Il a d'abord souligné les dérives ayant accompagné l'opération de lancement de la téléphonie mobile au Liban en 1994, date à laquelle le gouvernement libanais avait confié à deux opérateurs, LibanCell et FTML, la construction et la gestion du réseau local. « L'accord initial conclu entre l'État et ces deux compagnies prévoyait un partage des profits, en vertu duquel la part allouée à l'État s'élevait à 20 % au cours des cinq premières années, 30 % au cours des trois années suivantes, et 40 % au cours des neuvième et dixième années (...). Trois mois plus tard, l'accord a toutefois été amendé de sorte à ce que le taux de 20 % soit appliqué aux huit premières années », a déploré Bassil, estimant le manque à gagner dû à cette révision à la baisse de la part allouée à l'État à près de 138 millions de dollars. En outre, le ministre a évoqué les divers écarts commis par les deux opérateurs sous l'œil approbateur des autorités durant la période d'installation du réseau, faisant ainsi indirectement allusion à l'existence d'une certaine complicité entre les deux parties. « À l'époque, les deux compagnies avaient imposé, pour l'achat de chaque ligne mobile, un montant de 500 dollars, afin qu'elles puissent financer la construction du réseau sans avoir recours à leurs propres fonds, alors qu'elles étaient tenues, selon l'accord, de subvenir elles-mêmes au financement du projet. Il s'agit ainsi de plusieurs dizaines de millions de dollars, appartenant au peuple libanais, qui ont été délibérément encaissés par les deux sociétés », a déploré Bassil. « Pis encore, seulement 20 % de ces sommes collectées ont été versées à l'État, tandis que les recettes provenant de la taxe municipale, qui s'élève à 10 %, n'ont pas été payées », a-t-il ajouté. Selon lui, les pertes encourues par l'État en raison de ces écarts, auxquels s'ajoutent de nombreuses violations commises durant les années de gestion du réseau (dont la réduction des recettes du Trésor uniquement au service Air Time et l'exclusion des revenus provenant d'autres services, tels que celui du roaming), sont estimées à près de 90 millions de dollars.
Rupture des contrats
Le plus grand scandale réside toutefois au niveau de la décision prise par le gouvernement en 2001 de rompre les contrats de gestion avec les deux opérateurs, « à l'heure où la part des recettes perçues par l'État était sur le point d'augmenter de 20 % à 40 % », a-t-il souligné. Selon le ministre Bassil, cette décision a non seulement empêché l'État de doubler ses recettes provenant de la téléphonie mobile, mais a également occasionné une perte directe de près de 450 millions de dollars. « La nonchalance avec laquelle cette affaire avait été gérée, notamment au niveau du suivi juridique après le recours par les deux compagnies à l'arbitrage, a largement contribué à ces pertes abyssales », a invoqué Bassil, dévoilant à cet égard l'existence de certains avocats, parmi ceux choisis pour défendre l'État, travaillant pour le compte du bureau chargé à l'époque de représenter les deux opérateurs auprès des tribunaux.
Tout en faisant assumer aux gouvernements passés ainsi qu'aux anciens ministres des Télécoms la responsabilité de toutes les dérives et de leurs conséquences sur le plan financier, le ministre s'est refusé à accuser explicitement un responsable quelconque. « D'ailleurs, nous n'avons précisé aucun nom dans le rapport que nous avons déposé auprès du parquet général. » Pour lui, les coupables peuvent être aussi bien des adversaires politiques que des alliés. « Quand il s'agit de dilapidation d'argent public, nous ne faisons aucune distinction entre les deux », a-t-il asséné, souhaitant que les autorités judiciaires concernées se saisissent du dossier dans les plus brefs délais et puissent accomplir entièrement leur tâche loin des pressions politiques.
Le ministre a enfin souligné avoir récemment refusé de signer une décision exemptant les deux compagnies du versement d'environ 50 millions de dollars à l'État. « Ce montant correspond en effet aux taxes et frais déductibles de la somme totale remboursée par le gouvernement après la rupture des contrats. Non seulement ce montant n'avait pas été retranché à l'époque, mais encore plus la tendance était à son abolition, ce qui aurait représenté des pertes supplémentaires pour le Trésor », a-t-il conclu.