« La société libanaise est beaucoup plus patriarcale qu'on ne le pense », dit Fahima Charafeddine, professeur de sociologie à l'Université libanaise. « Il nous a fallu plus de 50 ans pour être 4,7 % au Parlement et je ne peux m'imaginer combien de temps cela prendra pour obtenir l'égalité », ajoute-t-elle.
Plus d'un demi-siècle après avoir obtenu le droit de vote, les femmes n'occupent actuellement que six sièges sur 128 au Parlement. Et la plupart de ces députées ont hérité leur siège d'un époux ou d'un proche tué.
Au total, 587 candidats se disputeront le scrutin du 7 juin. Parmi eux, figurent seulement 12 femmes, et seul un petit nombre d'entre elles arriveraient à se faire élire. Celles qui sont les proches ou épouses de leaders politiques comme la députée Sethrida Samir Geagea et la ministre de l'Éducation Bahia Hariri, sœur de l'ancien Premier ministre assassiné, Rafic Hariri.
« Les Libanaises ne sont pas du tout représentées de manière équitable », dit la candidate Thérèse Rizkallah, l'une des rares femmes à avoir servi au sein des services de sécurité avec rang de colonel.
Cette mère de deux enfants dit vouloir lutter pour ces femmes qui n'ont pas de soutien politique, particulièrement celles qui continuent d'être marginalisées malgré la liberté dont elles jouissent.
« J'aimerais que personne ne dénigre les femmes dans mon pays. J'ai réussi, toute seule, à avoir rang de colonel, et être candidate est une manière de faire entendre notre voix », ajoute-t-elle.
L'un des visages les plus familiers est celui de Nayla Gebran Tuéni. À 26 ans, la plus jeune des candidates a de fortes chances d'entrer au Parlement. Entourée de photos de son père dans les bureaux d'an-Nahar, elle explique qu'il lui appartient d'encourager les femmes à jouer un rôle actif en politique.
« Les femmes qui ont réussi seules sont rares, et il est vrai que plusieurs d'entre elles - épouses ou filles - entrent au Parlement en habit de deuil », admet-elle. « Mais il est vraiment temps qu'un plus grand nombre de femmes siègent au Parlement », ajoute-t-elle.
Les femmes ont obtenu le droit de vote en 1953, mais ce n'est qu'en 1974 que les femmes mariées ont été autorisées à voyager sans la permission de leur époux et qu'en 1984 qu'elles ont pu ouvrir des commerces sans leur approbation. Elles n'ont toujours pas le droit de donner la nationalité à leurs enfants ou époux.
Dans les pays voisins, pourtant plus conservateurs, les femmes ont connu une ascension politique plus rapide. Au Koweït, où 21 sièges étaient à pourvoir en mai, quatre femmes ont été élues. En Syrie, où les femmes ont un quota de 25 %, 31 siègent au Parlement (250 députés). Et en Irak aussi, un quota de 25 % est réservé aux femmes.
Pour Mme Charafeddine, le Liban a encore un long chemin à parcourir pour dépasser les traditions patriarcales. « Le Liban souffre de schizophrénie », estime cette féministe.
« Il y a une façade de modernité », explique-t-elle, en évoquant la façon de s'habiller des femmes, la liberté de sortir, etc. « Mais elles n'ont pas les mêmes droits que les hommes. En ce sens, la Libanaise est considérée comme une citoyenne de seconde classe. »