Hassan Nasrallah a assisté à la cérémonie à partir d'un écran géant installé au premier plan. Il était revêtu d'une abaya beige, été oblige. Et lorsqu'il a commencé à prendre la parole, le silence s'est fait total. Il a commencé par expliquer qu'il devait prendre un ton enflammé parce qu'il s'adresse à une foule. Lundi, son ton sera plus calme car il s'agira d'un message enregistré, consacré à la situation régionale et à la Résistance.
Le secrétaire général a mis l'accent sur l'éducation et la culture, « parties intégrantes de la Résistance, basée sur le savoir et la raison et pas seulement sur le courage et le dévouement ». Il a au passage rendu hommage aux hommes « qui encouragent leurs épouses à poursuivre leurs études ».
Il a ensuite déclaré que le Liban se trouve à la veille d'une nouvelle étape, au cours de laquelle il faudra assumer de grandes responsabilités. Il s'agit, selon lui, d'édifier un État fort et juste, « car un État fort sans justice est une dictature et un État juste sans force ne peut appliquer ses décisions ». « Une patrie pour tous les Libanais, où ils seraient égaux en droits et en devoirs, a-t-il affirmé. Une patrie qui protège la diversité culturelle et religieuse, elle-même une bénédiction et un facteur de force (...) Nos intérêts sont les mêmes et il faut en finir avec le concept de quantité et de qualité... ».
Le secrétaire général du Hezbollah s'est par ailleurs prononcé contre la partition et le fédéralisme qui, selon lui, constitue un premier pas vers cette même partition. Il a précisé que ces idées « trottent encore dans certains esprits » et estimé que ceux qui accusent l'opposition de vouloir un partage par tiers du pouvoir « travaillent en fait pour le fédéralisme ».
Il a rappelé que dans son programme électoral, le Hezbollah ne réclame pas l'abolition du confessionnalisme, mais la formation de la commission chargée de travailler à abolir le confessionnalisme politique. « Celle-ci doit prendre son temps et peut décider de maintenir le système confessionnel avec quelques modifications ou au contraire de l'abolir et il faudra offrir une formule de rechange, qui ne peut être que le fruit d'un dialogue profond et sincère », a-t-il dit.
Il a précisé que le Hezbollah n'a jamais songé à remplacer l'État. « L'État fort, affirme-t-il, pourra un jour dire aux résistants : nous sommes désormais en mesure de protéger notre territoire, retournez à vos vies... ».
Hassan Nasrallah a en outre affirmé que le Liban n'a pas de pouvoir judiciaire : « Il y a des juges, certains sont intègres, d'autres le sont moins. » Aussi s'est-il demandé comment la justice pouvait condamner des collaborateurs d'Israël à des peines légères et maintenir quatre généraux en prison trois ans et huit mois sans retenir contre eux la moindre charge. Il a rappelé que la Résistance s'est engagée à livrer les collaborateurs à la justice libanaise et continue à respecter son engagement, même si elle est la seule Résistance au monde à ne pas avoir jugé les collaborateurs. Il a ensuite évoqué l'accord du 17 mai, signé sous la pression des Israéliens et des Américains, et rappelé que ceux qui ont signé cet accord sont devenus aujourd'hui les symboles de l'indépendance et de la souveraineté et ceux qui s'y sont opposés sont devenus des suiveurs...
Le secrétaire général du Hezbollah a également rappelé que l'opposition est favorable à un gouvernement d'union nationale. Selon lui, l'expérience actuelle n'est pas un échec comme le prétendent certains, « mais au cœur de la démocratie consensuelle en vigueur au Liban ». Il a raconté que Rafic Hariri lui avait confié avoir refusé de former le gouvernement en septembre 2004 parce qu'il n'avait pas pu nommer le tiers des ministres. « Si nous gagnons, nous inviterons l'autre camp à participer au gouvernement, mais s'il refuse, nous ne le supplierons pas », a-t-il ajouté.
Hassan Nasrallah s'est ensuite prononcé en faveur d'un système électoral proportionnel avec le Liban comme circonscription unique, « pour assurer une véritable participation au pouvoir de toutes les composantes de la société ».
Puis revenant sur la question du partage en tiers du pouvoir, le secrétaire général du Hezbollah a précisé que cette suggestion « a été lancée par la majorité dans le but de faire croire que Aoun a accepté de laisser les chiites prendre un tiers et les sunnites un autre, ne laissant qu'un tiers aux chrétiens, alors qu'actuellement le partage est entre deux moitiés, une chrétienne, l'autre musulmane ». Il a d'ailleurs lancé une boutade à ce sujet : « À Jezzine, Aoun n'a pas accepté les deux tiers (deux des trois sièges), comment pourrait-il accepter un tiers pour tous les chrétiens ? »
Hassan Nasrallah a évoqué par la suite la date du 7 mai, précisant que l'opposition « avait choisi de ne pas parler de cette date pour ne pas réveiller les susceptibilités », mais que face au recours systématique de la majorité à cet événement, il voulait mettre les points sur les « i ». Il a ainsi rappelé que le 5 mai, le gouvernement avait décidé de s'en prendre au réseau de télécommunications du Hezbollah « qui avait été jugé dans le rapport Vinograd comme l'un des points forts de la Résistance ». Selon lui, ce jour a été « un jour de honte pour ce gouvernement puisqu'il a décidé de détruire ce qu'Israël n'avait pas réussi à infiltrer ». « Qu'on ne nous dise pas qu'il s'agissait d'une décision symbolique, car comment expliquer que la séance du Conseil des ministres a duré jusqu'à l'aube et qu'elle a été marquée par des contacts avec les États-Unis et l'Arabie saoudite ? »
Nasrallah a parlé ensuite des efforts visant à transformer Beyrouth « en foyer pour les milices sous le couvert de la prolifération des sociétés de sécurité ». Puis, se référant aux propos de Joumblatt sur l'acheminement de milliers de combattants du Akkar et de la Békaa, il a affirmé que ceux-ci ne sont pas des lâches, mais ont simplement été entraînés dans la mauvaise bataille. Selon lui, « le 7 mai a été une journée de gloire pour la Résistance puisqu'elle a réussi à éviter le plan de guerre confessionnelle à Beyrouth, et a permis de sortir le pays de l'impasse dans laquelle il se débattait et d'élire un président consensuel ». Hassan Nasrallah a également rendu hommage à l'armée, « qui a refusé de se battre contre la résistance et qui en payé le prix en étant privée d'aides militaires ». C'est pourquoi, selon lui, le plan initial de pousser l'armée à se battre contre le Hezbollah a été remplacé par une guerre confessionnelle, « qui aurait justifié l'envoi de troupes internationales ».
« Ils ne veulent pas oublier le 7 mai, tant mieux ; il ne faut pas oublier pour ne pas rééditer les mêmes erreurs », a conclu Hassan Nasrallah.