Pourquoi pense-t-elle que le projet de loi envoyé par le ministère de l'Intérieur comportait-il cette exclusion des Palestiniens ? « Je ne veux parler pour personne, mais je crois que le ministre Baroud, qui est un grand militant pour cette cause, a préparé deux projets de lois et qu'il a estimé que celui-ci serait plus facile à faire adopter, souligne Karima Chebbo. Mais le second projet de loi, qui ne comporte aucune exclusion, est prêt à être présenté, selon nos informations. » Pense-t-elle qu'il pourrait encore être adopté avant que ce gouvernement ne démissionne ? « Il y a toujours une possibilité », répond-elle.
Quoi qu'il en soit, les événements d'hier montrent que la campagne pour donner à la Libanaise le droit d'octroyer sa nationalité à sa famille a franchi bien des étapes. Mais la loi n'est pas encore une réalité, alors que les souffrances, elles, sont bien réelles. Des dizaines de femmes, certaines venues avec leurs enfants, ont manifesté une nouvelle fois hier pour protester contre cet état de fait devant le Grand Sérail. Et, comme à chaque fois qu'on discute avec elles, il y a de nouveaux aspects du problème qui émergent. Comme cette femme dont les enfants ne voient leur père tunisien qu'une fois par an parce qu'il n'a pas la possibilité de travailler au Liban. Ou cette jeune fille, de père palestinien et de mère libanaise, dont les frères émigrent l'un après l'autre en désespoir de cause, mais qui a toujours l'espoir de rester dans le pays qu'elle a toujours connu. Ou encore cette mère qui ne peut léguer sa pharmacie à sa fille diplômée parce que celle-ci, étant étrangère, n'est pas admise au syndicat. « Cet État, s'il ne se soucie pas de nous, est-il indifférent à l'émigration des jeunes éduqués ? » s'écrie-t-elle.
Et d'autres problèmes défilent : la mère qui redoute le moment où ses fils devront faire leur service militaire en Syrie parce qu'ils n'ont pas la nationalité libanaise, celle qui n'arrive pas à marier sa fille parce qu'elle ne peut se procurer ses papiers facilement, celles qui passent des heures pour renouveler les papiers de leurs enfants comme s'il s'agissait de travailleurs étrangers, etc. « La Libanaise a le droit de donner la vie, mais pas sa nationalité », lisait-on sur une banderole.
Que pensent-elles d'une éventuelle exclusion des Palestiniens ? « Cette loi doit assurer l'égalité entre toutes les femmes, quelle que soit la nationalité du mari », affirment les manifestantes d'une seule voix. « Mon frère est marié à une Palestinienne, elle a obtenu la nationalité en un an et demi, quelle différence ? s'exclame une femme. Ce problème doit être vu sous le seul angle du droit de la femme. Qu'ils nous épargnent leurs querelles politiques, elles n'ont rien à voir avec nos vies. »
Rappelons que selon une étude effectuée par le CRTDA et à laquelle avait pris part M. Baroud, les Libanaises mariées à des Palestiniens ne constituent qu'à peine 1 % du total de femmes mariées à des étrangers.