Auparavant, l'architecte de cette quasi-victoire militaire, le président Mahinda Rajapakse, « a assuré que d'ici à 48 heures les milliers de civils seraient libérés des griffes des Tigres tamouls », selon son porte-parole Anusha Palpita. Alors que le LTTE régnait en 2007 sur 15 000 km2 dans le nord et l'est, sur lesquels il voulait fonder un État indépendant, M. Palpita a insisté : « Tout (le Sri Lanka) sera libéré » d'ici à dimanche. Depuis qu'il a lancé en janvier son offensive « finale » contre les Tigres, Colombo a maintes fois juré d'en venir à bout en quelques jours.
De fait, l'armée se disait prête depuis une semaine à donner le coup de grâce en crevant la dernière poche de l'ennemi. Elle a apparemment continué de bombarder l'enclave, malgré son engagement il y a 15 jours à ne plus le faire. « Il y a des cadavres partout », a déclaré à la télévision publique une Tamoule à peine sortie de la zone. Les Tigres accusent les militaires d'avoir massacré des milliers de civils ces derniers jours. Colombo rétorque que la guérilla a tiré sur ces « boucliers humains ».
Mais aucune information fiable ne filtre de cette région coupée du monde, à laquelle seule la Croix-Rouge a accès. Celle-ci s'est déclarée jeudi impuissante face à « une catastrophe humanitaire inimaginable » en avertissant que « les gens étaient abandonnés à leur sort ».
La veille, pour la première fois, le Conseil de sécurité de l'ONU avait exhorté les belligérants à épargner les civils. Le secrétaire général Ban Ki-moon envoie aujourd'hui à Colombo son chef de cabinet, Vijay Nambiar, tandis que le représentant de l'ONU pour les Déplacés, Walter Kölin, s'est dit « extrêmement inquiet ».
Tous les dignitaires étrangers qui se sont succédé au Sri Lanka depuis fin avril s'y sont cassés les dents. Même le président américain Barack Obama n'a pas convaincu les Tigres de se rendre, ni l'armée d'arrêter ses pilonnages. L'ex-colonie britannique, sourcilleuse sur sa souveraineté, a rejeté tous les appels de la communauté internationale - surtout des Occidentaux - à un cessez-le-feu et à un accès humanitaire au théâtre du conflit.
Tentant la pression économique, la secrétaire d'État Hillary Clinton s'est prononcée contre un prêt de 1,9 milliard de dollars par le Fonds monétaire international (FMI). « Les discussions se poursuivent avec le Sri Lanka. C'est une situation spéciale. Je ne sais pas si nous conclurons un accord », a répondu le directeur général Dominique Strauss-Kahn. Mais l'île de 20 millions d'âmes - dont 74 % de Cinghalais et 12,5 % de Tamouls - peut compter sur ses alliés en Asie - notamment la Chine - voire sur l'Iran ou la Libye.