En costumes sombres, chemises blanches et cravates claires, les deux jeunes interprètes, fine fleur de la génération montante de musiciens performants, ont interprété avec sentiment, netteté et brio (même si le violon abuse des glissandos) des pages de Brahms, Tchaïkovsky et de Falla.
Menu compact et concis, conciliant subtilement vivacité, trémolo et cadences des cordes pincées et frappées, mais aussi lyrisme romantique aux effusions indomptables et embrasées.
En ouverture, la Sonate pour violon et piano n°3 op 108 en ré mineur de Johan Brahms. Quatre mouvements (allegro, adagio, un poco presto e con sentimento et presto agitato) pour traduire l'univers d'un musicien qui a réuni autour de son inspiration lumière, douceur, poésie, mais aussi vifs éclats d'un ténébreux romantisme.
Si le violon et le clavier se partagent équitablement les faveurs de l'auditeur, il n'en reste pas moins que chacun des deux instruments a sa part de vedettariat, d'éloquence, de véhémence et de discrétion...
Un chant suave pour des mélodies impalpables, surtout pour cet adagio d'une incroyable transparence tout en accordant au violon un petit plus dans un lyrisme tout en nuances. Sans oublier la part de radieuse beauté que Brahms accorde au clavier, lui qui a signé initialement, en quatre cahiers, les superbes Danses hongroises destinées d'abord au piano à quatre mains, mais orchestrées par la suite...
Pour prendre la relève, La Sérénade mélancolique op 26 de Tchaïkovsky, le plus surprenant et cosmopolite des compositeurs russes. Opus teinté des tristesses et des froids des brumes du Nord pour une humeur languide et frileuse, où le violon a des accents qui confinent au grand désarroi de vivre...
Longues coulées de notes aux couleurs incendiées, d'une sensibilité d'écorché vif, pour révéler les tourmentes secrètes du compositeur de La Symphonie pathétique. Dans une grande richesse de palette sonore, le violon était à la fois roucoulade et larmes retenues qui s'accrochent aux bords des cils...
Sortie des ornières des introspections à spleen russe, voilà la vibrionnante et enflammée Danse espagnole (tirée de La Vida breve) de Manuel de Falla, transcrite par le plus virtuose des violonistes, F. Kreisler.
Pure magie du violon sur fond de cadences du clavier mordant âprement les touches d'ivoire. Esprit ibérique par excellence pour cette œuvre habitée par un feu dévorant, où intense dynamisme et sensualité du folklore andalou font des étincelles.
Un archet littéralement survolté pour subjuguer un auditeur pris dans un infernal engrenage d'irrépressibles
emballements.
Sous le feu nourri des applaudissements, les deux jeunes musiciens ont offert en bis à l'auditoire deux œuvres de Claude Chalhoub : Étude-caprice, marquée par une brillante célérité, et Child's Memory, enrobée d'une délicate douceur rêveuse.
Deux opus différemment attachants, qui révèlent le talent de compositeur du violoniste qu'on aimerait écouter un jour dans un concert totalement dédié à son inspiration...