Cela étant, les témoins soulignent que le président Sleiman est fortement ulcéré par les attaques le visant. Il y voit une tentative délibérée de maintenir le Liban dans un climat pourri de confrontation entre deux camps principaux, pour que la tension persiste après les élections, afin de continuer à paralyser réforme et redressement.
L'ancien ministre Frangié soutient que Baabda lui a dépêché le directeur de la SG, Wafic Jezzini, pour qu'il entreprenne une médiation avec le général Aoun au sujet de certains candidats indépendants. Frangié a invité le président de consensus à rester neutre, à l'écart de la joute électorale.
Mais, relèvent les observateurs, la campagne orchestrée par le 8 Mars contre Baabda va bien au-delà d'observations ponctuelles. Elle met en cause, un an après sa prise en charge, la ligne même du président, pour en saboter le rôle. Ce qui s'est décidé une fois que l'on a calculé ce qu'il conviendrait de faire après les élections. À preuve que l'ancien ministre Frangié a déjeuné à la table du président il y a quelques semaines, sans aucunement lui faire part de ses réserves au sujet de la démarche de Jezzini. De plus, poursuivent ces sources, les prosyriens accusent le président de se mêler des élections sans livrer d'exemple précis, ou d'indiquer comment se déroulent les choses. Des députés aounistes affirment ainsi que l'État s'ingère dans la procédure électorale, sans avancer des faits, des preuves ou des indices tangibles. Enfin, soulignent ces cadres, le réflexe normal d'une opposition constatant des anomalies aurait été d'envoyer une délégation à Baabda pour s'en ouvrir au président, et non pas de monter un réquisitoire médiatique effréné.
La suite des attentats
Dans le prolongement de la réponse de Baabda, les loyalistes estiment que l'offensive dirigée contre la première magistrature a pour but essentiel de continuer à empêcher l'émergence d'un État libanais digne de ce nom. Cette campagne est la suite des attentats et des attaques contre des institutions qui sont des piliers de l'État, comme l'armée et la justice. Elle fait écho au blocage systématique illustré par le dernier croc-en-jambe, en Conseil des ministres, aux nominations, au budget et au Conseil constitutionnel. C'est d'ailleurs la prise de position du chef de l'État, exigeant que l'on passe au vote et démasquant de la sorte les ministres de l'opposition, qui a sans doute précipité la décision de l'attaquer. Étant entendu, selon les loyalistes, que les prosyriens préfèrent que rien ne soit tranché avant le 8 juin. Ensuite, s'ils sont gagnants, ils décideront à leur convenance, et s'ils sont perdants, ils continueront à tout bloquer.
Les majoritaires s'apprêtent pour leur part à célébrer le premier anniversaire de l'avènement du général Sleiman, le 25, comme un événement des plus heureux. Pour eux, le président, loin de démériter, s'est engagé à fond dans la bataille pour la devise « Liban d'abord ». Passant, naturellement, par l'instauration d'un État de droit fort, souverain, indépendant, seul armé, maître de tout le territoire. Ils soulignent que, contrairement à l'opposition, le président refuse de concilier entre le concept d'État uni et le fait accompli de mini-État dans l'État. Ils mettent en garde contre un projet de Troisième République qui équivaudrait à consacrer ce fait accompli. Ajoutant que les prosyriens sont mal placés quand ils revendiquent une part du pouvoir au nom de ce principe de la participation qu'ils rejettent de fait quand il s'agit de la décision de guerre et de paix. Ou quand ils refusent à l'autorité publique l'accès à leurs chasses gardées baptisées périmètre de sécurité. Autrement dit, à leur mini-État. Enfin, les loyalistes craignent qu'après une victoire du 8 Mars aux élections, le nouveau pouvoir n'aliène tout le potentiel, et les institutions de l'État au profit du Hezbollah, comme le Hamas l'avait fait à Gaza. Ce dont l'axe syro-iranien, que Paris met en garde contre toute immixtion, tirerait avantage.
Retour et arrivée à Baabda. Selon des sources fiables, la montée des tensions pourrait inciter le président Sleiman à adresser un message à la nation, à la veille des élections, pour réaffirmer la neutralité de l'État et pour presser les Libanais d'accomplir leur devoir civique, dans un climat de fair-play, de calme sécuritaire de liberté de choix, de transparence, et en rejetant toute sorte d'immixtion extérieure.