Le cas libanais
Au Liban, où près de 40 000 personnes bénéficient de microcrédits, la situation ne semble pas diverger de celle qui prévaut dans les autres pays de la région. « Le montant global des prêts consentis par les ONG dédiés à la microfinance s'élève à près de 30 millions de dollars, alors que la demande potentielle est estimée à 150 millions de dollars », a indiqué le président de Sanabel à L'Orient-Le Jour. Même si aucune estimation concernant les montants des microcrédits accordés par les banques commerciales n'est disponible, ces chiffres reflètent néanmoins le fossé existant entre l'offre et la demande sur le marché local. Le développement de ce secteur au cours des dernières années, même s'il reste timide, a toutefois contribué à « mieux lutter contre l'exode rural, l'émigration et la pauvreté au Liban », a estimé pour sa part le vice-gouverneur de la BDL, Raef Charafeddine, rappelant les principales mesures prises par la Banque centrale pour créer un environnement propice à l'expansion de la microfinance, notamment à travers l'attribution d'exemptions partielles sur les réserves obligatoires aux banques. Un avis qui ne semble toutefois pas faire l'unanimité. Pour Youssef Fawaz, « ces mesures ont certes permis de mettre en place un cadre indispensable au décollage de la microfinance, mais elles ne sont pas suffisantes ». « La BDL devra agir en adoptant de nouvelles mesures susceptibles d'augmenter la visibilité des prêteurs, en abaissant, par exemple, le plafond de déclaration à la centrale des risques afin d'y inclure les microcrédits », a-t-il indiqué à L'Orient-Le Jour.
Impact de la crise
En attendant, les experts espèrent du moins que le secteur ne subira pas de plein fouet les répercussions de la crise mondiale et de l'assèchement des liquidités qui en a découlé. « Pour l'instant, un ralentissement de la croissance du nombre et de la valeur des crédits a été constaté, mais il est encore trop tôt pour tirer des conclusions sur le degré de résilience », a souligné le directeur du département de microfinance au sein de Citigroup, Bob Annibale. Selon un sondage élaboré par le groupe, basé sur un échantillon de 100 institutions à travers le monde, 52 % des agents ont reporté avoir déjà des contraintes de liquidités tandis que 66 % ont affirmé encourir le risque d'ici à six mois, a souligné Annibale. En outre, 69 % des institutions sondées ont répondu positif à la question de savoir si les portefeuilles à risque augmentaient en nombre, a-t-il ajouté. Selon le directeur de Citigroup, « la chute des flux de capitaux à destination des pays émergents, amorcée en 2008, risque en effet de porter préjudice à l'activité des institutions de microfinance dans cette zone du monde ». Ces flux avaient déjà baissé de 400 milliards de dollars en 2007 à 167 milliards de dollars l'an dernier. Quant à 2009, la balance risque d'être négative, a-t-il ajouté. En parallèle, la hausse du coût de financement, due à l'assèchement des liquidités sur le marché mondial, combinée à une chute des transferts d'émigrés, pourrait compliquer davantage la situation, a estimé pour sa part la présidente de l'organisation Women's World Banking (WWB), Mary Ellen Iskenderian. La région du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord (MENA) sera toutefois moins affectée que d'autres zones émergentes, ont conclu les experts.