Pour son cinquième voyage officiel depuis son élection à la tête des États-Unis, Barack Obama a choisi la Russie. Après sa tournée moyen-orientale, début juin, où le président américain a tenté de redorer l'image de son pays dans le monde arabo-musulman, la visite qu'il entame aujourd'hui à Moscou vise à relancer ses relations avec les Russes après des années de quasi-guerre froide.
Au menu des discussions bilatérales entre le président américain et son homologue russe, Dmitri Medvedev : la réduction des arsenaux nucléaires. Les deux dirigeants devraient signer un accord de coopération militaire pour remplacer le « traité de réduction des armes stratégiques » (Start 1) de 1991. Les deux pays se sont dit prêts à pousser plus loin les concessions faites dans le passé, mais le document cadre n'était pas prêt hier, selon une source diplomatique russe. Les chiffres n'ont pas filtré, mais ils pourraient, d'après les spécialistes, descendre en dessous des 1 700 têtes. Au 1er janvier dernier, la Russie détenait 3 909 têtes nucléaires, les États-Unis 5 576.
« Cet accord pourrait constituer un pas très important vers la non-prolifération nucléaire au niveau mondial. La volonté des deux plus grandes puissances atomiques de réduire leurs arsenaux est un signal qui va certainement freiner les ambitions nucléaires d'autres pays, comme l'Iran et la Corée du Nord », affirme à L'Orient-Le Jour Brian Finlay, directeur de recherche sur la non-prolifération à Henry L. Stimson Center. En effet, Américains et Russes - qui détiennent ensemble plus de 95 % des armes nucléaires mondiales - ont déjà dévoilé leur intention d'élargir leur dialogue sur la réduction des arsenaux atomiques à d'autres pays. « S'il est signé, l'accord russo-américain constituera un succès pour Barack Obama dans le cadre de sa vision pour un monde sans bombe nucléaire », souligne de son côté James Goldgeier, professeur de sciences politiques à George Washington University. « Mais cet accord est loin d'être suffisant. Les deux pays détiendront toujours beaucoup plus d'armes atomiques que nécessaire pour affronter les menaces qui les guettent », ajoute l'expert.
La question afghane
L'autre dossier important dont vont discuter MM. Obama et Medvedev est le transit de matériel militaire américain vers l'Afghanistan via la Russie. Un accord en ce sens devrait également être signé dans les prochains jours. « Si tout va bien, douze cargos américains avec des chargements militaires survoleront la Russie » à destination de l'Afghanistan, affirme le quotidien russe Kommersant, citant des sources de l'OTAN. Barack Obama a fait de la sécurité en Afghanistan une priorité de son début de mandat. La Russie, inquiétée par une contagion de la menace islamiste en Asie centrale, s'est déjà dit prête à accroître sa coopération avec les États-Unis, tout en excluant toute opération militaire en Afghanistan. En mars dernier, Moscou a autorisé le passage via son territoire d'un premier train de matériel non militaire américain pour les troupes de l'OTAN. « Les États-Unis auront un plus grand contrôle sur la frontière afghane et pourront ainsi empêcher le trafic de drogue vers la Russie », a récemment dit James Collins, ancien ambassadeur américain à Moscou.
« Avec les dirigeants russes, le président Obama espère vraiment une relance des relations. Pour cela il va concentrer ses entretiens sur les points communs qui existent entre les deux pays comme la sécurité énergétique, la lutte contre le terrorisme et contre le réchauffement climatique, etc. », explique de son côté Michael McFaul, conseiller à la Maison-Blanche sur les affaires russes.
Bouclier antimissile
Les négociations risquent de se compliquer, en revanche, sur les concessions que veut obtenir en parallèle chacun des deux pays. Pour la Russie, il s'agit clairement d'obtenir l'abandon du projet de bouclier antimissile en Europe, concocté par l'administration George W. Bush. Officiellement destiné à prévenir des attaques iraniennes, il est perçu par Moscou comme une menace directe. D'ailleurs, M. Medvedev a déjà lié la question de la réduction des arsenaux nucléaires à celle du bouclier américain. « Les réductions proposées ne seront possibles que si les États-Unis lèvent nos inquiétudes sur le bouclier », a-t-il déclaré la semaine dernière. Du côté américain, il s'agit de « troquer » une forme de coopération de la Russie sur les dossiers chauds tels que l'Iran et la Corée du Nord, estiment les experts.
« Il est peu probable que le bouclier antimissile affectera l'issue du sommet Obama-Medvedev, estime M. Goldgeier. Cette affaire pourrait cependant affecter le futur des relations russo-américaines. » L'administration américaine n'est pas trop attachée au bouclier, mais pour des raisons de politique intérieure, elle ne peut lâcher trop ostentatoirement le projet soutenu par les républicains. Quant à la Russie, elle n'est pas très enthousiaste à l'idée de s'aligner sur la position américaine vis-à-vis de l'Iran. Jeudi dernier, Moscou a refusé d'imposer des sanctions voulues par la communauté internationale contre Téhéran.
De l'avis de nombreux experts, dont Brian Finlay, la Russie peut jouer un rôle considérable dans la résolution de la crise autour du programme nucléaire iranien. « Moscou peut exercer une pression économique très importante sur la République islamique, explique-t-il. C'est pour cela qu'il est fort probable que le président Obama lie les discussions économiques avec son homologue russe à l'affaire iranienne. »
« La grande question est de savoir l'importance de l'influence de Moscou sur Téhéran », demande de son côté James Goldgeier. « Mais elle semble assez limitée », poursuit-il.
Certains observateurs estiment toutefois que l'affaire du bouclier antimissile devra être réglée d'ici à la fin de l'année. Récemment, le ministre américain de la Défense, Robert Gates, a déclaré que les Russes sont « de plus en plus inquiets par les missiles de longue portée que possèdent les Iraniens ». Selon lui, « cette inquiétude pourrait pousser la Russie à prendre part au projet du bouclier américain », censé être déployé en Pologne et dans la République tchèque.
Poutine, l'incontournable
Ces dernières semaines, les Américains ont multiplié les déclarations encourageantes sur le sommet Obama-Medvedev qu'ils qualifient de « crucial ». Ils estiment que les deux dirigeants - jeunes et fraîchement élus - ont de meilleures chances de parvenir à un accord censé améliorer les relations entre les deux pays que leurs prédécesseurs George W. Bush et Vladimir Poutine. Mais du côté russe, on préfère afficher un optimisme prudent. Lundi dernier, le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov a affirmé que « régler les problèmes affectant les relations avec Washington prendra du temps. Il faut donc limiter les attentes sur les résultats possibles du sommet entre les présidents Obama et Medvedev ».
Quels que soient les résultats des discussions entre Barack Obama et Dmitri Medvedev, le président américain devra également parvenir à convaincre Vladimir Poutine. L'ancien président russe, devenu Premier ministre, conserve toujours une grande influence dans son pays. Barack Obama l'a même affirmé dans une récente entrevue accordée à l'Associated Press. Il explique qu'une des raisons pour lesquelles il va rencontrer le Premier ministre russe à Moscou c'est qu'il veut que M. Poutine sache que « les anciennes approches de la guerre froide » dans les relations avec les États-Unis sont « dépassées ». Il a également dit vouloir construire une relation « d'égal à égal » avec Moscou, ajoutant que les relations russo-américaines « avaient laissé à désirer ces dernières années ».
Selon Lev Gudkov, président du Levada Center, une agence de sondages basée à Moscou, « Poutine et Medvedev ne sont pas près d'abandonner la rhétorique antiaméricaine du temps soviétique qui leur permet de neutraliser le mécontentement de la population russe ». « Le régime de Vladimir Poutine se base largement sur la propagande antioccidentale et antiaméricaine », écrit M. Gudkov dans un article publié par le Washington Post et dans lequel il appelle le président Obama à ne pas ignorer les violations des droits de l'homme en Russie.
« Obama voit en ce sommet la concrétisation du "reset" (nouveau départ) de la relation russo-américaine, mais on dirait que les Russes pensent que "reset" signifie uniquement un changement dans la politique étrangère américaine, estime pour sa part James Goldgeier. Moscou menace ses voisins de coupures de gaz et continue jusqu'à aujourd'hui de violer ses engagements sur la Géorgie. »
« La Géorgie et les questions relatives aux droits de l'homme en Russie doivent être évoquées par Barack Obama à Moscou afin de montrer au monde qu'il n'y a pas uniquement le dossier nucléaire qui compte pour les États-Unis », conclut de son côté Brian Finlay.
Au menu des discussions bilatérales entre le président américain et son homologue russe, Dmitri Medvedev : la réduction des arsenaux nucléaires. Les deux dirigeants devraient signer un accord de coopération militaire pour remplacer le « traité de réduction des armes stratégiques » (Start 1) de 1991. Les deux pays se sont dit prêts à pousser plus loin les concessions faites dans le passé, mais le document cadre n'était pas prêt hier, selon une source diplomatique russe. Les chiffres n'ont pas filtré, mais ils pourraient, d'après les spécialistes, descendre en dessous des 1 700 têtes. Au 1er janvier dernier, la Russie détenait 3 909 têtes nucléaires, les États-Unis 5 576.
« Cet accord pourrait constituer un pas très important vers la non-prolifération nucléaire au niveau mondial. La volonté des deux plus grandes puissances atomiques de réduire leurs arsenaux est un signal qui va certainement freiner les ambitions nucléaires d'autres pays, comme l'Iran et la Corée du Nord », affirme à L'Orient-Le Jour Brian Finlay, directeur de recherche sur la non-prolifération à Henry L. Stimson Center. En effet, Américains et Russes - qui détiennent ensemble plus de 95 % des armes nucléaires mondiales - ont déjà dévoilé leur intention d'élargir leur dialogue sur la réduction des arsenaux atomiques à d'autres pays. « S'il est signé, l'accord russo-américain constituera un succès pour Barack Obama dans le cadre de sa vision pour un monde sans bombe nucléaire », souligne de son côté James Goldgeier, professeur de sciences politiques à George Washington University. « Mais cet accord est loin d'être suffisant. Les deux pays détiendront toujours beaucoup plus d'armes atomiques que nécessaire pour affronter les menaces qui les guettent », ajoute l'expert.
La question afghane
L'autre dossier important dont vont discuter MM. Obama et Medvedev est le transit de matériel militaire américain vers l'Afghanistan via la Russie. Un accord en ce sens devrait également être signé dans les prochains jours. « Si tout va bien, douze cargos américains avec des chargements militaires survoleront la Russie » à destination de l'Afghanistan, affirme le quotidien russe Kommersant, citant des sources de l'OTAN. Barack Obama a fait de la sécurité en Afghanistan une priorité de son début de mandat. La Russie, inquiétée par une contagion de la menace islamiste en Asie centrale, s'est déjà dit prête à accroître sa coopération avec les États-Unis, tout en excluant toute opération militaire en Afghanistan. En mars dernier, Moscou a autorisé le passage via son territoire d'un premier train de matériel non militaire américain pour les troupes de l'OTAN. « Les États-Unis auront un plus grand contrôle sur la frontière afghane et pourront ainsi empêcher le trafic de drogue vers la Russie », a récemment dit James Collins, ancien ambassadeur américain à Moscou.
« Avec les dirigeants russes, le président Obama espère vraiment une relance des relations. Pour cela il va concentrer ses entretiens sur les points communs qui existent entre les deux pays comme la sécurité énergétique, la lutte contre le terrorisme et contre le réchauffement climatique, etc. », explique de son côté Michael McFaul, conseiller à la Maison-Blanche sur les affaires russes.
Bouclier antimissile
Les négociations risquent de se compliquer, en revanche, sur les concessions que veut obtenir en parallèle chacun des deux pays. Pour la Russie, il s'agit clairement d'obtenir l'abandon du projet de bouclier antimissile en Europe, concocté par l'administration George W. Bush. Officiellement destiné à prévenir des attaques iraniennes, il est perçu par Moscou comme une menace directe. D'ailleurs, M. Medvedev a déjà lié la question de la réduction des arsenaux nucléaires à celle du bouclier américain. « Les réductions proposées ne seront possibles que si les États-Unis lèvent nos inquiétudes sur le bouclier », a-t-il déclaré la semaine dernière. Du côté américain, il s'agit de « troquer » une forme de coopération de la Russie sur les dossiers chauds tels que l'Iran et la Corée du Nord, estiment les experts.
« Il est peu probable que le bouclier antimissile affectera l'issue du sommet Obama-Medvedev, estime M. Goldgeier. Cette affaire pourrait cependant affecter le futur des relations russo-américaines. » L'administration américaine n'est pas trop attachée au bouclier, mais pour des raisons de politique intérieure, elle ne peut lâcher trop ostentatoirement le projet soutenu par les républicains. Quant à la Russie, elle n'est pas très enthousiaste à l'idée de s'aligner sur la position américaine vis-à-vis de l'Iran. Jeudi dernier, Moscou a refusé d'imposer des sanctions voulues par la communauté internationale contre Téhéran.
De l'avis de nombreux experts, dont Brian Finlay, la Russie peut jouer un rôle considérable dans la résolution de la crise autour du programme nucléaire iranien. « Moscou peut exercer une pression économique très importante sur la République islamique, explique-t-il. C'est pour cela qu'il est fort probable que le président Obama lie les discussions économiques avec son homologue russe à l'affaire iranienne. »
« La grande question est de savoir l'importance de l'influence de Moscou sur Téhéran », demande de son côté James Goldgeier. « Mais elle semble assez limitée », poursuit-il.
Certains observateurs estiment toutefois que l'affaire du bouclier antimissile devra être réglée d'ici à la fin de l'année. Récemment, le ministre américain de la Défense, Robert Gates, a déclaré que les Russes sont « de plus en plus inquiets par les missiles de longue portée que possèdent les Iraniens ». Selon lui, « cette inquiétude pourrait pousser la Russie à prendre part au projet du bouclier américain », censé être déployé en Pologne et dans la République tchèque.
Poutine, l'incontournable
Ces dernières semaines, les Américains ont multiplié les déclarations encourageantes sur le sommet Obama-Medvedev qu'ils qualifient de « crucial ». Ils estiment que les deux dirigeants - jeunes et fraîchement élus - ont de meilleures chances de parvenir à un accord censé améliorer les relations entre les deux pays que leurs prédécesseurs George W. Bush et Vladimir Poutine. Mais du côté russe, on préfère afficher un optimisme prudent. Lundi dernier, le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov a affirmé que « régler les problèmes affectant les relations avec Washington prendra du temps. Il faut donc limiter les attentes sur les résultats possibles du sommet entre les présidents Obama et Medvedev ».
Quels que soient les résultats des discussions entre Barack Obama et Dmitri Medvedev, le président américain devra également parvenir à convaincre Vladimir Poutine. L'ancien président russe, devenu Premier ministre, conserve toujours une grande influence dans son pays. Barack Obama l'a même affirmé dans une récente entrevue accordée à l'Associated Press. Il explique qu'une des raisons pour lesquelles il va rencontrer le Premier ministre russe à Moscou c'est qu'il veut que M. Poutine sache que « les anciennes approches de la guerre froide » dans les relations avec les États-Unis sont « dépassées ». Il a également dit vouloir construire une relation « d'égal à égal » avec Moscou, ajoutant que les relations russo-américaines « avaient laissé à désirer ces dernières années ».
Selon Lev Gudkov, président du Levada Center, une agence de sondages basée à Moscou, « Poutine et Medvedev ne sont pas près d'abandonner la rhétorique antiaméricaine du temps soviétique qui leur permet de neutraliser le mécontentement de la population russe ». « Le régime de Vladimir Poutine se base largement sur la propagande antioccidentale et antiaméricaine », écrit M. Gudkov dans un article publié par le Washington Post et dans lequel il appelle le président Obama à ne pas ignorer les violations des droits de l'homme en Russie.
« Obama voit en ce sommet la concrétisation du "reset" (nouveau départ) de la relation russo-américaine, mais on dirait que les Russes pensent que "reset" signifie uniquement un changement dans la politique étrangère américaine, estime pour sa part James Goldgeier. Moscou menace ses voisins de coupures de gaz et continue jusqu'à aujourd'hui de violer ses engagements sur la Géorgie. »
« La Géorgie et les questions relatives aux droits de l'homme en Russie doivent être évoquées par Barack Obama à Moscou afin de montrer au monde qu'il n'y a pas uniquement le dossier nucléaire qui compte pour les États-Unis », conclut de son côté Brian Finlay.
Pour son cinquième voyage officiel depuis son élection à la tête des États-Unis, Barack Obama a choisi la Russie. Après sa tournée moyen-orientale, début juin, où le président américain a tenté de redorer l'image de son pays dans le monde arabo-musulman, la visite qu'il entame aujourd'hui à Moscou vise...
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