Ici, deux listes et un candidat indépendant sont en présence. Les deux listes sont formées, la première de Boutros Harb et Antoine Zahra (14 Mars), l'autre de Gebran Bassil et Fayek Younès, ancien président de l'ordre des médecins (8 Mars). Le candidat indépendant est Nabil Hokayem, médecin. Mais « indépendant » n'est pas vraiment le mot, car les positions du Dr Hokayem, beau-frère du PDG de la LBCI, Pierre Daher, sont proches de celles de la majorité. Sa candidature est une démarche de dépit. L'homme s'était retiré de la course parlementaire en 2005, en faveur d'Antoine Zahra (Forces libanaises), sur l'engagement qu'aux prochaines élections, ce dernier se retirerait en sa faveur. Les choses ayant pris une autre tournure, l'homme, qui peut réunir sur son nom entre 1 000 et 2 000 voix, a décidé de rester en course, tout en sachant que sa candidature fragilise celle d'Antoine Zahra. Voilà ce que coûtent les paroles non tenues.
Dans la formation de la liste du 14 Mars, une autre phase délicate a été franchie, quand il a fallu choisir entre Antoine Zahra et Samer Saadé, fils de l'ancien président du parti Kataëb, Georges Saadé. Ce moment de rivalité entre un candidat Kataëb, qui considérait le caza du Batroun comme son fief électoral naturel, et un candidat FL, a pu être tranché, grâce à un artifice : le transfert de la candidature de Samer Saadé vers le siège maronite de Tripoli... convoité par ailleurs par Jean Obeid. Il en reste toutefois un malaise latent. Le second siège maronite du Batroun ira-t-il désormais aux FL ? Cette incertitude est un point faible dans la liste du 14 Mars, dans la mesure où elle a créé un courant de dépit dans les rangs de l'électorat Kataëb.
Comme presque tous les cazas de la chaîne du Mont-Liban, celui du Batroun est subdivisé en trois zones : le littoral, capitale Batroun, la région mitoyenne, capitale Ibrine, et le « jurd », capitale Tannourine. Tous les sondages donnent Boutros Harb comme « imbattable ». La bataille semble donc centrée sur le second siège maronite, et opposera Antoine Zahra à Gebran Bassil, et le gros des efforts sont consacrés, comme dans toutes les régions d'ailleurs, à attirer les indécis, évalués à environ 30 % de l'électorat.
Après un léger passage à vide, la machine électorale du 14 Mars fonctionne à plein rendement, dans le but premier de lutter contre l'abstentionnisme. Affichée au départ, la certitude de la victoire a joué un rôle démobilisateur, contre lequel Boutros Harb et son colistier ont réagi.
La liste du 14 Mars peut en outre compter sur l'appui ferme de Sayed Akl, l'un des notables de la région, qui s'est mobilisé pour faire barrage à Gebran Bassil. Parallèlement, des démarches sont faites pour persuader le Dr Hokayem de ne pas faire, involontairement, le jeu du 8 Mars.
Points forts, points faibles
En ce qui concerne la liste du 8 Mars, l'un de ses atouts, c'est d'avoir été formée assez tôt, lors du processus électoral, et de n'avoir plus été contestée ou ébranlée. L'autre atout est la position ministérielle de Gebran Bassil (Télécommunications), qui lui a permis de mettre en valeur ses talents d'administrateur. Il est crédité d'avoir fait baisser les tarifs de la téléphonie mobile.
Promesse d'emplois et services plus ou moins privés font partie, hélas, du paysage électoral, mais sur ce plan nul n'est vraiment irréprochable.
Paradoxalement, l'un des points faibles de cette liste est le discours que tiennent les ténors du CPL : le dénigrement systématique qui le marque a fini par lasser. Une tournée électorale de Michel Aoun dans le Batroun, il y a quelques jours, semble avoir eu un effet contraire à celui qui était souhaité. Le discours entièrement négatif du chef du CPL, aux yeux duquel personne ne trouve grâce, n'a pas vraiment pris dans le caza où l'électorat continue d'être attaché à des valeurs traditionnelles, qu'elles soient religieuses ou patriotiques. De voir flotter des drapeaux du Hezbollah à Batroun, et notamment sur une église, où il a été installé par pure provocation, a également profondément choqué, semble-t-il.
Des rumeurs folles circulent au sujet des fonds parfois colossaux investis dans ces élections. On le croit volontiers, compte tenu des mille et une manières de détourner la loi sur le plafond des dépenses électorales, et de l'impossibilité de contrôler celles qui ne passent pas par le système bancaire... Une mise en garde a émané de Bkerké, à ce sujet. Mais il n'y a plus sourd que celui qui ne veut pas entendre.