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Économie - Stratégie

La bureaucratie, refuge de l’incompétence

La bureaucratie part d'une bonne intention. Elle vise à assurer à travers un dispositif qui se veut impartial que l'action organisationnelle qui est mise en œuvre par les firmes répond au mieux à leurs besoins. Pour cela, une hiérarchie stricte va être mise en place, les tâches vont être confiées aux personnes les mieux à même de les remplir, les contrôles vont se multiplier et des règles complexes vont régir les interactions entre les acteurs dont les relations vont se dépersonnaliser. C'est le triomphe de la rationalité !
La bureaucratie présente aussi le grand avantage de donner à la direction générale l'impression de contrôler ses troupes grâce à ses règles et procédures. Ainsi, elle ne constitue pas uniquement un dispositif permettant une allocation optimale des ressources de l'entreprise, mais également un instrument de pouvoir. D'ailleurs, Max Weber, le père de la bureaucratie moderne, l'associe à ce qu'il appelle le pouvoir rationnel légal. Évidemment, comme tout pouvoir, la bureaucratie va créer des zones de contre-pouvoir. L'une des plus remarquables est ce qu'on appelle la zone d'incertitude. Les acteurs subalternes de l'entreprise vont masquer leur savoir et savoir-faire de façon à ce que le décideur ne puisse pas définir exactement leur niveau d'efficience. La règle du jeu est de faire le minimum possible. Ce faisant, l'entreprise pâtit grandement de la situation. Imaginez une ligne de production arrêtée en attendant que le préposé de la maintenance arrive alors que l'opérateur sait parfaitement comment régler la cause de la panne. Dans ces conditions, il n'est pas surprenant que le terme soit rapidement devenu synonyme d'inefficience, d'autant plus que les dispositifs bureaucratiques sont généralement associés dans l'esprit du plus grand nombre à la lenteur, l'aveuglement et l'irrationalité des décisions. Il faut dire que les règles bureaucratiques ont leur propre logique et que celle-ci est souvent difficile à comprendre pour les néophytes.
Quelle que soit l'importance de ces aspects de la situation, le véritable danger de la bureaucratie ne se situe cependant pas à ce niveau. En fait, la bureaucratie se fonde sur une théorie économique qui considère que l'homme est opportuniste et « maximisateur ». En clair : il recherchera toujours son propre intérêt et utilisera tous les moyens à sa disposition pour y arriver ; cet homme économique n'est pas le genre de personne que vous avez envie de fréquenter. En dépersonnalisant les relations interprofessionnelles et en les encadrant par des procédures et des règles strictes, la bureaucratie cherche à neutraliser l'action de ce type d'individus.
Reste que dans la vraie vie, les maximisateurs opportunistes ne sont pas légion et qu'en instituant des règles bureaucratiques strictes, les firmes cherchent à se protéger contre une minorité d'individus qu'en fait elles n'auraient pas dû recruter. Ce faisant, elles éloignent les personnes qu'elles auraient dû engager et qui se sentent agressées par le système, ce qui les pousse à élargir encore davantage leur dispositif bureaucratique ... Et si, finalement, la bureaucratie n'était qu'un moyen de compenser l'incompétence ?

* Spécialiste en stratégie et théorie des organisations - Centre de recherche, d'études et de développement (CRED) de l'ESA.

En coopération avec : ESA
La bureaucratie part d'une bonne intention. Elle vise à assurer à travers un dispositif qui se veut impartial que l'action organisationnelle qui est mise en œuvre par les firmes répond au mieux à leurs besoins. Pour cela, une hiérarchie stricte va être mise en place, les tâches vont être confiées aux personnes les mieux à même de les remplir, les contrôles vont se multiplier et des règles complexes vont régir les interactions entre les acteurs dont les relations vont se dépersonnaliser. C'est le triomphe de la rationalité !La bureaucratie présente aussi le grand avantage de donner à la direction générale l'impression de contrôler ses troupes grâce à ses règles et...
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