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Législatives : juin 2009 - Pour aller plus loin

Petit guide à l’usage de l’indécis

La campagne électorale touche à sa fin. Tout ou presque a été dit ces dernières semaines sur la bataille et les dés sont à présent censés en être jetés.
De l'analyse réfléchie à l'envolée lyrique, du débat tranquille à l'attaque sous la ceinture, les arguments de la campagne ont été délivrés sur tous les modes, d'un côté comme de l'autre.
Pourtant, à quarante-huit heures du scrutin, la mobilisation paraît encore incomplète. L'indécision persiste chez un certain nombre d'électeurs. Naturellement, on aura beau chercher, on ne trouvera guère des foules à la fois décidées à voter et ballottant entre 14 et 8 Mars. C'est une catégorie pour ainsi dire absurde, donc inexistante.
En revanche, pour nombre de Libanais, voter ou ne pas voter, that is the question : c'est l'armée des déçus, des désorientés, des fatigués, des désabusés, ou plus simplement des paresseux d'esprit ou des gens apolitiques qui s'illusionnent à croire que dans un pays comme le Liban (et une région comme le Proche-Orient) il leur est possible, en décidant de ne pas s'intéresser à la politique, de faire en sorte que la politique ne s'intéresse pas à eux ; de la repousser loin de la porte de leur chambre à coucher.
À l'intention de tous ceux-là, il ne serait peut-être pas inutile de récapituler quelques-uns des principaux enjeux des élections, mais en y projetant une lumière nouvelle, différente, à la fois plus légère, plus humoristique et plus éclairante. Tant pis pour les conclusions à l'emporte-pièce. À deux jours du scrutin le plus politisé - car de loin le plus important - de toute l'histoire du Liban, l'heure n'est plus à la nuance.
De ce récapitulatif, des électeurs quelque peu hagards ou qui se disent « dégoûtés de tout le monde » pourraient se servir comme d'un guide, non pas pour être conduits en masse vers une destination obligatoire et unique, mais simplement pour que soient balisés devant eux les chemins allant dans toutes les directions :
 1 - Le 14 mars 2005, vous n'étiez pas à la manifestation de la place des Martyrs et vous avez tendance à penser, comme l'a soutenu un pilier de l'opposition, que la révolution du Cèdre est en réalité une « révolution des aubergines ». Dans ce cas, vous ne devriez pas hésiter. Allez dès 7 heures dimanche voter pour la liste du 8 Mars dans votre circonscription, faute de quoi vous risqueriez une indigestion d'aubergines.
2 - Le 14 mars 2005, vous étiez à la manifestation, mais vous estimez que la révolution du Cèdre a, depuis, atteint ses objectifs et qu'il est temps de procéder à un changement de personnes, de politique et de style à la tête du pouvoir. Précipitez-vous alors à votre bureau de vote et accordez votre suffrage aux seuls candidats de l'opposition qui vous paraissent incarner le changement. Vous devriez impérativement ignorer ceux qui, au sein de ce camp, entrent dans la catégorie « SOS revenants ».
3 - Vous étiez à la manif du 14 mars et vous pensez que la révolution du Cèdre n'a pas encore atteint tous ses objectifs. Mais, dans l'intervalle, vous avez été déçus par le comportement des hommes politiques du même camp et, sans être un aouniste pur souche, vous vous êtes laissé aller à franchir la barrière. Dans ce cas, vous avez deux options : soit vous faites votre propre liste panachée, en cochant les noms qui vous paraissent les moins décevants, soit vous prenez un moment pour réfléchir à ce qui pourrait vous décevoir après le 7 juin en cas de victoire de l'opposition.
 4 - Vous êtes entièrement d'accord avec les options du 14 Mars, mais vous avez une allergie prononcée à l'égard des candidats du 14 Mars. Pas de panique. Allez tranquillement dimanche à votre bureau de vote. Munissez-vous du bulletin portant les noms de la liste du 14 Mars dans votre circonscription et, d'un geste sec, déposez-la dans l'urne en détournant le regard ou en vous bouchant le nez.
5 - Les armes du Hezbollah vous terrorisent moins que le libéralisme économique haririen, que vous assimilez à de la corruption. Aucun problème : les listes du 8 Mars sont là pour vous servir Hanoï la pure et dure contre Hong-Kong l'affairiste.
6 - Vous estimez que l'accession de Michel Aoun à la présidence de la République prolongerait la présence des chrétiens au Liban et en Orient. Dans ce cas, votez sans hésitation pour le 14 Mars : c'est la seule façon d'être sûr que dans cinq ans, il sera toujours aussi populaire.
 7 - Vous ne craignez pas pour la santé de la livre libanaise en cas de victoire du 8 Mars : votez 8 Mars.
8 - Vous jugez l'Iran moins « rétrograde » que l'Arabie saoudite : optez pour l'opposition. Vous jugez l'Arabie saoudite moins « agressive » que l'Iran : votez 14 Mars.
9 - Vous pensez qu'Ahmad Jibril dirige une filiale de la Croix-Rouge syrienne au Liban : votez 8 Mars.
10 - Vous êtes un fervent partisan du « Liban message » de Jean-Paul II : votez 14 Mars si vous ne voulez pas que le message parvienne brouillé au monde.
11 - Vous détestez Samir Geagea : votez Michel Aoun. Vous détestez Michel Aoun : votez 14 Mars et/ou centristes. Vous détestez les deux : votez 14 Mars et/ou centristes.
12 - Vous êtes d'accord avec Michel Aoun lorsqu'il affirme qu'une victoire du 14 Mars favoriserait une attaque israélienne contre le Liban, « parce qu'il y aurait des comploteurs au pouvoir » : vite ! Votez 8 Mars. Vous n'êtes pas d'accord : s'il vous plaît, votez 14 Mars.
13 - Vous êtes fatigué de tout et de tous et vous rêvez du 8 juin : dormez d'ici là. Mais, au réveil, point de regrets !
De l'analyse réfléchie à l'envolée lyrique, du débat tranquille à l'attaque sous la ceinture, les arguments de la campagne ont été délivrés sur tous les modes, d'un côté comme de l'autre. Pourtant, à quarante-huit heures du scrutin, la mobilisation paraît encore incomplète. L'indécision...