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Liban - Citoyen grognon

Les dédales de l’administration

Vous habitez la région du Mont-Liban et vous avez égaré le permis de travail de votre employée de maison ou un autre papier important ? Rendez-vous au Palais de justice de Baabda, spécimen de l'administration libanaise, où désordre ambiant, saleté et mauvaise volonté des fonctionnaires font bon ménage. Où absolument rien n'est entrepris pour faciliter les formalités du contribuable. Bien au contraire.
À l'entrée, une soldate vous indique la direction à prendre pour atteindre le parquet, après avoir fouillé votre sac à main. Mais au guichet dudit parquet, personne d'autre que des gens qui attendent. Un cafetier posté là, affublé de son attirail, vous demande avec arrogance ce que vous voulez faire. « Rien, merci », répondez-vous, habituée à vous débrouiller seule. Mais il n'est pas homme à se laisser démonter. « Moi seul peux vous aider », insiste-t-il, devant votre réticence, vous proposant par la même occasion de lui acheter un café. Il vous annonce alors que vous devez d'abord remplir une demande et vous emmène illico à travers des dédales, vers une arrière-cour donnant sur la rue. « C'est là », dit-il, vous indiquant un homme âgé posté dans une baraque, occupé à effectuer une opération de change. Juste à côté, dans une autre baraque, une femme attend visiblement que quelqu'un se présente. Vous la sollicitez, mais elle remarque que vous êtes venue avec le cafetier, vous devez donc aller chez l'homme d'à côté. Vous insistez. N'est-ce pas la moindre des choses, dans une administration publique, qu'on vous facilite la tâche ?
La femme finit par s'occuper de vous, alors que le vieil homme d'à côté, toujours affairé, montre sa désapprobation. Mais vous n'en avez cure. Vous exposez votre problème. Vous apprenez que si vous-même avez perdu le permis de travail, vous devez juste payer 15 000 LL alors que si c'est votre employée étrangère qui l'a égaré, elle devra payer 45 000 LL. Aberration puisque, de toute façon, c'est vous qui payez. La femme dicte au téléphone à une secrétaire les détails de la formalité. Une dizaine de minutes plus tard, c'est de la rue qu'arrive votre déclaration avec, en prime, une erreur monumentale que vous découvrez, car votre interlocutrice n'a même pas pris la peine de lire le papier. Elle vous ordonne alors de suivre le cafetier qui ne vous lâche toujours pas d'une semelle. Elle vous demande aussi de revenir après avoir terminé votre formalité pour une photocopie.
Vous vous retrouvez devant le guichet de tout à l'heure, toujours fermé. Le fonctionnaire arrive enfin, pris d'assaut par des citoyens piaffant d'impatience. Vous devez jouer des coudes pour parvenir à lui glisser votre formalité sur laquelle il griffonne quelque chose, avant de vous envoyer chez le juge Untel. Débarrassée de votre cafetier qui a fini par trouver une poire plus juteuse, vous arrivez devant une porte gardée par un cerbère. Un agent de l'ordre prend votre papier et disparaît derrière la porte. Au bout de deux minutes, il en ressort, et sans même vous lancer un regard, hurle votre nom. « Je suis seule devant vous, pourquoi crier ? » demandez-vous, interloquée. Votre agent semble avoir pris la mouche. Car lorsque vous lui demandez ce que vous devez faire du papier qu'il vous tend, il répond sèchement sans vous regarder : « Je ne sais pas. » Vous recommencez : « Où dois-je aller maintenant ? » « Je ne sais pas », reprend-il, détournant carrément la tête.
Vous ne pouvez vous empêcher de lui adresser, ainsi qu'à son administration et à son État, vos plus sincères félicitations pour cet accueil chaleureux. Vous n'avez d'autre recours que le guichetier qui vous intime, d'un air ennuyé, de lire ce qui est inscrit à la main sur le papier, ces pattes de mouche quasiment illisibles. Il finit, devant votre mine allongée, par vous livrer la recette magique : « Allez, munie de ce papier, à la gendarmerie de votre région d'habitation. »
À la bonne heure !
Vous habitez la région du Mont-Liban et vous avez égaré le permis de travail de votre employée de maison ou un autre papier important ? Rendez-vous au Palais de justice de Baabda, spécimen de l'administration libanaise, où désordre ambiant, saleté et mauvaise volonté des fonctionnaires font bon ménage. Où absolument rien n'est entrepris pour faciliter les formalités du contribuable. Bien au contraire.À l'entrée, une soldate vous indique la direction à prendre pour atteindre le parquet, après avoir fouillé votre sac à main. Mais au guichet dudit parquet, personne d'autre que des gens qui attendent. Un cafetier posté là, affublé de son attirail, vous demande avec arrogance ce que vous voulez...
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