Le Jamaïcain Usain Bolt, triple médaille d'or aux Jeux de Pékin, a affiché mardi tard dans la nuit à Lausanne, où il a enchanté sous la pluie battante avec le 4e chrono de l'histoire (19''59) sur 200 m, une forme olympique à cinq semaines des Mondiaux de Berlin.
Le meilleur sprinteur du monde (de tous les temps ?) ne recourra pas sur sa distance de prédilection avant l'événement majeur de la saison, mais la démonstration a été suffisamment convaincante pour éviter toute répétition. L'impression visuelle, comme en Chine, a été fantastique. Corroborée par le chrono. Dans une épreuve régie par les dixièmes, voire les centièmes, la supériorité de Bolt s'affiche désormais en seconde bien ronde. Les clichés de face dessinent un V, avec le Jamaïcain en pointe et ses adversaires proches à l'extrémité des deux ailes.
Au stade de la Pontaise, enceinte bucolique qualifiée d'olympique sur les hauteurs (600 m) de Lausanne, l'athlète au maillot jaune valait assurément son record de 19 sec 30 si le ciel, peut-être jaloux de cet humain béni des Dieux, n'avait déversé des tonnes d'eau.
Fort également dans sa tête, l'homme pressé ne s'est pas attardé sur ce contretemps. « La course m'a satisfait. C'est plus important que le chrono. Je voulais vérifier certaines choses, par rapport à moi. Non pas envoyer de message à mes adversaires, à Tyson Gay », a-t-il déclaré. Rassuré sur sa forme, « avec encore quelques détails à régler », Usain Bolt a aussi pensé à soigner sa communication. « J'ai pris beaucoup de plaisir à courir devant ce public, si enthousiaste et patient sous la pluie », a souligné l'Éclair, accueilli par des cris de midinettes, tel un Michael Jackson de la piste.
Objectif lune
À Pékin, Bolt avait assuré qu'il voulait laisser une trace durable dans la cosmographie de l'athlétisme, « au-delà de ces titres, de ces records », et qu'il avait, à 21 ans (22 ans actuellement), une importante marge de progression. Dans son genre, « cool » côté scène et assidu en coulisses, il s'emploie à décrocher la lune. Une conquête qui tient en deux chiffres : 9 secondes 50/100 sur 100 m, la distance qu'il disputera à Saint-Denis, le 17 juillet, puis à Londres, et 19 secondes sur le demi-tour de piste.
La veille du meeting lausannois, Bolt avait expliqué qu'il suivait à la lettre les ordres et conseils de son entraîneur et mentor Glen Mills. Sourire en pointe et calme de crocodile, Mills répondait en écho que le surdoué était un élève attentif aux entraînements. Si Bolt insiste tant sur le travail de résistance, l'amélioration du départ, le perfectionnement technique, bref sur tous ces points qui évoquent la condition humaine, c'est qu'il ne veut brider la seule question qui vaille. Comment la Nature, dans son champ infini d'expérimentation, a-t-elle pu concentrer sur sa personne autant de gènes d'aptitude à la course ?