Le chômage est endémique en Turquie, un pays à forte natalité où de nombreux jeunes arrivent chaque année sur le marché du travail et où le déclin du secteur agricole pousse vers les grandes villes un nombre important d'ouvriers agricoles non qualifiés.
« Le taux de chômage était déjà élevé et maintenant, avec la crise économique mondiale, il a progressé plus vite que dans d'autres pays », affirme Nurhan Yentürk, économiste à l'université stambouliote de Bilgi.
Le gouvernement, estime l'universitaire, a retardé l'adoption de « mesures radicales » et préféré minimiser l'impact de la crise mondiale sur la Turquie, craignant des retombées négatives lors des élections municipales organisées en mars.
Le taux de chômage, en hausse constante au cours des derniers mois, a atteint 16,1 %, soit 3,8 millions de personnes, pour le premier trimestre 2009, alors qu'il était de 15,5 % pour la période courant de décembre 2008 à février 2009, selon les statistiques officielles publiées hier. Le taux de sans-emploi parmi les jeunes de 15 à 24 ans est encore plus alarmant, puisqu'il atteint désormais 28,6 %.
Selon l'économiste Güngr Uras, les grandes tendances démographiques sont au cœur du problème : la population turque a progressé de 1,31 % en 2008 pour atteindre 71,5 millions de personnes, pour moitié âgées de moins de 28 ans.
« À la différence des pays occidentaux, notre population croît rapidement (...). Cela veut dire que nous sommes confrontés au problème de créer des emplois pour les nouveaux venus, en plus de la préservation des emplois existants », a-t-il récemment argumenté dans le quotidien Dünya.
Mme Yentürk souligne une autre différence : « Dans l'Union européenne, le taux de chômage parmi les jeunes chute à mesure que le niveau d'éducation croît. En Turquie, c'est le contraire (...). Les diplômés de l'université comptent pour 18,5 % des chômeurs chez les 20 à 24 ans. »
Les experts voient peu de raisons d'espérer alors que l'économie turque, qui affichait ces dernières années des taux de croissance flatteurs, a régressé de 6,2 % au dernier trimestre 2008. La production industrielle a, quant à elle, baissé de 20,9 % en mars.
Longtemps accusé d'inaction, le gouvernement du Premier ministre Recep Tayyip Erdogan est selon la presse en train de confectionner un programme de mesures visant à créer au moins 500 000 emplois et à offrir des stages à 200 000 autres.
Mais la marge de manœuvre d'Ankara pour créditer de telles mesures pourrait être limitée, alors que le pays est en cours de négociations avec le Fonds monétaire international pour l'octroi d'un prêt.
Dès lors, des conséquences sociales sont à redouter, en particulier chez les jeunes, qui, sans espoir d'avenir, pourraient se retrancher dans une attitude antisociale et violente, estiment les analystes.