Le Sri Lanka a été saigné pendant 37 ans par un conflit séparatiste entre les Tigres de libération de l'Eelam tamoul (LTTE) et l'armée gouvernementale, faisant plus de 70 000 morts dans des combats, attentats et assassinats.
Les Tigres, le mouvement insurrectionnel le plus redoutable au monde, a été décapité hier par l'armée : elle a tué 300 irréductibles, dont tous les chefs, et s'est emparée de leur ultime poche d'un km2 dans le Nord-Est. « Le pays tout entier est libéré du terrorisme », a déclaré le chef de l'armée de terre, le général Sarath Fonseka. Dans la matinée, les Tigres ont perdu leur fondateur et commandant suprême, Velupillaï Prabhakaran, 54 ans, tué par des militaires. Invisible depuis 18 mois, il fuyait à bord d'une ambulance en compagnie de ses deux lieutenants. Les trois hommes ont été abattus et leur véhicule a pris feu, ont annoncé à l'AFP deux hauts responsables militaires. Toute la direction du LTTE, fondé en 1972, y compris M. Prabhakaran, a été anéantie, ont confirmé la télévision publique et un responsable de la présidence. Dans leur lutte à mort contre les Tigres, les forces armées ont éliminé Pottu Amman, chef des services de renseignements, le colonel Soosai, amiral de la force navale des « Tigres des mers », et le fils de M. Prabhakaran, Charles Anthony, 24 ans. Deux autres corps ont été découverts : ceux du chef de la vitrine politique de la guérilla, B. Nadesan, et du chef du secrétariat à la paix du LTTE. Ces dépouilles, dont celle de M. Prabhakaran, vont être autopsiées et subir des tests ADN.
Le président Rajapakse, un nationaliste cinghalais élu fin 2005 pour mener une guerre sans merci contre la rébellion tamoule indépendantiste, doit s'adresser aujourd'hui au Parlement. Il avait déjà annoncé samedi la « défaite militaire des terroristes ». De fait, les insurgés avaient admis dimanche leur débâcle en annonçant cesser le combat : « Nous avons décidé de faire taire nos armes. (...) Cette bataille s'est achevée dans l'amertume », avait déclaré le LTTE. Les séparatistes contrôlaient en 2006 un tiers des 65 000 km2 du Sri Lanka, dans le nord et l'est, où ils voulaient fonder un État indépendant. Mais minée par les défections et écrasée par la puissance de feu et la détermination de Colombo, la rébellion fut chassée pendant l'été 2007 de ses bastions de l'Est, avant de perdre ses fiefs du Nord en janvier.
En raison de la brutalité de son coup de boutoir depuis quatre mois - qui a probablement fait, selon l'ONU, 6 500 morts parmi les civils -, l'île de l'océan Indien colonisée pendant 443 ans par les Européens s'est mis à dos l'Occident. Colombo a rejeté tous les appels internationaux à un cessez-le-feu et à un accès humanitaire de l'ONU aux 50 000 civils piégés par le conflit. Gordon Brown, Premier ministre de Grande-Bretagne, l'ex-puissance coloniale, l'a mis en garde contre des « conséquences pour ses actions ». Londres, tout comme le Haut-Commissariat de l'ONU aux droits de l'homme, sont favorable à une enquête pour « crimes de guerre », visant les deux belligérants. Près de 250 000 civils ont été déplacés par le conflit depuis le début de l'année et s'entassent dans des camps verrouillés par Colombo. La Commission européenne l'a exhorté à accorder à l'ONU un « accès total » aux civils. La Croix-Rouge, la seule présente dans l'ex-zone de guerre, dénonçait il y a quelques jours une « catastrophe humanitaire inimaginable ».