Qu'est-ce qui vous fait accepter une affaire ? Son côté spectaculaire ? Provocateur ? L'argent ou vos propres convictions ?
« Ce qui me fait accepter une affaire, c'est l'éclairage qu'elle peut me donner sur le fonctionnement de notre société. L'affaire Barbie révèle les contradictions de la société française pendant l'occupation. L'affaire de corruption des lycées d'Île-de-France m'éclaire sur le fonctionnement des partis dans une société démocratique. Je souhaiterais, par exemple, défendre George Bush s'il était poursuivi comme il devrait l'être pour qu'il nous explique comment il considère torture et démocratie. »
Vous est-il arrivé de défendre un dossier alors que vous étiez convaincu que votre client mentait à la justice ? Avez-vous alors des problèmes de conscience ?
« Le mensonge dans un procès, c'est une partie de poker. Je suis un joueur d'échecs. »
Vous est-il arrivé en revanche de laisser tomber une affaire et pour quelles raisons ? Manque de conviction, par exemple ? Ou défaut de sympathie à l'égard de votre client ?
« Il m'arrive de laisser tomber une affaire quand je suis en désaccord avec le client sur la stratégie de la défense. »
Vous présentez le procès comme un duel entre la défense et l'accusation, voire un match arbitré par le tribunal, mais où situez-vous la vérité dans ce schéma ?
« La vérité est un but que le procès atteint rarement, mais c'est la défense qui s'en rapproche le plus parce que l'avocat connaît mieux l'accusé que le procureur. »
Entretenez-vous des liens personnels avec vos clients... à part bien entendu la femme qui allait devenir votre épouse ?
« Les rapports avec le client sont variables car les hommes sont différents. Certains sont admirables, d'autres non. »
Auriez-vous par exemple accepté de défendre les généraux qui viennent d'être libérés par le TSL sur le Liban et qui avaient été mis en cause dans l'assassinat de Rafic Hariri ? Et le chef des Forces libanaises Samir Geagea, condamné plusieurs fois à mort au Liban ?
« J'aurais défendu les uns et les autres si nous étions tombés d'accord sur la stratégie. »
Au Liban, la justice est actuellement sur la sellette. Selon vous, comment pourrait-on redonner confiance aux Libanais dans leur système judiciaire ?
« Je ne peux juger une situation que je ne connais pas. »
Vous avez choisi ces derniers temps de défendre les criminels les plus controversés comme Carlos, Klaus Barbie. Vous vous étiez même proposé pour défendre Saddam Hussein. Est-ce par fascination pour le crime ? Par provocation ou pour le plaisir d'exposer votre technique ?
« Ces affaires m'ont intéressé parce qu'elles m'aident à comprendre le monde dans lequel nous vivons. La défense de Saddam Hussein m'avait intéressé car il aurait pu nous révéler qui lui a vendu les armes de destruction massive dont la coalition lui a reproché de faire usage. J'aurais demandé à l'OMS de confirmer que l'embargo ordonné par les alliés avait causé la mort de 500 000 enfants. J'aurais fait citer Madeleine Albright comme témoin pour qu'elle répète ses propres termes à un journaliste, selon lesquels elle accepte de défendre la démocratie au prix de la mort de 500 000 enfants. »
En choisissant de montrer que toute personne mérite d'être défendue, êtes-vous en train de lutter contre les clichés, de briser des tabous ou le faites-vous plus simplement pour la notoriété ?
« Je veux lutter contre les clichés et les tabous et si cela assure ma notoriété, je ne vois aucune raison de le refuser. »
Vous avez été tout au long de votre carrière un homme engagé politiquement. Est-ce que cet engagement se poursuit à travers le choix de vos clients ?
« J'ai des opinions, mais elles ne jouent aucun rôle dans le choix de mes clients. »
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