Mais, que va-t-il précisément se passer cette fin de semaine ? Les élections, vous me diriez ? C'est sûr. Événement important, essentiel pour la survie de notre « démocratie » ! Oui mais, nos candidats, toutes listes confondues, semblent se rappeler tout d'un coup des Libanais vivant outre-mer. Ces Libanais, de sang et de souche, refont subitement surface dans la mémoire endormie de nos législateurs, lesquels se refusaient de leur fournir parfois leur droit à la citoyenneté (comme les Libanais d'Afrique du Sud) et rechignaient à leur permettre de voter dans les divers consulats et missions diplomatiques libanaises. Pour passer outre, nos candidats ont organisé des « charters électoraux », ramenant aux urnes, l'espace d'un week-end, un grand nombre de ces Libanais de la diaspora. Leur nombre ne sera connu bien sûr que cette fin de semaine.
Ces Libanais viennent d'un très grand nombre de pays, et certains de pays où la pandémie grippale est bien installée. Il n'est pas exclu que l'un ou quelques-uns de ces citoyens soudain gagnés par la fièvre démocratique ne soient pas également atteints d'une autre fièvre, la grippe par exemple. Le contrôle aéroportuaire risque d'être submergé par le nombre important de ces voyageurs débarquant ces vendredi et samedi. Si nous tenons compte du fait que ces Libanais seront accueillis par leur famille avec force embrassades et accolades, voilà un moyen certain pour assurer au virus A/H1N1 un terrain efficace de maintenir le circuit épidémique. Le lendemain, bien sûr, ces invités électoraux iront faire leur devoir national et se retrouveront dans des espaces fermés et étroits face à face avec un nombre énorme de concitoyens, et là, même sans embrassades, le virus peut également gagner de nouveaux adeptes. Sans tenir compte du fait que passant des mains de la personne infectée, le virus va, dans l'intimité de l'isoloir, passer dans le bulletin de vote et de là à l'urne. Grâce à tous ces contacts, directs et indirects, le virus passera donc d'un électeur à l'autre, empochant facilement une majorité parlementaire.
Ceci ne devrait pas toutefois effrayer nos concitoyens et les empêcher de remplir fermement leur devoir et leur droit démocratique. Ce virus A/H1N1 est heureusement peu virulent et ne semble pas être responsable d'une grosse morbidité. Toujours est-il qu'il serait souhaitable de conseiller à nos concitoyens d'éviter les accolades et autres embrassades et de se laver les mains pour ne pas permettre à ce virus de profiter de notre promiscuité pour devenir, sans être candidat officiel, le gagnant sans conteste de ces élections.
Disons quand même pour lui rendre justice, que ce virus ne restera dans nos nez que de trois à cinq jours, alors que les autres élus resteront sur notre cœur, notre dos et notre conscience pour au moins quatre ans ! Ces élections ramèneront peut-être une majorité place de l'Étoile, mais elles risquent d'envoyer bon nombre de citoyens au lit ! Est-ce pour cela que notre cher ministre de l'Intérieur, ayant prévu ce scénario, a décrété lundi comme journée de congé ? Imaginons les titres des journaux le lendemain de cette journée déterminante : « La fièvre électorale gagne le Liban » ; « Les Libanais agrippés à leur démocratie » ; « Activité fébrile dans les bureaux de vote » ; etc. Sans parler de la « diarrhée verbale de certains candidats ».
Souhaitons quand même que cette journée entre dans notre mémoire non à travers les livres de médecine mais dans les dossiers de l'histoire.
Dr Jacques E. MOKHBAT
Spécialiste en maladies
infectieuses