Une candidate à un poste chez Deutsche Telekom ayant « la réputation d'être une partenaire sexuelle très expérimentée et inventive », qui « préfère les hommes plus âgés » et « est connue dans son entourage comme une bête sauvage à l'appétit sexuel hors du commun ».
Ces extraits sont tirés d'un rapport concernant la responsable d'une entreprise de télécoms en Croatie qui était pressentie pour intégrer la filiale locale du groupe allemand, rapporte mercredi le quotidien Handesblatt.
Il a été rédigé par une cellule chargée de la sécurité chez le géant des télécommunications Deutsche Telekom, qui a été dissoute en 2007.
« Nous nous distançons clairement de telles pratiques », a déclaré un porte-parole du groupe à l'AFP, expliquant que Telekom « ne mène en général aucune analyse concernant la vie privée des candidats » à des postes.
Toutefois, cette cellule avait proposé fin 2004 au service du personnel d'établir le profil de ces candidats, avec moult détails sur leur vie privée, idée qui a été immédiatement rejetée, a indiqué le porte-parole.
Le cas cité par le Handesblatt pourrait être l'exemple qui avait alors été soumis au service du personnel.
Plus inquiétant encore, les services secrets allemands auraient également fourni des informations à Telekom, selon le journal.
Pour le syndicat des services Verdi, ces pratiques sont « complètement scandaleuses », déclare un de ses représentants, Jan Jurczyk, à l'AFP. Pour autant, « il semble qu'il s'agirait des agissements sauvages de certains membres de la cellule de sécurité, plus que d'une commande de la direction ».
Cette affaire n'est pas la première en Allemagne. Telekom se débat depuis un an dans des scandales d'espionnage, qui ont commencé par une affaire d'écoutes téléphoniques de membres de son conseil de surveillance. Au fur et à mesure que l'enquête de la justice progresse, d'autres affaires vieilles de quelques années remontent à la surface.
Autre entreprise touchée, la compagnie publique des chemins de fer Deutsche Bahn, qui a surveillé pendant des années ses salariés pour traquer d'éventuels actes de corruption. Résultat, son patron Hartmut Mehdorn a dû démissionner récemment. Airbus Allemagne a fait de même entre 2005 et 2007.
Même les syndicats sont mouillés. Deutsche Bahn a ainsi espionné des salariés pour le compte de l'un de ses deux gros syndicats, Transnet. Celui-ci a reconnu avoir fait vérifier dans les années 90 si ses adhérents payaient leurs cotisations à hauteur de leur salaire.
Le secteur de la distribution à bas coûts, réputé pour ses méthodes peu tendres avec ses salariés, n'est pas en reste : le discounter Lidl et le groupe de textile à bas coûts Kik ont reconnu avoir récolté des données sur la santé ou l'état des finances de leurs employés.
Pour Peter Wedde, professeur à l'université de Francfort (Ouest), « on peut penser que ces cellules de sécurité mises en place au sein d'entreprises ont commencé à vivre leur vie propre » et échappaient à tout contrôle, ce qui explique ce genre de dérapage. « Un employeur n'a pas le droit d'examiner la vie privée d'un candidat à un poste, d'autant que ces détails n'apportent rien concernant ses capacités de travail », rappelle-t-il.
Quant aux liaisons dangereuses entre les services de sécurité privés des entreprises avec les services secrets, elles peuvent s'expliquer par le fait que les groupes privés « recrutent souvent des anciens des renseignements ou de la police ».