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Liban

Amour et renouveau : ancrage et petits pas pour traiter un Liban schizophrène

Régénération et renouveau, des mots dont on a oublié même jusqu'à l'existence, empêtrés dans la répétition à l'identique et le confort de la médiocrité. Il faut toujours un vent de jeunesse et de passion pour redonner du sens aux mots et peut-être par là même aux choses, puisque c'est le verbe qui appelle à l'existence. Les étudiants libanais, appelés à plancher sur le thème « Régénération et renouveau » dans le cadre du concours annuel de discours public de l'English Speaking Union, semblaient préoccupés par le Liban qui était, bien plus que l'an passé, au centre de leurs propos. Car la question de régénération est clairement liée à celle d'identité. Manifestement, qu'ils soient nés dans l'après-guerre, pendant la guerre ou avant-guerre, le débat reste le même pour les Libanais : celui de leur identité... Ils ont vingt ans, mais ils ressentent avoir vécu la guerre pleinement : juillet 2006, mai 2008 les ont marqués. Chez eux transparaît plus que chez d'autres ce souhait de se débarrasser du passé tout en respectant son héritage avec les leçons qu'il faut en retirer, en se régénérant précisément.
Se régénérer en ne laissant pas sa vie être silencieuse, souligne Chantal Chaïban en citant saint Augustin. Il y a un certain recul spirituel remarquable chez ces jeunes, lesquels, par-delà le cliché du Phénix qui renaît de ses cendres auquel ils font d'ailleurs appel à souhait, veulent nous inviter à « marquer nos vies et à ne pas seulement accepter les choses » : « Ne laissez jamais votre vie être silencieuse » (saint Augustin). Gandhi leur parle aussi : « Nous devons être le changement que l'on veut voir dans le monde. » « Si la graine n'est pas semée dans la terre, elle ne régénérera pas », rappelle Jean-Paul Nammour, de Balamand. Que semons-nous ? Nos étudiants nous exhortent d'« arrêter de vivre dans le passé », de dépasser cette « mentalité de recherche permanente du profit et de la vengeance » dont ils font les frais tout autant que nous-mêmes, d'oser « renouveler notre mentalité ». Ils font des propositions pour la régénération : arrêter la guerre des médias ; créer un mécanisme de dialogue où chacun puisse exprimer à l'autre ses peurs et assurer la perpétuation de ce mécanisme ; revisiter le système éducatif, économique, transformer les discours en action en pressant les politiciens... Leurs propos ne font pas sourire, car ils ont conscience de l'ampleur de la tâche, qui ne les fait cependant pas reculer. Ils conçoivent une « régénération par petits pas » : ils citent par exemple les nombreuses associations qui cherchent à faire la différence, chacune à son échelle : YASA pour prévenir les accidents de la route ; Kounhadi ; les séminaires à l'université tels que celui de la formation aux bases de la diplomatie, de la politique et de la négociation, organisé par la LAU, etc.
« Notre génération ne prend pas la fuite comme la précédente », laquelle, ayant perdu espoir, pliait bagage illico, rassure Ghassan Habib, de Balamand... « Les erreurs de l'émigration et de la perpétuation politique » commises à leur sens par leurs aînés les ont éclairés et ils veulent avoir la possibilité, eux, de faire autrement, « de prendre les rennes du changement » ; ils s'en sentent capables. Ils ont des ailes, comme le Phénix. Ils demandent de « leur faire confiance », de se laisser porter par cette « occasion de changement » qu'apportent « la passion et l'optimisme » de leur âge. Ils réclament du moins leur part dans le processus décisionnel. Rana Accaoui donne pour exemple la régénération urbaine très controversée et nous rappelle que celle-ci est liée à « l'image que nous avons de nous-mêmes ». « La régénération culturelle reflète notre régénération intérieure », souligne-t-elle. Nécessaire régénération d'identité, le Liban de 2009 n'étant pas le même que celui de 1920, insiste Nabil Habibi, de Haïgazian. Dans cette quête d'identité, il déplore la référence effrénée à l'extérieur et en appelle à un retour sur soi et sur les valeurs propres.
Si ces étudiants ont parfaitement conscience que le chemin est semé d'embûches, que le cycle même de la vie inclut la mort, comme le dit Pascale Fahd, de l'Université libanaise, et qu'ils trébucheront, ils savent aussi que « ce sont les chutes qui font que l'on se redresse », que c'est une question de choix. Pascale parle de ces individus dont « les vies partent en miettes, mais qui choisissent malgré tout de survivre, qui refusent d'abdiquer » : Nelson Mandela, Martin Luther King, les survivants de Hiroshima, du génocide arménien, de la Shoah, du Koweït en 1999, les toxicomanes qui dépassent leur addiction... La régénération, par amour. Pour le Liban, pour cette « histoire d'amour » que nous vivons avec ce grand « schizophrène » qu'est le Liban, comme le raconte Rania Ayache de la LAU, gagnante du concours avec Joëlle Hayek, elle aussi étudiante à la LAU. Or, les hystériques, ces malades d'amour - « maladies d'amour et de mort », comme dit le psychanalyste Chawki Azouri - ne peuvent être soignés au final que par l'amour. Rania dévoile avoir consulté un thérapeute du couple pour sauver celui qu'elle forme avec le Liban et en être arrivée à la conclusion que « seul l'engagement » lui permettait ceci. « La volatilité de son amant dont on l'avait prévenue », les moult tentatives de séparation n'ont pas eu raison de sa capacité à voir par-delà le noir et le blanc, et de prendre conscience de ce qu'il représentait pour elle... Tant que le Liban schizophrène ne lui avait pas « tourné le dos comme ce fut le cas en mai 2008 ». « Se battre contre un étranger est une chose, se battre contre soi-même en est une autre. »
« Après tout, remarque Rania, l'on devrait s'aimer soi-même pour être aimé ; et à ce stade, le Liban faisait tout sauf s'aimer lui-même. » Elle observe aussi cependant qu'à chaque fois qu'il ressuscite, le pays lui semble encore plus attirant. Elle y croit encore à son histoire d'amour. Comme tous les amoureux, elle n'envisage même pas que celle-ci puisse se terminer.

Nicole HAMOUCHE
Régénération et renouveau, des mots dont on a oublié même jusqu'à l'existence, empêtrés dans la répétition à l'identique et le confort de la médiocrité. Il faut toujours un vent de jeunesse et de passion pour redonner du sens aux mots et peut-être par là même aux choses, puisque c'est le verbe qui appelle à l'existence. Les étudiants libanais, appelés à plancher sur le thème « Régénération et renouveau » dans le cadre du concours annuel de discours public de l'English Speaking Union, semblaient préoccupés par le Liban qui était, bien plus que l'an passé, au centre de leurs propos. Car la question de...
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