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Nos Lecteurs ont la Parole

Satire d’un chemin

Par Jean Georges PRINCE
6h15, le réveil sonne. Douche rapide. Café en s'habillant.
Je quitte la maison à 6h45. Une heure et quart vont me séparer des murs de savoir où l'on m'inculquera les notions de droit nécessaires et moins nécessaires.
Une heure et quart, ce n'est pas peu, c'est même beaucoup...
Je m'engage sur l'autoroute. Première secousse. Première crevasse cachée. Jusqu'à Achrafieh s'en suivront une cinquantaine d'autres. Autant vous dire que très vite, le somnambule qui a pris le volant se transformera en superhéros à la vue perçante qui aperçoit ces trous de golf à plusieurs mètres pour les éviter. Aïe ! Seconde crevasse ! J'ai trop vite parlé...
Pour me changer les idées, je regarde à gauche, puis à droite. Il me suffirait de ne regarder que d'un seul côté car, saison d'élection oblige, de part et d'autre on ne peut voir que les têtes de nos politiciens, sourires béats ou mines de mafieux et leurs slogans... Il y a là de quoi y passer la journée. On nous assène des mots et des images. Tout le monde appelle au vote. Mais les conditions pleuvent de toutes parts. Sur les premiers kilomètres de ma route, je dois être beau pour voter (l'option des lunettes de soleil dernier cri est facultative à mon avis...). Dans les kilomètres suivants, on me demande de préférer la morale au changement. On me dit aussi de voter juste, de ne pas voter faux.
Aïe ! Crevasse ! Une de plus...
Ma rétine ne perçoit plus que deux couleurs. Là où Piaf voyait la vie en rose, moi je la vois en orange et bleu.
Suis-je assez beau pour voter ?
Question existentielle et quotidienne.
Suis-je assez lucide pour pouvoir choisir entre morale ou changement ?
J'allume une cigarette en y pensant.
À mi-chemin, un barrage humain d'ouvriers coupe la route. Six files de voitures en deviendront une au bout de trente minutes d'attente sous le soleil cuisant du Liban. On pose une énième couche d'asphalte sur nos routes, saison d'élection oblige, bien sûr. À mon avis, un géologue, en étudiant le sol et le sous-sol libanais, découvrirait que l'épaisseur d'asphalte qui recouvre ce pays va bientôt égaler l'épaisseur du noyau terrestre. Plus d'asphalte pour plus de voies électorales. Et sur trente minutes d'attente, une seule question : suis-je assez beau pour voter ?
L'université n'est plus qu'à quelques mètres. Un gendarme est adossé au mur recouvert de visages éligibles et siffle à tout va. Une cacophonie de klaxons rythme les croisements. Plus de travaux, mais des feux de signalisation qui fonctionnent au gré des humeurs. Aujourd'hui, l'humeur semble être au rouge.
J'attends au feu... Suis-je assez beau pour voter ?
J'avance enfin, crevasse !
J'arrive esquinté au parking et n'ai qu'une seule envie : rentrer chez moi, me barricader jusqu'au 8 juin.
6h15, le réveil sonne. Je m'assois sur mon lit. On est dimanche et hier j'ai oublié de débrancher ma sonnerie d'alarme.
J'ai fait un cauchemar : je sortais de chez moi.
6h15, le réveil sonne. Douche rapide. Café en s'habillant.Je quitte la maison à 6h45. Une heure et quart vont me séparer des murs de savoir où l'on m'inculquera les notions de droit nécessaires et moins nécessaires.Une heure et quart, ce n'est pas peu, c'est même beaucoup...Je m'engage sur l'autoroute. Première secousse. Première crevasse cachée. Jusqu'à Achrafieh s'en suivront une cinquantaine d'autres. Autant vous dire que très vite, le somnambule qui a pris le volant se transformera en superhéros à la vue perçante qui aperçoit ces trous de golf à plusieurs mètres pour les éviter. Aïe ! Seconde crevasse ! J'ai trop vite parlé...Pour me changer les idées, je regarde...
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