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Moyen Orient et Monde - Pakistan

À Swat, les routes sont jonchées des corps des civils qui tentaient de fuir

Les victimes des bombardements meurtriers de l'armée témoignent.
De ses lèvres pâles, Fozia, 12 ans, ne cesse d'embrasser, de manière compulsive, sa petite sœur d'un an, qui a survécu comme elle à un bombardement de l'armée au cours de l'offensive contre les talibans à Swat, dans le nord-ouest du Pakistan. Un obus de mortier a touché le bâtiment où s'étaient réfugiées, comme la famille de Fozia, une centaine d'habitants du village d'Aboha, dans la vallée de Swat. Son père venait de demander à la jeune fille d'aller chercher de l'eau. Quand elle est revenue, sa mère l'a empêchée de s'approcher du corps affreusement mutilé de son mari. Deux frères de Fozia, âgés de 7 et 5 ans, ont également péri dans le bombardement. Des talibans s'étaient réfugiés dans une mosquée voisine, d'où ils tiraient sur les militaires.
Parmi les quelque 834 000 civils déplacés par la grande offensive de l'armée menée depuis 19 jours dans la vallée de Swat et ses environs, les témoignages affluent pour décrire des rues, des routes jonchées des corps de civils qui tentaient de fuir. Ils ont été piégés entre les bombes de l'artillerie et de l'aviation de l'armée et les tirs des talibans. Fozia pleure frénétiquement sur son lit de l'hôpital de Mardan, l'une des villes du nord-ouest où ont afflué les déplacés. « Je ne sais pas ce que je vais devenir », se lamente-t-elle. Le bébé se met à hurler. « Je ne suis pas un taliban, juste un civil, je ne sais pas pourquoi ils nous ont pris pour cible », s'indigne son oncle Ali, un commerçant de 30 ans, qui a également perdu une sœur et deux nièces dans le bombardement. « Le gouvernement est responsable de tout ça, on ne nous avait pas avertis », s'emporte-t-il.
Dans une autre salle de l'hôpital, une autre famille est en deuil. Bakhi Zahid, 20 ans, raconte son supplice. Avec une soixantaine d'habitants de Swari, dans le district de Buner, voisin de Swat, ils se sont entassés dans deux camions pour fuir les combats. Au bout de cinq kilomètres, des militaires ont ouvert le feu en direction des véhicules pour les forcer à faire demi-tour, à cause du couvre-feu. Sur le chemin du retour à Swari, un hélicoptère de combat a pris les camions pour cible. Sept passagers sont morts sur le coup, assure Bakhi. Son frère, âgé de 17 ans, a été grièvement touché. Quand Bakhi a essayé de s'approcher d'une voiture pour tenter d'emmener les blessés, les hélicoptères ont de nouveau ouvert le feu. Entre-temps, son frère a succombé à ses blessures, explique Bakhi, qui arbore un bandage ensanglanté autour du pied droit.
Dans une chambre adjacente, Sani Gul, l'oncle de Bakhi, et sa femme Bakht Nasiba sont penchés sur le lit de leur fils de 12 ans, Muhammad Salih, qui s'est ouvert le ventre sur un morceau de métal en sautant d'un des camions pris sous le feu de l'hélicoptère. Nasiba se demande pourquoi l'armée a continué à les bombarder quand elle et d'autres villageoises ont arraché leurs burqas pour bien montrer qu'elles étaient des femmes. Mais Gul, lui, estime que chasser les talibans vaut quelques sacrifices. « Si le gouvernement réussit et que la paix est restaurée, alors ça va. Il faut prier pour les soldats, pour que cette opération soit un succès », lâche-t-il.
Hier, l'offensive contre les islamistes se poursuivait. Des habitants joints par téléphone assurent que les militaires pilonnent certains quartiers et que les talibans, qui ripostent, sont encore maîtres de la rue.

Charlotte McDONALD-GIBSON (AFP)
De ses lèvres pâles, Fozia, 12 ans, ne cesse d'embrasser, de manière compulsive, sa petite sœur d'un an, qui a survécu comme elle à un bombardement de l'armée au cours de l'offensive contre les talibans à Swat, dans le nord-ouest du Pakistan. Un obus de mortier a touché le bâtiment où s'étaient réfugiées, comme la famille de Fozia, une centaine d'habitants du village d'Aboha, dans la vallée de Swat. Son père venait de demander à la jeune fille d'aller chercher de l'eau. Quand elle est revenue, sa mère l'a empêchée de s'approcher du corps affreusement mutilé de son mari. Deux frères de Fozia, âgés de 7 et 5 ans, ont également péri dans le bombardement. Des talibans...
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