Irrigation interdite, risques de sécheresse et de déplacements de population: Bagdad craint une "catastrophe" cet été si la Turquie continue de retenir l'eau du Tigre et de l'Euphrate, qui fait vivre l'agriculture locale depuis des millénaires.
La controverse sur le partage international des eaux de ces fleuves qui ont donné leur nom à l'ancienne Mésopotamie ("entre les fleuves" en grec) est presque aussi vieille que l'Irak. Mais pour Bagdad, la pénurie actuelle exige une réponse urgente de la Turquie.
L'ensemble des barrages irakiens totalisaient début mai 11 milliards de m3 d'eau, contre un peu plus de 40 milliards en mai 2006, alors que les précipitations n'ont pas été inférieures aux normales cet hiver.
C'est dans l'Euphrate que la situation est la plus préoccupante. Les réserves du barrage d'Haditha (ouest), premier ouvrage irakien en amont du fleuve, n'étaient début mai que d'1,5 milliard de m3, contre huit milliards en mai 2007.
"Si le niveau d'eau dans l'Euphrate continue de diminuer, il y aura une catastrophe en juillet car il ne sera plus possible d'irriguer les cultures", a déclaré à l'AFP dans son bureau de Bagdad Aoun Ziab Abdoullah, directeur du Centre national des ressources en eau.
"La sécheresse entraînera des déplacements de population", prédit-il, en rappelant que "l'agriculture irakienne dépend à 90% de l'eau des fleuves."
Les effets se font déjà sentir dans certaines provinces, comme dans celle de Najaf (sud), qui vient d'interdire à ses cultivateurs d'ensemencer leurs rizières.
"Nous allons nous concentrer cette année sur la fourniture d'eau potable et l'irrigation d'autres cultures moins demandeuses d'eau", a déclaré récemment à l'AFP le directeur du centre des ressources en eau de Najaf, Modhar al-Bakaa, en marge d'un séminaire sur l'eau.
La situation s'aggrave à mesure que l'on descend l'Euphrate, selon le président de la commission de l'Agriculture et de l'Eau au Parlement irakien, Karim al-Yacoubi, qui craint une catastrophe écologique dans les marais de Nassiriyah, plus au sud, et note que le manque d'eau aggrave la salinité du fleuve.
L'origine du problème, selon l'Irak, réside dans les nombreux barrages que la Turquie construit en amont depuis 30 ans pour l'irrigation des terres agricoles d'Anatolie du sud-est. Ces ouvrages lui permettent de réguler le débit des fleuves en fonction de ses besoins.
Selon M. Abdoullah, le débit de l'Euphrate, qui serpente de la Turquie via la Syrie n'est plus aujourd'hui que de 230 m3/seconde quand il entre en Irak, alors qu'il était encore de 950 m3/s en 2000.
Les autorités irakiennes ont adressé plusieurs lettres à Ankara pour demander que la Turquie permette un débit de 700 m3/s de l'Euphrate quand il coule en Irak.
Sur le Tigre, la situation est moins grave. Mais le projet du gigantesque barrage turc d'Ilisu, d'une capacité supérieure à 10 milliards de m3, inquiète tout autant Bagdad.
Le président turc Abdullah Gül avait promis en mars de doubler le quota d'eau alloué à l'Irak, lors d'une visite historique à Bagdad, la première d'un chef d'Etat turc en 33 ans.
Mais la promesse n'a pas été tenue, selon M. Abdoullah, qui note que l'unique traité bilatéral sur le partage des eaux date de 1946, à une époque où l'Irak craignait surtout les inondations... Le texte imposait alors à Ankara d'avertir son voisin de tout projet susceptible d'affecter le débit des fleuves.
"La Turquie ne fait plus attention à nous", déplore M. Abdoullah.
Dans une tentative de riposte, les députés irakiens ont voté la semaine dernière un texte exigeant que la question de l'eau figure désormais dans tous les accords passés avec Ankara, a indiqué M. Yacoubi.
La controverse sur le partage international des eaux de ces fleuves qui ont donné leur nom à l'ancienne Mésopotamie ("entre les fleuves" en grec) est presque aussi vieille que l'Irak. Mais pour Bagdad, la pénurie actuelle exige une réponse urgente de la Turquie.
L'ensemble des barrages irakiens totalisaient début mai 11 milliards de m3 d'eau, contre un peu plus de 40 milliards en mai 2006, alors que les précipitations n'ont pas été inférieures aux normales cet hiver.
C'est dans l'Euphrate que...
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