Les majoritaires en veulent cependant moins aux Syriens qu'à leurs compatriotes du 8 Mars. Ils leur reprochent, bien entendu, de trop rester à l'écoute des sirènes syriennes. Mais également de fausser les règles les plus élémentaires du jeu démocratique. Dans ce sens que les opposants n'ont reconnu leur défaite que du bout des lèvres, pour agir ensuite comme si elle n'avait pas eu lieu. En soutenant avoir, au total, décroché plus de voix que le 14 Mars, sur l'ensemble du pays. Et en reprenant l'antienne du tiers de blocage, certains prosyriens allant même plus loin, en réclamant les 45 % des sièges ministériels, sous prétexte de respect des proportions parlementaires. Les loyalistes conviennent avec leurs adversaires qu'il reste préférable, pour assurer un climat d'entente stabilisateur, de former un cabinet de coalition. Mais ils répètent qu'un véritable partenariat doit être productif, ce qui exclut, tout naturellement, le tiers de blocage paralysant. Les loyalistes rappellent qu'en principe, ils sont autorisés à gouverner seuls et que, dès lors, ils se montrent déjà bons princes en acceptant de coopter des opposants. Donc, que les prosyriens ne doivent pas lancer le bouchon trop loin en posant d'inadmissibles conditions à leur entrée au gouvernement.
Retour à la Syrie. Elle souhaite certes, confirment des sources bien informées, normaliser ses relations avec Saad Hariri et avec Walid Joumblatt, voire avec l'ensemble du 14 Mars, mais c'est pour avoir leur oreille. Et récupérer une partie assez consistante de son ancienne influence sur le pouvoir, sur l'appareil d'État libanais, dont la majorité victorieuse aux élections ne peut quand même pas être écartée. Pour la Syrie, c'était, jadis, diviser pour régner, aujourd'hui, circonstances obligent, c'est s'infiltrer pour dominer.
Mais la manœuvre d'approche s'avère finalement assez maladroite. Parce que les Syriens, au lieu de rassurer les loyalistes libanais, les inquiètent, et les braquent même, en multipliant les conditions sur la composition de l'Exécutif, à travers leurs bons amis du cru. On entend de la sorte beaucoup de majoritaires affirmer que Saad Hariri ne devrait pas se rendre à Damas avant d'avoir formé le gouvernement, même pas pour assister à un sommet syro-saoudien qui offrirait aux Saoudiens l'occasion de le réconcilier avec les Syriens. Une réunion à laquelle le président Michel Sleiman, assisté du président de la Chambre, Nabih Berry, du chef du gouvernement sortant, Fouad Siniora, ainsi que du Premier ministre désigné, Saad Hariri, pourrait participer. Pour tout dire, on en est là : plus la Syrie se démène dans un sens négatif, plus les loyalistes ont tendance à se souvenir qu'ils sont en droit de gouverner seuls. Et s'ils en sont empêchés par un embargo Amal-Hezbollah sur la représentation chiite, ils préfèrent encore laisser en place indéfiniment Siniora plutôt que de céder.