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Culture - Concert

De l’exaltation au spleen, le romantisme au clavier…

Le concert de piano à l'Aula du Kulturzentrum de Jounieh du professeur Klaus Baessler était placé sous le signe du chiffre trois et du romantisme.
Du haut de ses 72 ans, d'une fringante jeunesse devant les touches d'ivoire, l'éminent pianiste a ébloui son auditoire par un jeu à la fois brillant et puissant, marqué par une maturité alliant précision et sens des nuances.
Troisième concert pour son périple libanais et troisième séjour au pays du Cèdre d'un pianiste haut de gamme, qui a choisi trois opus, joyaux du répertoire romantique, pour une incroyable féerie de notes mêlant adroitement exaltation et spleen, déchaînement et accalmie, obstination et rêverie, révolte et soumission, feux d'artifice pour ciel embrasé et lucioles pour nuits de velours, ombre et lumière.
Voilà en toute magnificence sonore toute la palette des états d'âme romantiques et de tout ce que le jour et la nuit nous disent...
Cheveux blancs comme neige coupés court, frac et ceinture en soie noirs, chemise et nœud papillon blancs, Klaus Baessler attaque avec fougue et impétuosité la Sonate en ré majeur op 10 n°3 de Ludwig Van Beethoven. Mais sans jamais perdre de vue le sens de la mesure et de la retenue, s'arrêtant net après des cavalcades d'accords démentiels pour retrouver, en un éclair, la paix d'une expression au souffle régulier...
Quatre mouvements (presto, largo e mesto, menuetto et rondo) pour traduire, dans une œuvre dédiée initialement à Haydn, toutes les turbulences, tous les remous intérieurs, tous les élans, les espoirs et désespoirs, tous les échos des déceptions, des joies et de la douleur du maître de Bonn.
Narration fougueuse aux cadences survoltées, électrisées, aux phrases mordantes, tranchantes comme de l'acier alternant avec des moments d'une douceur veloutée aux caresses d'anges.
Plages (et pages!) lumineuses où sérénité et chaos, pénombre et lumière, orage et éclaircie voisinent dans une surprenante harmonie que le pianiste capte dans un rythme et une vibration qui ne laissent pas de place aux emportements inutiles. Un lyrisme d'une maîtrise absolue domine ces lignes frémissantes...
Pour prendre le relais, le clair-obscur de Frantz Schubert avec la Sonate en la majeur op 120. Trois mouvements (allegro moderato, andante et allegro) pour donner voix à celui qui animait avec entrain et jovialité les « schubertiades »...Un entrain et une jovialité qui cachent quand même mal une certaine tristesse, une mélancolie, un certain désarroi de vivre.
Et à travers ces pages d'une grande beauté sonore, l'on perçoit toutes les incertitudes, tous les doutes, tous les revirements d'un musicien qui savait parfaitement passer, dans sa musique, tous les messages d'une profonde fraternité humaine...Une musique qui interpelle, ne laisse jamais indifférent. Une musique toujours à l'écoute de l'auditeur et qui lui souffle aux oreilles les impalpables secrets des vents et les troubles de l'errance
humaine...
Entre une mélodie gracieuse (on n'est pas pour rien le père des lieder) et une teinte de romantisme rongée par de fiévreux chromatismes ou des arpèges tout en transparence, la phrase « schubertienne » se fraye facilement un chemin jusqu'au cœur de l'auditeur. Voilà un Schubert souvent heureux et serein, sincère et juste, sans tons compassés ou traits vertigineux.
Après un bref entracte place au troisième ténor du romantisme et l'on nomme, bien sûr, Robert Schumann qu'on écoute ici dans la volcanique Fantaisie en do majeur op 17.
Un opus, expression des tensions internes du compositeur de la Symphonie rhénane, dédié à Liszt, mais véritable chant d'amour à sa femme Clara. Un opus mêlant fébrilement passion et poésie (comment en serait-il autrement avec celui qui lit Jean-Paul Richter, Novalis et Heine), mais aussi véritable miroir des multiples reflets d'un Schumann tourmenté par ses pulsions d'amour et de gloire, et comme guetté déjà par la folie...
Début par quelques petites mesures avec la main gauche...Une œuvre aux notes certes par moments bleues, mais des notes aussi marquées par le « fantastique » nervalien avec des emballements irrépressibles et des envolées d'un lyrisme intense et échevelé.
C'est avec maîtrise que le pianiste Klaus Baessler, malgré l'âge vénérable, restitue cette partition aux contours secrets et mystérieux. Il distille avec une sobre virtuosité son talent d'interprète devant un auditoire, hélas, bien
maigre.
Un moment exceptionnel, de la part d'un ami du Liban et d'un grand amoureux de la musique, pour tous ceux qui aiment le piano.
Du haut de ses 72 ans, d'une fringante jeunesse devant les touches d'ivoire, l'éminent pianiste a ébloui son auditoire par un jeu à la fois brillant et puissant, marqué par une maturité alliant précision et sens des nuances.Troisième concert pour son périple libanais et troisième séjour au pays du Cèdre d'un pianiste haut de gamme, qui a choisi trois opus, joyaux du répertoire romantique, pour une incroyable féerie de notes mêlant adroitement exaltation et spleen, déchaînement et accalmie, obstination et rêverie, révolte et soumission, feux d'artifice pour ciel embrasé et lucioles pour nuits de velours, ombre et lumière.Voilà en toute magnificence sonore toute la palette des états...
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