplacer au sein du même gouvernement, en raison du principe de la continuité du service public.
De toute façon, la démission d'une partie des ministres lors du premier gouvernement Siniora n'a pas été suffisante pour que ces ministres soient considérés comme démissionnaires, puisque l'acte de démission n'a pas été agréé par le président de la République « et » par le président du Conseil, à l'instar de l'acte de nomination. Par conséquent, malgré le fait que des ministres aient présenté leur lettre de démission, une bonne partie d'entre eux continuaient d'exercer leur fonction « discrètement » (les ministres des Affaires étrangères, de la Santé publique, etc.). D'ailleurs, le sit-in de l'opposition au centre-ville de Beyrouth en vue de contraindre le chef du gouvernement à démissionner signifiait que la démission des ministres de l'opposition du gouvernement Siniora n'était pas suffisante pour considérer le gouvernement illégitime, non constitutionnel et donc démissionnaire de fait et de droit.
Dans ce dernier cas de figure relatif à la « perte » ou à la « démission » de plus qu'un tiers des ministres, l'on retient que la situation deviendrait indubitablement critique et déstabilisée, à l'instar de la situation qui régnait avant de parvenir à l'accord de Doha.
Fady FADEL
Professeur de droit public et vice-recteur - Secrétaire général de l'Université antonine
Or face à cette convergence de principe, une divergence fondamentale a lieu au niveau du taux de la représentativité dans le GUN de l'une ou l'autre faction. Si la coalition du 8 Mars avait d'emblée offert dans ses discours de campagne électorale le « tiers rassurant » aux autres factions, il n'en est pas de même de l'autre côté.
En effet, l'ancienne majorité - redevenue la nouvelle majorité - appelait l'opposition à se joindre à elle dans un GUN sans lui procurer « le tiers de blocage », tout en se promettant de se ranger dans le rang de l'opposition, sans rien réclamer au cas où elle perdrait les élections législatives...
Le 7 juin 2009, le scrutin a eu lieu et le peuple a choisi la majorité et l'opposition dans le système démocratique libanais. Sur quel fondement l'ancienne opposition - redevenue la nouvelle opposition - réclame-t-elle le tiers de blocage ? Est-ce que l'accord de Doha consacre une nouvelle pratique dans la vie institutionnelle et constitutionnelle du pays ? Ou bien la conjoncture régionale et les implications stratégiques internationales ayant régné lors de l'accord de Doha sont-elles toujours d'actualité ? Avant de répondre à ces deux questions problématiques, il convient d'examiner en premier lieu en quoi consiste « le tiers rassurant » ou « de blocage » eu égard à la Constitution libanaise.
Les mentions du « plus que le tiers des ministres » dans la Constitution libanaise
Dans la Constitution libanaise, tel que révisée par la loi constitutionnelle du 21 septembre 1990, à la suite de l'accord de Taëf, force est de constater qu'il existe trois fonctions pour le nombre supérieur au tiers du cabinet (appelé « tiers du blocage » ou « tiers rassurant » par l'une ou l'autre des coalitions).
En premier lieu, l'article 65 de la Constitution dispose que le « quorum légal pour ses réunions (le Conseil des ministres) est des deux tiers de ses membres ». A contrario, si plus qu'un tiers des ministres ne sont pas présents à (aux) ladite (dites) réunion(s), cette (ces) dernière(s) ne saurai(en)t avoir lieu. La réunion (jalsat) qui devait avoir lieu deviendrait une rencontre (ijtima') ou une discussion. Par conséquent, aucune décision ne pourrait être prise.
En second lieu, l'article 65 dispose que « les décisions y sont prises par consensus (en Conseil des ministres), ou si cela s'avère impossible, par vote, et les décisions sont alors prises à la majorité des présents. Quant aux questions fondamentales, elles requièrent l'approbation des deux tiers des membres du gouvernement tel que le nombre en a été fixé dans le décret de formation. Les questions suivantes sont considérées comme fondamentales : la révision de la Constitution, la proclamation de l'état d'urgence et sa levée, la guerre et la paix, la mobilisation générale, les accords et traités internationaux, le budget général de l'État, Les programmes de développement globaux et à long terme, la nomination des fonctionnaires de la première catégorie ou équivalent, la révision des circonscriptions administratives, la dissolution de la Chambre des députés, la loi électorale, la loi sur la nationalité, les lois concernant le statut personnel et la révocation des ministres ». Par conséquent, si plus qu'un tiers des ministres s'opposent aux décisions relatives aux « questions fondamentales », aucune décision ne peut être prise par le Conseil des ministres.
En troisième lieu, l'article 69 de la Constitution dispose que « le gouvernement est considéré comme démissionnaire dans les cas suivants : a) Si le chef du gouvernement démissionne. b) S'il perd plus que le tiers du nombre de ses membres tel qu'il a été fixé dans le décret de formation. c) En cas de décès du chef du gouvernement. d) Au début du mandat du président de la République. e) Au début du mandat de la Chambre des députés. f) Lorsque la Chambre des députés lui retire sa confiance de sa propre initiative ou suite à une question de confiance. »
Sur ce point, la doctrine est divisée, puisque la perte de plus que le tiers n'est pas assez précise. S'agit-il d'une démission de cette tranche ? Ou bien du décès ou de l'invalidité de ces ministres ? En effet, si l'Assemblée constituante voulait entendre par perte la démission des ministres, elle aurait pu signaler, à l'instar du premier alinéa de cet article, que cela serait le cas « si plus que le tiers du nombre de ses membres (...) ont démissionné ».
En contrepartie, on imagine mal que l'on perde des ministres, en raison de décès ou d'invalidité physique ou mentale, sans les remplacer au sein du même gouvernement, en raison du principe de la continuité du service public.
De toute façon, la démission d'une partie des ministres lors du premier gouvernement Siniora n'a pas été suffisante pour que ces ministres soient considérés comme démissionnaires, puisque l'acte de démission n'a pas été agréé par le président de la République « et » par le président du Conseil, à l'instar de l'acte de nomination. Par conséquent, malgré le fait que des ministres aient présenté leur lettre de démission, une bonne partie d'entre eux continuaient d'exercer leur fonction « discrètement » (les ministres des Affaires étrangères, de la Santé publique, etc.). D'ailleurs, le sit-in de l'opposition au centre-ville de Beyrouth en vue de contraindre le chef du gouvernement à démissionner signifiait que la démission des ministres de l'opposition du gouvernement Siniora n'était pas suffisante pour considérer le gouvernement illégitime, non constitutionnel et donc démissionnaire de fait et de droit.
Dans ce dernier cas de figure relatif à la « perte » ou à la « démission » de plus qu'un tiers des ministres, l'on retient que la situation deviendrait indubitablement critique et déstabilisée, à l'instar de la situation qui régnait avant de parvenir à l'accord de Doha.
Fady FADEL
Professeur de droit public et vice-recteur - Secrétaire général de l'Université antonine
Le postulat duquel nous partons, à savoir la formation d'un gouvernement d'union nationale (GUN), fait l'objet d'un large consensus au sein de la classe politique libanaise. Ni les forces qui composent la coalition du 14 Mars ne veulent exclure les autres factions du futur gouvernement ni les dirigeants de la coalition du 8 Mars ne voulaient gouverner le pays du Cèdre à eux seuls s'ils avaient gagné les élections.Or face à cette convergence de principe, une divergence fondamentale a lieu au niveau du taux de la représentativité dans le GUN de l'une ou l'autre faction. Si la coalition du 8 Mars avait d'emblée offert dans ses discours de campagne électorale le « tiers rassurant » aux autres factions, il n'en est pas de même de l'autre...
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