« Paul est-il le vrai fondateur du christianisme ? » Certains chercheurs musulmans contemporains, reprenant des thèses défendues par des chrétiens libéraux du XIXe siècle, attribuent à saint Paul tous les dogmes essentiels de la religion chrétienne. À l'heure où les initiatives du Vatican suscitent beaucoup d'attentes en ce qui concerne les relations entre l'islam et le catholicisme, la première conférence du P. Samir Khalil Samir a permis de faire le point sur ces questions essentielles.
Après avoir rapidement parlé rapidement du rôle occupé par saint Paul dans la tradition chrétienne et passé en revue les différentes positions du judaïsme à ce sujet, le conférencier s'est étendu sur le point de vue musulman. Son discours a couvert d'abord les œuvres des historiens musulmans - Yaaqoubi, al-Maqdissi, Massoudi - qui, somme toute, présentèrent Paul d'une manière assez objective.
Théologiens et historiens
Le P. Samir Khalil a ensuite rendu compte d'une manière plus élaborée de la polémique musulmane médiévale. Les théologiens musulmans de cette période n'étaient pas aussi objectifs et neutres que leurs prédécesseurs historiens. Ils voulaient, coûte que coûte, démontrer que Paul était l'ennemi des vrais chrétiens et qu'il avait déformé le message évangélique. Le meilleur exemple de ces théologiens était le qadi mu'tazilite Abdel-Jabbâr, auteur de la Critique des origines chrétiennes, composé en 995, dont le conférencier a publié une l'édition critique. Selon Abdel-Jabbâr, Paul serait celui qui a transformé le message unitaire du christianisme en un message trinitaire en faisant usage d'une grande habileté intellectuelle pour tromper les Apôtres et les chrétiens venus du paganisme, en leur présentant une forme de paganisme plus élaborée, un polythéisme raffiné pour ainsi dire, et en leur faisant croire que tel était le message du Christ.
Le P. Samir a enfin exposé le point de vue - polémique - des musulmans contemporains sur Paul, un point de vue largement diffusé, comme en témoigne le volumineux ouvrage du Dr Ahmad Zaki (900 pages !), publié récemment en Égypte (1998), intitulé : Ôtez le masque de Paul du visage du Christ !. Pour Zaki, la Trinité, la divinité du Christ, l'Esprit-Saint, le péché originel, la crucifixion du Christ et la rédemption qui en découle, etc., sont autant d'inventions de Paul.
S'approprier le Christ
Le P. Samir mentionne ensuite d'autres aspects de cette même polémique, et cite d'autres auteurs orientalistes et musulmans, comme le prince Talal de Jordanie et Hamza Boubakeur. Ce dernier dit :
« C'est donc seulement après une transformation interne de la doctrine chrétienne que les Évangiles, qui normalement auraient dû la précéder, ont pu être composés. (...) Cette métamorphose du christianisme originel, qui marque une indéniable dogmatique, s'est réalisée grâce aux écrits et au prosélytisme de saint Paul. (...) Une telle élaboration essentiellement humaine, qui sert de préfiguration à un texte réputé essentiellement divin et établi a posteriori, apparaît à l'analyse plus soucieuse de conformisme aux conceptions pauliniennes que d'authenticité et de fidélité à l'original. Aussi est-elle considérée par les docteurs de l'islam comme une "déraisonnable altération" qui ne correspond historiquement et dogmatiquement ni au message de Dieu, ni à l'enseignement de Jésus, ni au rituel observé par celui-ci. »
Et le P. Samir Khalil de conclure : « Il est étonnant de constater que juifs et musulmans veulent s'approprier le Christ, soit pour en faire un vrai juif réformateur, soit pour en faire un bon musulman venu préparer la voie au "sceau des prophètes", Mohammad. Le Coran et les musulmans sont frappés par la figure noble du Jésus des Évangiles et témoignent d'une admiration pour Lui et pour Marie Sa mère. Eux et les juifs reconnaissent en lui ce qui est conforme à leur doctrine. En revanche, tout ce qui dépasse les vues humaines et fait précisément l'originalité de la foi chrétienne est rejeté et attribué à Paul. Il aurait inventé la résurrection de Jésus, Sa divinité et la Trinité, la Rédemption universelle, la médiation unique du Christ entre Dieu et les hommes, les sacrements. Bref, saint Paul aurait créé la doctrine chrétienne et l'Église : une nouvelle religion que le vrai Jésus, juif ou musulman, n'aurait ni fondée ni voulue. »
En conséquence, les chrétiens ne sont pas les vrais disciples du Christ, mais les disciples de Paul de Tarse qui doit être reconnu comme « le vrai fondateur du christianisme ». Propos que l'on retrouve chez les libéraux occidentaux du XIXe siècle, qui feignent d'oublier que tous les fondateurs ont jeté des bases qu'ils ont laissé à leurs successeurs le soin de développer. Curieux destin de Paul, lui qui ne voulait rien savoir d'autre, parmi les Corinthiens, « que Jésus-Christ, et Jésus-Christ crucifié » (1 Corinthiens 2 :2). Finalement, qu'il s'agisse de Paul, des juifs, des musulmans ou des chrétiens, le Christ est le visage recherché par beaucoup. « N'était-ce pas cela le but de Paul ? s'interroge Samir Khalil. Mais combien le reconnaîtront-ils sous les traits de l'Homme de douleur ... ressuscité et toujours vivant ? »
La prochaine conférence du « Mois de l'Orient chrétien » portera sur la « Mystique paulinienne dans la spiritualité syriaque ». Elle sera donnée par le P. Samil Daccache, doyen de la faculté des sciences religieuses de l'USJ, mercredi 27 mai à 19 heures, dans l'amphithéâtre de la Bibliothèque orientale (près théâtre Monnot). La conférence sera suivie de la présentation du dernier ouvrage du P. Héchaimé, paru aux éditions du Cedrac : Louis Cheikho : les savants arabes chrétiens en islam (622-1300).
Après avoir rapidement parlé rapidement du rôle occupé par saint Paul dans la tradition chrétienne et passé en revue les différentes positions du judaïsme à ce sujet, le conférencier s'est étendu sur le point de vue musulman. Son discours a couvert d'abord les œuvres des historiens musulmans - Yaaqoubi, al-Maqdissi, Massoudi - qui, somme toute, présentèrent Paul d'une manière assez objective.
Théologiens et historiens
Le P. Samir Khalil a ensuite rendu compte d'une manière plus élaborée de la polémique musulmane médiévale. Les théologiens musulmans de cette période n'étaient pas aussi objectifs et neutres que leurs prédécesseurs historiens. Ils voulaient, coûte que coûte, démontrer que Paul était l'ennemi des vrais chrétiens et qu'il avait déformé le message évangélique. Le meilleur exemple de ces théologiens était le qadi mu'tazilite Abdel-Jabbâr, auteur de la Critique des origines chrétiennes, composé en 995, dont le conférencier a publié une l'édition critique. Selon Abdel-Jabbâr, Paul serait celui qui a transformé le message unitaire du christianisme en un message trinitaire en faisant usage d'une grande habileté intellectuelle pour tromper les Apôtres et les chrétiens venus du paganisme, en leur présentant une forme de paganisme plus élaborée, un polythéisme raffiné pour ainsi dire, et en leur faisant croire que tel était le message du Christ.
Le P. Samir a enfin exposé le point de vue - polémique - des musulmans contemporains sur Paul, un point de vue largement diffusé, comme en témoigne le volumineux ouvrage du Dr Ahmad Zaki (900 pages !), publié récemment en Égypte (1998), intitulé : Ôtez le masque de Paul du visage du Christ !. Pour Zaki, la Trinité, la divinité du Christ, l'Esprit-Saint, le péché originel, la crucifixion du Christ et la rédemption qui en découle, etc., sont autant d'inventions de Paul.
S'approprier le Christ
Le P. Samir mentionne ensuite d'autres aspects de cette même polémique, et cite d'autres auteurs orientalistes et musulmans, comme le prince Talal de Jordanie et Hamza Boubakeur. Ce dernier dit :
« C'est donc seulement après une transformation interne de la doctrine chrétienne que les Évangiles, qui normalement auraient dû la précéder, ont pu être composés. (...) Cette métamorphose du christianisme originel, qui marque une indéniable dogmatique, s'est réalisée grâce aux écrits et au prosélytisme de saint Paul. (...) Une telle élaboration essentiellement humaine, qui sert de préfiguration à un texte réputé essentiellement divin et établi a posteriori, apparaît à l'analyse plus soucieuse de conformisme aux conceptions pauliniennes que d'authenticité et de fidélité à l'original. Aussi est-elle considérée par les docteurs de l'islam comme une "déraisonnable altération" qui ne correspond historiquement et dogmatiquement ni au message de Dieu, ni à l'enseignement de Jésus, ni au rituel observé par celui-ci. »
Et le P. Samir Khalil de conclure : « Il est étonnant de constater que juifs et musulmans veulent s'approprier le Christ, soit pour en faire un vrai juif réformateur, soit pour en faire un bon musulman venu préparer la voie au "sceau des prophètes", Mohammad. Le Coran et les musulmans sont frappés par la figure noble du Jésus des Évangiles et témoignent d'une admiration pour Lui et pour Marie Sa mère. Eux et les juifs reconnaissent en lui ce qui est conforme à leur doctrine. En revanche, tout ce qui dépasse les vues humaines et fait précisément l'originalité de la foi chrétienne est rejeté et attribué à Paul. Il aurait inventé la résurrection de Jésus, Sa divinité et la Trinité, la Rédemption universelle, la médiation unique du Christ entre Dieu et les hommes, les sacrements. Bref, saint Paul aurait créé la doctrine chrétienne et l'Église : une nouvelle religion que le vrai Jésus, juif ou musulman, n'aurait ni fondée ni voulue. »
En conséquence, les chrétiens ne sont pas les vrais disciples du Christ, mais les disciples de Paul de Tarse qui doit être reconnu comme « le vrai fondateur du christianisme ». Propos que l'on retrouve chez les libéraux occidentaux du XIXe siècle, qui feignent d'oublier que tous les fondateurs ont jeté des bases qu'ils ont laissé à leurs successeurs le soin de développer. Curieux destin de Paul, lui qui ne voulait rien savoir d'autre, parmi les Corinthiens, « que Jésus-Christ, et Jésus-Christ crucifié » (1 Corinthiens 2 :2). Finalement, qu'il s'agisse de Paul, des juifs, des musulmans ou des chrétiens, le Christ est le visage recherché par beaucoup. « N'était-ce pas cela le but de Paul ? s'interroge Samir Khalil. Mais combien le reconnaîtront-ils sous les traits de l'Homme de douleur ... ressuscité et toujours vivant ? »
La prochaine conférence du « Mois de l'Orient chrétien » portera sur la « Mystique paulinienne dans la spiritualité syriaque ». Elle sera donnée par le P. Samil Daccache, doyen de la faculté des sciences religieuses de l'USJ, mercredi 27 mai à 19 heures, dans l'amphithéâtre de la Bibliothèque orientale (près théâtre Monnot). La conférence sera suivie de la présentation du dernier ouvrage du P. Héchaimé, paru aux éditions du Cedrac : Louis Cheikho : les savants arabes chrétiens en islam (622-1300).
« Paul est-il le vrai fondateur du christianisme ? » Certains chercheurs musulmans contemporains, reprenant des thèses défendues par des chrétiens libéraux du XIXe siècle, attribuent à saint Paul tous les dogmes essentiels de la religion chrétienne. À l'heure où les initiatives du Vatican suscitent beaucoup d'attentes en ce qui concerne les relations entre l'islam et le catholicisme, la première conférence du P. Samir Khalil Samir a permis de faire le point sur ces questions essentielles.Après avoir rapidement parlé rapidement du rôle occupé par saint Paul dans la tradition chrétienne et passé en revue les différentes positions du judaïsme à ce sujet, le conférencier...