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Liban - Éclairage

Un dangereux contresens : la participation de blocage !

C'est vraiment la preuve par neuf. Le dernier Conseil des ministres a confirmé l'inanité, la nocivité paralysante, de la cohabitation gouvernementale. Le slogan du cabinet d'union sonne plus creux que jamais. Une fois de plus, sous prétexte de contrer le monopole de la majorité, les prosyriens ont réussi à bloquer des décisions importantes. Au nom d'un principe de consensus tronqué, dénaturé, profondément perverti. Qui ne joue du reste en démocratie, là où elle a vraiment cours, que lorsque la patrie est en danger, ou à un tournant crucial de son histoire.
Par exemple, observe un juriste averti, quand il s'agit de guerre, les forces actives du pays cogèrent l'épreuve nationale ensemble, sans regarder aux quotas de représentation parlementaire. Mais en temps ordinaire, il n'est pas question que la minorité soit appelée à participer au pouvoir. Surtout quand elle ne se soucie que d'empêcher l'État de fonctionner.
Sans compter, poursuit-il, que l'autorité publique légale, légitime, se voit refuser par les forces de facto le droit national le plus élémentaire, le plus essentiel, la faculté de décider de la guerre et de la paix. En fait, la formule de Doha ne consacre ni le consensus ni la participation, mais un système de copartage de tranchées, chaque communauté pouvant à tout moment user d'un droit effectif de veto, pour neutraliser toute décision ne lui convenant pas. Ce qui équivaut à un système de confédération confessionnelle enfreignant dangereusement l'esprit de coexistence harmonisée nécessaire à la survie d'un pays politique composite. Une perspective ouverte par la stratification d'une communauté, qui n'a plus qu'un seul commandement. Ce qui lui permet de donner l'exemple de périmètres de sécurité synonymes d'État dans l'État. Un exemple que commencent à suivre les partisans de ghettos à Jbeil, au Kesrouan, à Baabda et au Metn. Alors que le pluralisme bien compris, ouvrant la voie à des jonctions d'ordre national, requiert des leaderships multiples au sein de chaque communauté, comme c'était le cas jadis.
L'on a vu, en tout cas, les prosyriens se dresser, lors du dernier Conseil des ministres, contre l'essence même de la démocratie, le recours au vote. En exigeant un accord préalable sur un package deal englobant le budget, le Conseil constitutionnel et les nominations. Ils ont ensuite torpillé tout acte de gouvernement, en refusant de voter. Avec leur tiers de blocage, ils ont de la sorte interdit les trois nominations projetées, y compris celle d'un directeur de l'Intérieur qui leur serait favorable. Le 8 Mars a précisé en outre qu'il rejette également le recours à un arbitrage présidentiel, idée soutenue par le 14 Mars. Les prosyriens refusent donc de s'en remettre au président Sleiman, pour président de consensus qu'il soit.
Le chef de l'État, gardien de la Constitution, en a défendu l'essence même. Il a exigé un vote sur les nominations, une fois qu'il est apparu qu'aucune décision à l'amiable n'était possible. Le président Sleiman, indiquent des sources ministérielles, savait pertinemment que les nominations ne passeraient pas. Mais il a voulu démasquer les rôles et les positions, tout en initiant une approche plus responsable de la démocratie, afin que chacun en prenne de la graine. Dans l'espoir qu'à la prochaine séance, le budget, le Conseil constitutionnel et les nominations tomberaient enfin dans l'escarcelle de l'ayant-droit, ce citoyen libanais que l'État incarne.
Revenant sur les théories des prosyriens, les loyalistes leur répondent que la participation politique de fond est assurée par la table ronde de dialogue national. Et qu'elle n'a pas, ou n'a plus, lieu d'être au sein du gouvernement où elle sert simplement de prétexte à blocage. Dès lors, les majoritaires répètent qu'après les législatives, Doha ce serait fini. S'ils reviennent au pouvoir, ils ne le partageraient éventuellement, pour réduire les tensions, que sans tiers de blocage. Et si ce sont les prosyriens qui devaient l'emporter, le 14 Mars rejetterait leur offre de copartage bis. Pour conclure sur ce point par la sempiternelle question : Comment ceux qui usurpent la décision de guerre et de paix, sans consulter ni faire participer personne, peuvent-ils se présenter en champions du consensus ?
À ce propos même, des professionnels soulignent que les opposants refusent au président de la République, pourtant élu à cette fin, tout rôle de rassembleur consensuel. Ils ne veulent pas qu'il y ait au Parlement un bloc centriste soutenant la ligne de Baabda, tout simplement parce qu'ils ne veulent pas que le président puisse disposer en Conseil des ministres d'un tiers d'activation, d'arbitrage et non de blocage. Pour eux, le président ne doit être qu'un monarque constitutionnel, qui règne sans gouverner, ou, encore pire, qu'un chef de protocole honoraire, seulement bon pour recevoir les lettres de créance des ambassadeurs.
Cependant, un ministre opposant affirme que les craintes exprimées sur l'après-7 juin par les loyalistes ne sont pas fondées. Il les assimile d'ailleurs à de la simple propagande électorale. En soulignant que la proposition faite d'avance aux majoritaires actuels de participer au gouvernement en cas de victoire du 8 Mars est bien la preuve que ce camp veut l'entente et ne cherche pas à torpiller l'État. Dans ses assurances, ce ministre inclut la présidence de la République, en jurant que l'opposition se tient toujours aux côtés du chef de l'État. Mais pour sa part, Ghazi Zeayter, ministre berriyiste sorti du Conseil des ministres en claquant la porte, produit un son de cloche moins rassurant quand il exige la suspension des réunions du Conseil jusqu'au changement de gouvernement. En même temps, quand il indique que le Conseil n'est qu'une tour de Babel, il donne raison aux défenseurs loyalistes de la thèse hostile à la formule d'un faux cabinet d'union.
C'est vraiment la preuve par neuf. Le dernier Conseil des ministres a confirmé l'inanité, la nocivité paralysante, de la cohabitation gouvernementale. Le slogan du cabinet d'union sonne plus creux que jamais. Une fois de plus, sous prétexte de contrer le monopole de la majorité, les prosyriens ont réussi à bloquer des décisions importantes. Au nom d'un principe de consensus tronqué, dénaturé, profondément perverti. Qui ne joue du reste en démocratie, là où elle a vraiment cours, que lorsque la patrie est en danger, ou à un tournant crucial de son histoire.Par exemple, observe un juriste averti, quand il s'agit de guerre, les forces actives du pays cogèrent l'épreuve nationale ensemble, sans regarder aux quotas de...
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